L'amour au goût de sang

Je suis couchée sur le lit, les bras écartés. Que fais-tu, mais que fais-tu? Me cris la petite voix qui résonne dans ma tête. Je regarde cet homme que j'aime commencer le rituel qui aboutira à mes larmes. J'ai seize ans et mes pleures n'y changeront rien. Je t'aime, et toi tu m'aimes? Semble hurler mon regard. Non tu ne m'aimes pas. Tu sais, ça se voit, ça se sent, ces choses là. Tu aimes juste mon corps, mes jambes fines, mon ventre plat, mes seins ronds et fermes et mes cheveux bruns qui s'étalent sur la couette blanche de ton lit. Au fond, tout ça, c'est normal. Qu'y a t'il de normal dans tout ça? Tait toi, petite voix. Et tandis qu'il joue avec mon corps, inlassablement, sans scrupules, pendant qu'il me salit d'injures et de fausses caresses, moi, j'attends qu'il me dise qu'il m'aime. Je pleure, tu ne le vois pas ? Mes yeux bleus deviennent des larmes qui s'étalent sur l'oreiller, des larmes de sang bleutées et je perds pieds. Je veux que tu finissent. Finissons-en. Arrête. Et la chambre, tristement blanche, se couvre de rouge me ronge et m'opresse. Je veux hurler, crier mais aucun son ne sort de ma bouche. Alors j'obéis. Si je continue, peut-être qu'il m'aimera, un peu. Peut être m'aimeras-tu un peu, non? Mais ce soir, comme chaque nuit, l'amour a un goût de sang et mon amour t'importe peu. A bout de souffle, ton corps sale et repue s'étalera à côté de moi. Mes cris et mes interrogations s'évanouiront à tes pieds sans retenir ton attention. Tu ne verras pas mes larmes, ni mon corps meurtrie et je m'endormirai en pensant à l'amour que tu ne me diras pas, jamais.