L'envie

"- Je vous appelle bientôt."

C'est ce qu'il m'avait dit. Sitôt son café avalé, il s'était levé, m'avait raccompagné à ma voiture et avait lancé ça avant de claquer la porte. Dans le rétroviseur je l'avais nettement vu me regarder m'éloigner. C'était il y a plus de quinze jours. Depuis, silence total !

C'est quoi très exactement sa définition du bientôt ?

Dire que ce déjeuner m'avait secoué tenait du doux euphémisme. Un tsunami sensuel, voilà ce que j'avais vécu en réalité !

Aguicheur, concupiscent, égrillard, équivoque, je connaissait par cœur la palette de regards dont mes interlocuteurs mâles me gratifiaient. Sans forfanterie aucune de ma part, j'étais femme, de 10 ans plus jeune en moyenne que la plupart des hommes que je côtoyais quotidiennement et plutôt agréable à regarder. Je le savais et je savais aussi que cela me conférait un avantage certain, d'autant que je n'en n'abusais pas. Pour moi, ces hommes n'étaient guère plus que des feuilles de papier ornées de la mention "contrat" que nous devions signer, déshumanisés, objectivés. Mes rapports avec la gent masculine étaient donc dénués de toute consistance charnelle. Peu à peu, j'avais mis mon corps en hiver, ma chair en jachère. Comme les autres, il avait peiné à déglutir en me regardant et cela m'avait fait sourire !

Pas longtemps... Je ne m'attendais pas ÇA !

ÇA ? C'était un regard Aigue-marine qui m'avait atteint dans un endroit où plus rien ne pénétrait depuis longtemps ! ÇA ? C'était une voix de basse enveloppante qui m'obsédait encore aujourd'hui. Je voulais l'entendre psalmodier mon prénom ! ÇA ? C'était une main chaude dont je n'avais rien fait pour me libérer au contraire. ÇA ? C'était une odeur excitante qui se mêlait subtilement à celle de son eau de toilette ! ÇA ? C'était une rencontre qui, depuis quinze jours, me faisait expérimenter tous les stades de l'excitation et de la frustration. J'étais directement passée de l'ère glaciaire à l'éruption volcanique. Un vrai Stromboli hormonal !

Une fois de plus, je me mordais les lèvres et une fois de plus mes cuisses se frottaient l'une contre l'autre. Je roulais des hanches pour essayer d'endiguer ce que ne pouvais malheureusement pas contrôler!

Qu'est-ce qui m'arrive ?

J'ai l'impression d'avoir à nouveau quinze ans et d'être encore vierge ! 

Obsédée ! Mon corps, mes pensées, tout me trahissait ! Des frissons qui parcouraient mon échine à mon souffle qui se coupait régulièrement, sans parler de mon imagination qui s'était mise à galoper en tous sens. C'était le cas de le dire !

C'est ça en fait le réveil de la force ! ricana une petite voix profondément enfouie en moi.

 Je vérifiais une énième fois mon portable... Rien 

Un allumeur, voilà ce qu'il était ! 

"- Je vous appelle bientôt !" Quand ?

Son corps sous le mien, ses mains qui remontent ma jupe, s'approprient mes fesses, les malaxent, les pétrissent, les écartent, les claquent pour les faire rosir et frémir, ses doigts qui s'insinuent sous la dentelle de mon string pour me caresser, ses lèvres qui s'approprient les miennes, ses dents qui mordent ma peau.

Il me suffisait de fermer les yeux pour que des images toutes plus impudiques, toutes plus débridées se mettent à défiler !

Me plaquer contre lui, frotter frénétiquement mon corps au sien, l'explorer comme je voudrais qu'il m'explore, me faire chahuter.

Je haletais à nouveau, j'avais chaud... Je déboutonnais ma chemise pour apaiser le supplice, soulager la douleur née du frottement du tissu sur la pointe de mes seins durcie. 

De toute évidence quelque chose m'avait envahi, quelque chose que ma libido en berne avait étouffé depuis plusieurs mois...

L'envie !