Lénine, réveille-toi, ils sont devenus mous !

antoine-lefranc

Portrait humoristico-satyirique pour Concours Néon. Avec des vrais morceaux de Besancenot dedans.

Papa a rencontré Maman sur les barricades en 68. Maman était un peu comme la Liberté de Delacroix, le drapeau bleu blanc rouge en moins, la chemise à fleurs baba-cool en plus. Mon père, lui c'était Gavroche : il avait un gros pétard dans chaque main. De 68, ils m'ont légué le goût de la contestation et le prénom de Daniel. Pour Daniel Cohn-Bendit. J'ai eu du bol, tu sais, ma mère était en fac de philo, donc j'aurais pu finir en Jean-Paul. Pour JP Sartre hein, pas Jean Paul II.

« La vie est un combat ». C'est le Che qui a dit ça. Ou Didier Deschamps, je sais plus trop. On checkera sur citations.com. Moi, j'ai combattu le chômage en devenant consultant en organisation. Une belle victoire, mais qui laisse un goût amer, surtout quand je serre le nœud de ma cravate un peu trop fort. Un appétit de révolte plus profond gronde en moi, et crie famine face au régime drastique que je lui impose. Ça s'appelle le régime quinquennal, ça consiste à insérer un bulletin « Besancenot » au premier tour.

Un jour pourtant, j'ai bien cru que j'allais embrasser la destinée de citoyen contestataire. J'étais rue de Rivoli et un type imprégné de dreads et de bonne volonté m'avait abordé. Il m'avait parlé d'un désastre humanitaire et environnemental en cours dans une partie du globe inconnue des français car non couverte par le Petit Journal. Il m'invitait dimanche à un concert de soutien dans un bar associatif autogéré qui serait suivi d'un débat citoyen. Je lui ai promis de passer. Ce rasta m'avait octroyé une dimension supplémentaire, celle qui ne se contente pas d'une fiche de paie et d'un F2 à Levallois. Je me voyais déjà en Tyler Durdon de Paname, en loup des steppes de la ligne 3, pancarte en main et visée révolutionnaire en tête. Puis je me suis rappelé que ce dimanche j'étais pas dispo, car il y avait PSG – OM, « Le vrai combat du siècle » d'après L'Equipe.      

Faut pas que tu croies que je suis inactif pour autant. Je donne au Sidaction et, devine quoi, je suis aussi membre d'une AMAP. Je sais pas toi, mais moi, j'aime bien savoir ce que je mange. Et prendre le temps de cuisiner, c'est super important. C'est Télérama qui le dit. Certes, je me suis un peu fait avoir : je m'étais réjoui car j'adore les tomates, qui ont le bon goût de ne pas avoir besoin d'être épluchées ni cuites pour être appréciées, mais j'ai vite déchanté. Les tomates Bio, c'est que deux mois par an. Le reste de l'année, c'est courges, panais et navets. « C'est dé-li-cieux en velouté », je répète à qui veut l'entendre. Dommage que j'aie pas de mixer et que j'aie la flemme de les broyer à la main. Heureusement, je les refile à ma mère : elle en a fini avec les chemises à fleur, mais pas avec son dogme végétarien.

J'ai quand même une sacrée excuse pour ne pas participer aux grands combats contemporains : je n'ai pas été gâté par la nature. Je suis un homme, donc ne peux rejoindre les Femen, et j'ai un souffle au cœur, donc je ne peux rejoindre Médecin Sans Frontière. Mais je suis quand même un citoyen conscient du monde : j'ai voyagé, j'ai séjourné en Chine. Pas la Chine des touristes, avec sa muraille et sa cité interdite. Non, la Chine profonde, intérieure, méconnue. « Si tu voyais les gens là-bas, ils sont pauvres mais ils sont heureux, c'est une vraie leçon de vie. Les enfants n'ont pas d'i-phone 6 avec Candy Crush, mais ils s'amusent comme des fous avec un simple bout de bois, ça m'a bouleversé. » C'est le genre de discours que je sers à mes rendez-vous Tinder, en secouant doucement la tête, avec les yeux légèrement embués. Je passe ainsi pour le héros aventurier d'Into the Wild… qui a certes passé 90% de son temps à se faire tailler des chemises sur mesure dans les hypermarchés de Shanghai.

Ce Week-end ? Je l'ai passé en Ardèche. C'était ouf mec. Un vrai retour à la terre. Là-bas, les autochtones n'ont pas Tinder, mais ils s'amusent comme des fous avec un simple PMU, ça m'a bouleversé. Regarde, j'ai pris un selfie de moi dans un champ avec un brin d'herbe dans la bouche. J'ai tâché d'aborder le même regard sans concession que Che Guevara. C'est ma profile pic Facebook, t'as liké ? « La vie, la vraie », j'ai commenté. Bon, vu que y avait vraiment zéro connexion dans ce trou paumé, j'ai dû attendre d'être ici pour actualiser mon profil. Forcément, la mention « posté depuis Levallois, Île de France », ça fait un peu tâche.

Tu as raison, il est temps pour moi d'agir. D'agir vraiment. Il n'y a rien de plus triste qu'un jeune de vingt-huit piges qui porte déjà les rides du renoncement. Je vais agir pour de vrai. M'engager. Prendre des risques. Plus épique qu'un tête à tête avec un char place Tian An Men. Plus fou qu'un attentat à la tarte à la crème contre Pompidou. Imagine la tête de mes collègues, imagine la fierté de mes parents. C'est décidé : je vais retweeter le dernier post de Besancenot.

  • Très bon, vraiment !

    · Il y a environ 8 ans ·
    Default user

    Al Kleifarvatn

  • Très bon, fluide, drôle ! Merci *

    · Il y a plus de 8 ans ·
    L joly 2

    lolo-patchouli

  • Beaubourg d'accord, toujours là, ses idées aussi, son anthologie des plus beaux poèmes français, mais Georges Pompidou, né le 5 juillet 1911 à Montboudif (Cantal) et mort le 2 avril 1974

    · Il y a plus de 8 ans ·
    Img 20210516 155545 279

    Aurélien Loste

  • J'ai bien ri, merci beaucoup, la fin est excellente! :)

    · Il y a plus de 8 ans ·
    Test2

    manou-croze

  • Excellent! :)

    · Il y a presque 9 ans ·
    Cat

    dreamcatcher

    • Merci, "Catcheur qui rêvasse" :) !

      · Il y a plus de 8 ans ·
      Pacman orig

      antoine-lefranc

  • Oh ! Cette ode est ma foi bien plaisante, à la fois
    Aventureuse, pour le moins, et montagneuse
    Emoustillant les sens les plus mous, les plus froids
    Elle offre ses mollets à la racine joueuse
    Qui s'enroule au plaisir, se lovant tout autour
    Des délicieux atours de cette nymphe fraîche
    Les embruns enchanteurs des forêts de l'amour
    Ont l'air appétissant de la tendre flammèche
    Qui lèche les sommets quand le Soleil paraît
    Qui dore l'épiderme en douce peau de pèche
    Qui éclaire partout, même la peupleraie
    En orgasme de feu sonnant à l'unisson

    "Ô toi Soleil, sans qui les choses,
    Ne seraient que ce qu'elles sont !".

    Sire Anneau.

    · Il y a presque 9 ans ·
    Img 20210516 155545 279

    Aurélien Loste

  • Si tu connaissais l'histoire de mon pseudo, tu me vomirais dans la bouche. Et je comprendrais. J'irais jusqu'à remâcher les restes déjà hachés de ton steak Quinoa. N'empêche, aucun rapport avec E.S. Héhé! Au plaisir!!!

    · Il y a presque 9 ans ·
    Default user

    17h27

  • J'adore!

    · Il y a presque 9 ans ·
    Default user

    17h27

    • Merci 17h27 ! Ton pseudo est-il inspiré de la "11h30" d'Eric Emmanuel Schmidt dans la "part de l'autre" ?

      · Il y a presque 9 ans ·
      Pacman orig

      antoine-lefranc

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