Le temps colle à ma peau

Marc Desoutter

Le temps colle à ma peau

Comme une terre glaise,

Plus je veux m’échapper,

Plus je sens qu’il me pèse,

Le temps colle à ma peau,

L’assèche et puis l’aspire,

Sortez-moi de sa gangue,

Je ne veux pas vieillir.

On joue à cache-cache,

Je ne veux pas qu’il sache,

Où je me dissimule,

Pour qu’il ne me macule,

Le temps colle à ma peau,

Comme une peau de vache,

Et même hors de portée,

Il sait bien où il crache.

Le temps colle à ma peau…

Il sillonne et incise,

De manière très précise

Et sa coupe au rasoir,

Fais saigner les miroirs.

Et l’image du diable,

Empreinte sur la face,

On la découvre un soir,

En croisant une glace.

Galope ma jeunesse,

Je sens que le temps presse,

Ne perds pas un instant,

Prends- même le mors aux dents !

Le temps qui nous poursuit,

Cravache sa monture,

Hâtes- toi plus que lui,

Pour qu’il ne nous capture.

Franchis tous les obstacles,

Je l’entends qui renâcle,

Avant qu’il ne nous freine

Avant qu’il ne nous freine

Fais-lui donc perdre haleine.

Le temps colle aux sabots,

Comme de la terre grasse,

Et même hors de foulée,

Il marche sur nos traces.

Pourtant je sais un jour,

Que tombera l’espoir,

Que le passe-velours,

S’habillera de noir.

Et la belle saison,

Que soudain l’on endeuille,

Vaut à la feuillaison,

L’arbre que l’on effeuille.

Avant que le grand soir,

N’ouvre béant linceul,

Je ne veux pas rester,

Avec lui seul à seul.

Le temps givre ma peau,

Et ma tête est de glace,

Et même hors de portée,

Je sens qu’il me terrasse.

Le temps mange ma peau,

Comme un corbeau vorace,

Et autour de ma tête,

Je l’entends qui croasse,

Ma seule tête qui dépasse,

De cette terre grasse,

Et proche de gésir,

Je ne veux pas…mourir…

Marc Desoutter

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