Leçon de peinture

... quand un chaland m'aborde.

-         C'n'est pas trop long de rester assis derrière son chevalet, comme ça, pendant des heures ?

-         Si, si ! Très long, mais j'ai essayé debout, c'est pire !

-         Non, je voulais dire, toute la journée, à force, comme ça, ce doit être long, non ?

-         Heureusement, on est sauvé par la nuit. C'est interdit de peindre la nuit !

-         Ouf ! mais vous prenez des additifs ?

-         On est obligé ! Voyez-vous, la peinture est un sport statique. J'en ai même vu certains qui se sont endormis sur leur chevalet. C'est d'ailleurs, la seule fois qu'ils aient peint quelque chose d'intéressant en décalcomanie sur leur chemise.

-         Vous prenez du café ?

-         Peu, peu ! Ça n'suffit pas ! On prend du jaja, du gros, du rouge, du qui tâche la toile, ça fait toujours ça de moins à recouvrir.

-         Mais cela ne nuit pas à la précision ?

-         Pensez-vous, au contraire, hier, j'ai raté la toile de trois mètres, tout peint à côté et bien, le résultat n'était pas pire que la veille.

-         Vous peignez souvent des bateaux avec des mouettes.

-         Que les bateaux, mais avec des pinceaux, car la mouette laisse trop de plumes et, elles, elles sont trop rapides, je les peints avec un fusil de paintball.

-         Ah, c'est de vous les graffitis en couleur sur les coques, ils ne se plaignent pas les propriétaires ?

-         Je n'suis pas con, je change toujours de coin.

-         Ecoutez, je vais donc vous laisser travailler !

-         C'est ça, faites, faites donc !

C'est quand même un monde, on vient peinard pour peindre tranquille, il faut toujours qu'il y ait un connard pour croire que son baratin est plus important qu'un peu de barbouillage de couleurs. La dernière fois, il y en a même un qui m'a demandé si je prenais beaucoup de poissons.

Voilà pourquoi, je conseille, à ceux qui veulent s'essayer à la peinture, d'être des peintres d'intérieur.