Le ruban rouge (2)

Le message était court et direct

- Tu as aimé ?

Eva hésitait sur la voie à emprunter. Elle savait que, quel que soit son choix, ce dernier serait irrévocable. Effacer, ce serait se fermer une porte à la volupté, promise ou supposée. Accepter, ce serait rentrer dans un jeu dont la maîtrise risquait de lui échapper. Ce Flo semblait savoir exactement ce qu'il voulait.

Laisse-toi aller ! Après tout, tu t'es inscrite pour t'amuser, expérimenter de nouvelles sensations… Alors ?

Elle tapa une réponse aussi synthétique qu'il l'était possible.

- Oui !

Le smartphone vibra à nouveau, décidément Flo était très réactif et sans doute impatient d'en savoir plus sur ce que son message avait suscité.

- Et toi qu'as-tu à offrir ?

La bouche d'Eva s'arrondit dans un oh de stupeur.

Incroyable ! Ce type était vraiment insupportable de fatuité.

A nouveau, elle était partagée, sa curiosité chatouillée par l'envie d'en savoir plus, sa fierté taraudée par celle de biffer l'impudent d'un slash, purement et simplement.

Tiraillée entre ces deux extrémités, elle réfléchissait à toute allure. Si elle en restait là, elle risquait de passer pour une capricieuse, une trouillarde ou pire encore. Subitement elle éprouvait une envie irrésistible de le défier. Elle se mordillait la lèvre, sentant poindre une légère tension. Sa poitrine se soulevait et s'abaissait rapidement.

Lentement un sourire de chat étira ses lèvres. A sa provocation brute, elle allait répondre par une sensualité ludique, érotique, troublante…presque perverse.

A nous deux mon petit bonhomme

- Joueur ?

Le smartphone vibra presqu'immédiatement

- Tu ne sais pas à quel point !

Bien !

- Donne-moi un peu de temps et je te montre d'accord ?

A nouveau une vibration

- Deal ! Prends ton temps, je sais aussi être patient

L'euphorie commençait à la gagner. Eva s'accroupit et d'un geste ample rafla la paire d'escarpins laissée au sol.

D'un pas dansant, elle se dirigea vers sa chambre, au fond de l'appartement. Elle dégrafa sa robe qui dévala son corps pour s'écraser au sol. Sa peau dénudée frissonna au contact de l'air. La lèvre supérieure pincée entre le pouce et l'index de sa main droite, elle coula son regard mutin à droite, puis à gauche.

Elle se plu à imaginer Flo, la longue silhouette nonchalamment posée sur le fauteuil crapaud Lie-de-Vin, le regard glissant sur elle, contemplant ses bas, son Tanga, sa corbeille de soie et de dentelle noire, son large serre-taille ceignant ses hanches.

Le dressing d'abord, Eva choisit un déshabillé de mousseline noire, un peu transparent dont elle s'enveloppa, les escarpins, le droit, puis le gauche. L'appareil photo ensuite, le pied, le retardateur, elle plaça le tout devant un miroir.

Il manquait quelque chose !

Plissant le nez, elle ouvrit d'un geste précis un tiroir et fouilla méthodiquement dans ses frous-frous, ses jouets particuliers et tout son fourbi de jeune femme coquette.

- Te voilà murmura-t'elle en saisissant le ruban de satin rouge.

Une heure durant, elle prit la pose, en jouant avec le ruban… Clic autour de son cou, clac autour de sa taille, re-clac, sa cheville.

Elle dénude une épaule, clac, entrouvre son décolleté, clic, découvre sa jambe sur toute sa longueur jusqu'aux jarretelles, re-clic.

Des poses de plus en plus audacieuses, jamais vulgaires. Le plaisir la gagne au et à mesure qu'elle se dévoile, s'effeuille. Elle savoure sa mise en abyme photographique. De temps en temps, elle coule un regard provoquant, calculé vers le fauteuil crapaud oú elle s'imagine que l'observe, guoguenard, le Flo virtuel.

Regarde-moi Flo ! Voilà ce que j'ai à offrir ?

Cette séance est une première, une fantaisie à laquelle Eva ne s'était jusqu'alors jamais livrée. L'euphorie laisse place à l'excitation aiguisée par le frôlement de l'étoffe. Les frissons, la chaleur gagnent peu à peu chaque centimètre carré de sa peau. Ses tétons, de plus en plus durs, pointent insolemment sous la soie du tissu. Clic, clac, la prise des clichés l'électrise. Encore un et puis un, encore un autre.

Eva sourit, Eva joue, son rein se cambre sous la caresse imaginaire du regard de Flo.

Transférer les photos, effectuer le montage, attacher la pièce jointe, ça elle sait faire !

La photo finale ne représente que son poignet ceint du ruban rouge en un simulacre de bondage. Haletante, Elle clique sur envoyer puis renverse la tête en arrière, excitée avant d'être séduite. Le mode opératoire ne manquait pas d'originalité !

Le charme était rompu, retour à la réalité.

Elle sentit des frissons la parcourir de nouveau… de froid cette fois. Le temps s'écoule lentement, elle compte les minutes : 1, 2, …. 13, 14, 15 … Elle sursaute lorsque le smartphone vibre de nouveau. Un mot, un seul, unique

- Encore !

Elle éclate d'un rire nerveux. A la lecture de cette supplique, une chaleur suspecte se déploie dans son ventre, fait trembler sa chair. Elle remarque alors la pièce jointe qu'elle ouvre sur son ordinateur. Elle  s'affiche lentement, trop lentement.

Le salopart ! Il fait fort !

L'homme est de dos : des cheveux bruns, une peau bronzée, un dos musclé et enfin insolente, nacrée, glabre, une splendide paire de fesses, hautes, musclées.

S'agenouiller, les effleurer puis les mordre lentement pour mieux en apprécier la fermeté.

Oh oui ! encore, encore, encore !