Le Poisson Lune
bleuterre
Cette nuit, moi, Amarok, je suis parti pêcher sous les étoiles, et j'ai capturé un poisson lune sous la banquise. Grand-mère Massak, réveillée par l'esprit du vent, est sortie me voir. Elle a vu le poisson, sur la glace, presque aussi grand que le corps d'un enfant. Il était lové pour ne pas avoir froid. Je lui ai mis une couverture en fourrure pour ne pas qu'il grelotte trop. Ses yeux imploraient la pitié, il était perdu dans le grand nord ;
Grand mère Massak a levé les bras au ciel, implorant l'esprit des eaux. Pourquoi avait-il acheminé cet animal inconnu jusqu'ici ? J'ai dit à grand mère Massak d'aller se recoucher, que c'étaient mes affaires.
Puis j'ai parlé au poisson lune, je lui ai demandé « que fais tu ici fils des mers ? »
Il m'a répondu en ouvrant sa bouche, avec lenteur ; Je n'ai pas compris, il avait une voix de vieillard. Je n'ai pas osé lui demandé de répéter.
J'ai remercié l'esprit des eaux d'avoir offert un si étrange poisson à ma famille, et je suis allé chercher le couteau. J'ai imploré le pardon du poisson, et je l'ai égorgé. Le sang a perlé sur la glace, ruisselant et chaud. Je l'ai apporté sous l'igloo et je me suis endormi à côté de lui, m'imprégnant de son odeur.
Alors j'ai rêvé d'une fleur, elle m'a dit son nom, Hiacynta. Dans son cœur, régnait un insecte avec un corps de jade ponctué de taches noires et rondes. Deux ailes transparentes étaient attachées à son dos. Hiacynta était une femme fleur et l'insecte la fécondait, j'entendais ses petits cris de plaisir, et tout cela m'excitait et me rendait jaloux à la fois. J'ai pris l'insecte entre mes deux mains, et je lui ai arraché la tête. La fleur a pleuré des larmes bleues qui ont attristé la terre entière. Et moi, j'avais l'air d'un pauvre imbécile avec cette tête d'insecte. Je me suis dit alors que je devais la mettre dans la bouche du poisson, c'est là que je me suis réveillé, en sueur.
J'étais étendu à côté de ma femme, de l'autre côté, le poisson lune, aux reflets d'argent. Ma femme était encore belle, ni le vent, ni ma course nocturne ne l'avaient réveillée. Alors je l'ai embrassée sur le front, doucement. Elle a ouvert ses grands yeux noirs et brillants, et je lui ai parlé du poisson lune.
Elle m'a dit que c'était un beau cadeau des esprits. Il fallait le préparer, avec des herbes d'été. Alors nous avons cuisiné le poisson sous les étoiles et le vent. Nous avons étendu les morceaux sur un fil, et nous avons fait un feu pour le faire sécher et le fumer. J'en ai profité pour dire à Nawaka que je l'aimais, j'ai regardé ses yeux noirs, ils ressemblaient à la tête de l'insecte de mon rêve. Alors j'ai prié l'esprit de la lune pour que je la féconde.
Le poisson, messager des esprits, allait se transformer en enfant, et la lune nous offrit une pluie d'étoiles pures et argentées pour fêter cela.
Envoûtant, légèrement maladroit, ce qui ne fait que relever le charme du texte.
· Il y a plus de 10 ans ·Marine Février
Merci Alain d'être passé par là...
· Il y a plus de 10 ans ·bleuterre
C'est un conte étrange, mais pénétrant...
· Il y a plus de 10 ans ·Alain Lehéricy
Merci à vous tous d'être passés lire ce conte ! Je suis vraiment touchée de vos commentaires.
· Il y a plus de 10 ans ·bleuterre
Magnifique !!!!
· Il y a plus de 10 ans ·Marie Cornaline
Beau moment de poésie en prose et respect de la proie ce qui n'est pas toujours le cas chez les prétendus civilisés
· Il y a plus de 10 ans ·Dominique Arnaud
Très joli.
· Il y a plus de 10 ans ·Marion B
Un conte touchant et superbement écrit comme toujours !!
· Il y a plus de 10 ans ·marielesmots