Le café du pauvre

floriane

Concours WLW

      Elle est là, tout près de lui, à portée de mains. Dénudée, longue, fine, avec un dos magnifiquement cambré. Je bouillonne. Il ose jouer à ce petit jeu devant moi, conscient de la convoitise que cela éveille dans les profondeurs sensibles de mon corps. Son regard se pose sur moi, un sourire littéralement malicieux aux lèvres, comme pour bien m'exposer le fait qu'il soit tout à elle. Et pas à moi, par la même occasion. Il me ridiculise. Et l'Autre qui se laisse reluquer sans bouger ! Je bous de dégoût.

        Il tourne de nouveau le visage vers l'Autre et je n'existe plus pour lui. Elle retient toute son attention. Il approche doucement sa main de la silhouette offerte, caresse de l'index ses contours graciles. Il est vrai qu'elle est parfaite. Pas un bourrelet, cette garce !

      La malheureuse spectatrice que je suis sent son cœur s'emballer quand, au ralenti, il saisit l'Autre par la taille. Efficace puisque j'ai l'impression déroutante de sentir ses doigts sur mes hanches. Je m'imagine, à la place de l'Autre, soumise à ses frôlements, ses étreintes, la callosité de ses mains contre ma peau échauffée.

        Trop vite, une petite voix insidieuse me souffle que je ne suis pas celle qui suinte de désir sous le regard lancinant de l'homme. Garce !

     Je frémis de colère. Sa bouche, à lui, pleine et rose, s'approche furtivement de l'objet féminin identifié…  ma rivale. Elle se laisse manipuler sans une once de retenue. Elle aime ça. Garce !

        Je vais m'évanouir, sûr. Il se mord la lèvre inférieure comme pour freiner sa faim. Je fais de même, inopinément. Juste envie d'évincer cette garce, de la balancer à travers la pièce ou pire encore, de la boxer à coups de talons aiguille jusqu'à ce qu'elle se plie en deux de douleurs. Juste envie de redevenir celle qui brille dans les bras de l'homme.

        Trop tard. Il trace de sa langue un sillon brûlant le long du corps de l'Autre. J'ai totalement envie de hurler. Garce !

       « Garde le contrôle, ne te laisse pas bouffer par ce sentiment de jalousie qui te gagne », me dis-je. Je frissonne de rancœur alors que la scène continue devant mes yeux rouges de colère…et de désir.

          Sans plus aucune gêne, il donne de petits coups de langues affamés dans le creux de son ventre. Garce, garce, garce ! Pourquoi je persiste à regarder ce jeu de séduction qui m'irrite au plus haut point ? C'est de l'autodestruction, ça !

          Coup de grâce ! À pleine bouche, il la suçote, la lèche, joue de sa langue sur chaque parcelle de son anatomie. Garce ! J'ai envie de crier toute mon aversion, toute ma haine contre cette Autre qui a la chance d'être tripotée comme ça.

        «  Merde ! Réagis ! Fais quelque chose ! », je m'insurge.

          Alors, je prends enfin la parole, faussement froissée contre mon fiancé :  

         -Chéri, peux-tu arrêter de jouer avec la cuillère à café, s'il-te-plait ? dis-je avec malice.

         Jalouse, je suis. De tout et de rien. Mais d'une jalousie aussi excitante que le café.

            Vous dites ? Que je suis stupide ? Non ! Simplement qu'en amour, je n'y vais pas avec le dos de la cuillère. La jalousie est un pot d'érotisme qu'il ne faut pas hésiter à sortir du placard.     

   17 Mars 2014 © Floriane Aubin

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