LE CHOIX

Susanne Derève

 Je pense à toi Raymond
Tes dessins tes estampes
 
Toi dont la seule faute fut de t'appeler Levy  
                        
Dix-huit ans
Et que la Gestapo envoya à Drancy
A Drancy puis Auschwitz
D'où l'on ne revient pas
En Juillet 43
 
Je pense à toi Jacotte
Mireille Chrisostome
 
Toi qui avais vingt ans
Fragile messagère
Sur un vélo trop grand
 
Assassinée dans la Forêt de Lorge
Aux Buttes-Rouges
De ton sang
 
Et puis encore à toi
Albert Torquéau
Torturé à Uzel
 
A tes yeux arrachés
Par ces félons du  Bezen Perrot
 
Ces miliciens bretons
Qui avaient revêtu l'uniforme SS
Et qui vendirent leur âme au diable
 
Pour une chimère
 
Encore à toi mon père           
Qui porta leur mémoire
 
Toi qui avais livré                                  
Les combats de l'espoir
Dans l'ombre des maquis 
 
Auprès de ces Jedburgs 
Parachutés du fond des nuits
D'été et qui se nommaient
Wise Aguirrec Keroe
 
Liberté Liberté conquise                                                    
Au prix du sang et des bûchers
Et de ce mot Fraternité 
Que vous vouliez votre devise
 
De l'alouette à l'hirondelle
 Avons-nous donc tout oublié ?
 
Auprès de nous la peste gronde
Constantinople tremble
Et nous tremblons aussi
 
Les vieilles haines ont ressurgi
Peste brune tapie dans l'ombre
 
Et tandis que le nom  
De ces cités lointaines
Des rois de Babylone
Aux roses damascènes
N'évoque plus que l'infamie
 
Dans ce vieux monde qui s'effondre
 Les loups regardent vers Paris
 
           
 
Illustration :
Jean Lévy, dessiné par son frère Raymond, Juillet 43 (Drancy)
(Arch. Emile Daubé)
 
Citations :
l'alouette et l'hirondelle          La Rose et le Réséda Louis Aragon 
 Les loups ont regardé vers Paris    Les loups  sont entrés dans Paris                  Serge Reggiani
 
 
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