L'ascenseur

Le bouton rouge se met soudain à clignoter…

La cabine s'arrête brusquement entre le sixième et septième étage .

La brutalité de l'arrêt la fait vaciller et elle se retrouve quasiment dans les bras du seul passager de l'ascenseur.

_ Je vous prie de m'excuser, monsieur, j'ai perdu l'équilibre et... je suis vraiment désolée…

_ Rassurez-vous,je fais souvent cet effet -là aux femmes et ce fut un plaisir, chère madame ! Lui dit-il en la regardant d'un regard assuré et pénétrant.

Elle ramasse son sac à mains en rosissant légèrement.

Quel aplomb ! Il a du sentir le trouble dans lequel il m'a plongée en me toisant de la sorte... Quel séducteur ! Il faut reconnaître qu'il a un charme fou, grand, brun type méditerranéen, les yeux noirs perçants, une allure à la fois sauvage et distinguée...

_Nous sommes bloqués , je crois , dit-elle , en appuyant sur le bouton d'urgence

_ Je le crains, chère madame, bloqués… répète-t-il en souriant

_ Cela ne vous dérange pas ? Moi, j'avais un rendez-vous important au septième.

_Au septième ciel ?

_ C'est malin ! Répond-t-elle en riant.

_ Au septième ciel avec moi !

_Très drôle… Elle rougit! Il la drague ou quoi ?

_ Vous avez rendez-vous avec moi, je vous assure …Vous et Moi au septième ciel , laissez-moi vous conduire…

Vous devriez me dire : « Faites…

_ STOP ! Je sais ce que j'ai à vous dire : Taisez-vous !

Je ne suis pas le genre de femme à me laisser séduire par le premier Don Juan qui passe. Alors inutile de vous fatiguer… gardez votre baratin pour une autre !

_ Oui ,mais c'est avec vous que je suis enfermé…Vous et moi, dans cette petite cabine exiguë… pour un certain temps.

_Le dépannage ne devrait pas tarder . Dit-elle en réappuyant longuement sur le bouton d'urgence.

_Souhaitons-le ! Nous arriverons plus vite au septième !

_ Vous recommencez mais c'est une obsession !

_ Non, un désir !

_Vous ne lâchez jamais ?

_ Cela dépend…

_De quoi ?

_ De vous !

_ De moi ?

_ Oui, est-ce ma faute si vous me plaisez terriblement ?

Elle rougit à la fois flattée et gênée par le compliment.

Vous êtes encore plus adorable quand vous êtes troublée !

_Je ne suis pas troublée.

_Cependant, vous avez rougi quand je vous ai dit que je vous trouvais très séduisante. C'est vrai ,vous êtes une femme très attirante.

Il la regarde attentivement de bas en haut.

_Cessez de me déshabiller du regard ainsi ! Je ne suis pas une pouliche à vendre !

_Je ne vous vois nullement comme une pouliche ,soyez-en sure .Et vous , comment me trouvez-vous ?

_ Je ne sais pas !

_Trop magnétique peut-être ?

_Je ne vous répondrai pas.

_Trop entreprenant ?

_ ça , oui ! Je ne n'aurais jamais pensé en entrant dans l'ascenseur que vous étiez ce genre d'homme …

_ Et comment m'imaginiez-vous , racontez-moi...

_Un homme élégant et sérieux .

_C'est tout ?Vous me laissez sur ma faim…

_ Voulez-vous que je vous dise ce que j'ai perçu de vous au premier coup d'œil ?

_ Non, ne dites-rien vous allez encore en profiter pour tenter de me déstabiliser.

_ Je vais donc vous désobéir … madame . Au fait, comment vous appelez-vous ?

_ Devinez ! Vous êtes si malin !

_J'ai passé l'âge de jouer aux devinettes , madame !

Elle sent son téléphone vibrer dans son sac à mains.

_ Allo! Ah c'est toi , Antoine .

_ Oui, ma chérie, je suis impatient de te retrouver…

_ Moi aussi mais je suis bloquée dans un ascenseur…

_ Ah merde , quelle poisse ! Et notre rendez-vous ?

_ J'espère que nos allons être dépanné rapidement.

_ Oh oui,Jeanne, il me tarde tant de te retrouver, comment es-tu habillée?

Robe sexy, talons aiguilles,bas résille ?Me feras-tu un petit strip-tease comme la dernière fois ?

_ Surprise … si toutefois nous parvenons à nous rejoindre à temps...Bon, je te laisse , je te tiens au courant. Bisous mon chéri.

_Bisous partout ma douce… A ce soir , j'espère !

Elle range son téléphone .

Il la regarde d'un œil amusé…

_Ma chère Jeanne, on dirait que vous êtes beaucoup moins coincée qu'il n'y paraît… Il fait très chaud dans cette cabine … Puis-je espérer un petit strip-tease ?

Elle rosit .

_ Ce n'est pas bien d'écouter les conversations des autres .

_ Avais- je le choix ? Jeanne , c'est joli… C'est à la fois sage et sauvage.

Jeanne d'Arc et Jane la tarzane, double comme vous sans doute ?

_ Fine analyse, monsieur Freud… C'est tout ?

_ Donnez-moi votre main et je poursuis…

_Vous êtes voyant ?

_Non, mais je saurai lire les lignes de votre main.

_D'accord , cela passera le temps… mais avant ,appuyez à nouveau sur la sonnette d'alarme.

Il appuie longuement et saisit délicatement son poignet.

Il observe sa main avec attention.

_ Alors que voyez-vous ?

_Je vois une femme perdue .

_Perdue ?

_Une femme sensuelle, belle qui va faire une rencontre décisive.

_ Vous !

_Je n'ai pas dit cela !

_ Une femme fragile , romantique sous une apparence de force, une femme pleine de charme et de contradictions. Elle rêve beaucoup ,à plus de quarante ans, attend encore le prince charmant...

_ Je ne me sens pas très bien, je suis un peu claustrophobe et il fait si chaud !

_Mettez-vous à l'aise…

Elle retire ses chaussures, déboutonne un peu sa robe pour dégager son cou.

_Vous êtes nerveuse, anxieuse. Respirez à fond .Voulez- vous que je vous masse pour vous détendre ?

_ Non, non merci , c'est très gentil mais ça va aller.

_ Je vais pas vous manger , de quoi avez-vous peur?

de succomber à mes ondes séductrices ?

_Je n'ai peur de rien.

_ Tant mieux , alors laissez-moi vous faire un petit massage du cuir chevelu.

_ Non, vraiment n'insistez pas, merci.

_Entendu , je vous laisse tranquille.

Il lâche sa main , s'écarte, sort un petit carnet de son sac et écrit.

Silence entre eux, un silence un peu oppressant.

Quelques minutes s'écoulent... Elle n'aime pas cette atmosphère et lui dit :

_Je ne vous ai pas demandé d'être aussi distant quand même … Je me méfie de vous mais nous pouvons parler.

Il ne répond pas poursuivant ses écrits…

Un peu gênée, elle s'assoit par terre.

Il s'approche et lui tend un petit papier .

_ Je ne suis pas distant, je respecte vos désirs et choix et puis il faudrait savoir ce que vous voulez.

Elle prend le petit texte et le lit :

«  Jeanne,

Hier ,

vous n'étiez qu' hologramme dans mes élucubrations

Je vous rêvais dans mes poèmes et mes fictions.

Aujourd'hui,

la Muse ,devant moi, respire

toute en courbes et charmes.

Demain,

serez-vous celle qui réveillera les ardeurs

de mon corps et de mon cœur ? »

_ Vous êtes poète ?

_A mes heures perdues ou quand ma sensibilité est touchée…

_ C'est très beau !

_Content que cela vous plaise… Vous m'inspirez !

_Beaucoup de femmes vous inspirent, je pense.

_Non, belle dame.

_Je ne vous crois pas.

_A votre guise, Jeanne !

_ Vous savez , je suis plus inexpérimentée que vous mais pas née de la dernière pluie…

Vous êtes un séducteur et vous auriez fait le même numéro à toute autre femme qui se serait trouvée bloquée avec vous dans cet ascenseur.

_ Bien, pensez ce que vous voudrez, j'abandonne !

L'ascenseur repart au moment où il finit sa phrase.

Ils sortent.

Jeanne se dirige vers le cabinet d'un ostéopathe avec lequel elle a rendez-vous.

L'homme disparaît au fond du couloir.

Étrange rencontre ! se dit-elle en s'asseyant dans la salle d'attente.

L'assistante du docteur vient la chercher.

_ Entrez dans cette cabine et déshabillez-vous , ne gardez que vos sous-vêtements. Mr Di Marco va venir vous chercher.

Jeanne s'exécute et attend.

La porte s'ouvre et …

_ C'est vous ?

Il sourit .

_ En effet , je suis le docteur Federico Di Marco . Ravi de vous revoir aussi vite et en tenue aussi légère…

Entrez, allongez vous ! Vous voyez ,vous ne pouvez pas m'échapper !