Les chevaux de Lascaux

Anne S. Giddey

On vient tous de très loin, des chevaux de Lascaux

Du magma de l’humain, on vient tous d’un ghetto

On vient aussi de tout près, du premier banc public

Le quartier juste après, c’est déjà l’Amérique

On vient tous d’un chewing-gum, d’un baiser menthe à l’eau

D’un crayon et d’une gomme, faire sa vie crescendo

On vient tous d’une insulte et d’une larme mise à nu

On émerge du tumulte et personne n’a rien vu

On vient tous d’un retard, d’un adieu sans arbitres

On se touche du regard au travers de la vitre

Rien n’est vrai c’est un rêve, un faux train, une vraie foule

Et ta main qui se lève, et mon cœur qui s’écroule

 

On vient tous d’un amour, d’un amour avant tout

On veut tous de l’amour, de l’amour avant tout

On sait tous d’où l’on vient, sans savoir où l’on part

On revient tous de loin, tôles froissées dans le soir

Cavalcade et cetera, on a le goût des bravos

On vient tous des médias et des morts en VO

On vient tous des autres, d’un amalgame subtil

On se teste, on se vautre, petits rois malhabiles

On se prend par la taille, on vient tous sans raison

D’une écorce que l’on taille d’un cœur pour deux prénoms

Là-bas loin dans le temps, on vient tous d’une même terre

On oublie, se surprend, à tracer des frontières

On peut être différents, sans indices hiérarchiques

Dans nos peaux les pigments, c’est de l’art biologique 

On vient tous d’un amour, d’un amour avant tout

On veut tous de l’amour, de l’amour avant tout

On vient tous au lointain de la même origine

Du fracas de l’humain, d’une idylle clandestine

On est fait d’une escale et de l’aile d’un avion

Solitude intégrale, traverser l’horizon

On vient tous d’une maman, d’un battement de paupières

Œil pour œil, dent pour dent, corps écorché naguère

De nos vies trois fois rien, on repart à l’assaut

On vient tous de très loin, bien plus loin que Lascaux

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