La leçon de l'histoire
petisaintleu
Au royaume de l'Obscurantisme, on parlait peu. Depuis sa création (personne ne s'en souvenait, car au pays de l'indifférence, on ne jugeait pas utile de conserver des souvenirs), rien n'avait réellement changé. La capitale Inertia était d'une tristesse qui tenait à distance les voyageurs. Le théâtre était le bâtiment central et le symbole des non-événements qui animaient la ville. Personne n'aurait pu dire si les planches avaient un jour vibré. Ballet, comédie ou symphonie n'existaient pas ou plus (on ne le savait pas, car les dictionnaires tout autant que l'étymologie étaient inconnus) dans le vocabulaire. À quoi bon s'alourdir de mots ? Non loin de là, les portes d'un édifice battaient dans le vide. Sur le frontispice, on pouvait encore lire « Bibliothèque ». C'est un non-sens que de s'imaginer un Inertien y pénétrer pour en découvrir les rayonnages vides. Pourquoi gravir les marches d'un bâtiment qui n'avait aucune utilité ?
De l'autre côté du fleuve Sapiens s'étendait le pays de la Connaissance. Un peuple aux antipodes de leurs voisins. Dans le chef-lieu, Ardor, venait d'être inauguré le deux centième cinéma. À un nouveau musée, on se disputait l'espace tant il se faisait rare, le désir de faire construire un planétarium, un parcours botanique voire une piscine. Tout était bon pour satisfaire la soif d'apprendre.
Les deux nations s'ignoraient totalement. Les Obscurantistes ne voyaient pas l'intérêt de s'intéresser à tout ce qui se trouvait plus loin que le bout de leur nez qu'ils avaient d'ailleurs fort court. Les Connaisseurs, trop occupés à étancher leur soif de savoir, tournaient le dos, sans doute leur seule concession à l‘ignorance, aux horizons transripariens.
Pourtant, aucune barrière, aucune frontière, aucun interdit ou tabou n'empêchait qui que ce soit de franchir le pont qui reliait les deux nations.
Un jour apparut sur les ondes l'ambassadeur d'un troisième état, la Curiosité. Par souci d'équité, il délégua simultanément des émissaires des deux côtés des berges. Quand ils revinrent et qu'ils firent leur rapport, il comprit qu'il se devait de combler le chemin de l'Indifférence et des Préjugés. Il eut alors l'idée de réunir les protagonistes en organisant un grand banquet. Auprès des premiers, il mit en avant qu'un repas ne chamboulerait en rien leurs habitudes. Quant aux seconds, la promesse de se gaver de bons mots les mettait en appétit.
La Curiosité mit à contribution ses deux puissants alliés pour parvenir à ses fins, l'Humour et l'Amour. Ils firent flèche de tout bois. Il s'avéra que les Obscurantistes se laissèrent convaincre. Ils n'étaient pas de mauvais bougres. Simplement, la Timidité et la Peur les avaient conduit au fil du temps à se recroqueviller. Les Connaisseurs surent écouter la Tolérance pour prendre par la main leurs nouveaux compères et les ouvrir au savoir.
Le pont fut rebaptisé Ouverture. Les uns sont sortis de l'ombre. Les autres ont le teint solaire quand ils comblent les lacunes et se sentent utiles.
me gaver de bons mots... J'aime!!! Kiss
· Il y a environ 10 ans ·vividecateri
gourmande ...
· Il y a environ 10 ans ·petisaintleu
yep! Oups j'ai oublié de voter... voilà c'est fait pour toi morveux!
· Il y a environ 10 ans ·vividecateri
Un beau remix de La caverne (j'ai des souvenirs de philo de ouf). Franchement cool, j'aime bien ce texte :)
· Il y a environ 10 ans ·dreamcatcher
J'avais Gormenghast de Mervyn Peake en tête à vrai dire.
· Il y a environ 10 ans ·petisaintleu
Deux puissants alliés en effet ;)
· Il y a environ 10 ans ·Apolline
Une parabole intéressante et bien écrite. On y sent l'amoureux de l'histoire et des mots.
· Il y a environ 10 ans ·veroniquethery