Les gens

Nathan Noirh

C'est en marchant une fois de plus dans la rue Léopold que j'ai été investi d'une terrible compréhension. Ce n'était pas mon alcoolisme ou mes pilules de LSD ou mes sautes d'humeur le problème, ni même la peur inexprimée d'être un foutu cinglé. Mon problème, c'étaient les gens. Et il y en avait partout.

J'avais trop tendance à me prendre pour Arthur Bandini avec tous ces livres à la con. Je n'ai jamais remarqué que mon problème ne venait pas de moi, mais bien des autres. Je marchais en traînant légèrement la patte suite à cette terrible révélation, qui s'emparait de moi comme le Sheitan. Jamais je n'avais ressenti pareille tristesse dans mon cœur, empalé comme une tête sur un piquet. Je sentais que tout le monde me regardait, lançant d'impitoyables adjectifs tant mon apparence devait les dégouter. Je détestais les gens qui s'arrêtaient en plein milieu du trottoir, interpelés soudainement par une quelconque vitrine de fringues. Leurs cerveaux semblaient ne pouvoir se concentrer que sur une seule tâche à la fois. Je détestais leurs figures ébahies par le moindre reflet provoqué par un assortiment grotesque de fausses pierres précieuses, d'enchainement pittoresque de lumière dorée et de fusion de goûts douteux. Je détestais les gens qui avaient l'air d'avoir le besoin viscéral de marcher à vos côtés, comme si votre présence leur était devenue subitement nécessaire. Ceux qui vous sourient et tentent très maladroitement  d'établir un quelconque début de conversation qui sera mené à parler de la pluie et du beau temps. Je déteste les gens qui ont besoin de parler fort au téléphone, raconter leurs vies, leurs soirées extraordinaires, ou LA chose drôle qui leur est arrivée récemment et dont ils sont persuadés qu'il faut absolument que l'ensemble de la population urbaine soit immédiatement au courant ! Je déteste les gens au supermarché, qui regardent discrètement ce que vous achetez dans deux buts bien précis qui m'horripile : premièrement, se rassurer et constater que vous prenez une marque moins cher et moins bas-de-gamme qu'eux, et deuxièmement, pouvoir prendre la même chose que vous au cas ils n'y auraient pas penser. Et que dire des personnes qui se sentent heureuses et qui ressentent la nécessité d'exprimer une expression béate, toutes dents dehors à coup de réflexions et "d'ondes positives" pour la reconnaissance à la vie et.. non voilà, rien que d'en parler ça me fout les nerfs. 

Les habitudes du quotidien "populaire" me fascinent et me dégoûtent. Pour moi c'est la nouvelle génération du prolétariat. Ils ne se distinguent pas par leurs vêtements, leurs apparences sociales ou mixité ethniques, mais par quelque chose d'encore plus voyant : l'attitude. Un comportement plus outrageant et répréhensible que d'être un nécrophile au cimetière. Et je vous assure, vous en avez tous vu au moins un. On fait la liste ?

- Ceux qui applaudissent à la fin du film au cinéma.

- Ceux qui font cracher la musique de leurs portables dans le métro/tram/bus.

- Ceux qui te parlent de cardio-training au lieu de footing.

- Ceux qui appuient sur le bouton arrêt du bus sans descendre.

- Ceux qui restent en plein milieu de l'escalator, sans bouger.

- Ceux qui comparent tout avec leurs amis : le boulot, le salaire, la copine..

- Celui qui veut manger très raffiné, mais accompagné d'un vin dégueulasse.

- Celle qui de toute façon, aura toujours une histoire encore plus intéressante que la tienne.

- Ceux qui ont besoin de te toucher pour te parler.

- Et enfin, par dessus tout, ceux qui n'arrêtent pas de se plaindre du comportement des autres tout en étant un vrai fesse-mathieu.


À partir de là, j'arrête mon texte ici.


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