Lignes brisées
hel
Le silence ne m'effraie pas.
Le silence ne m'avale pas.
Le silence me libère.
J'aime le silence.
Ce sont les mots qui m'avalent. Les mots qui me brusquent et m'écartèlent.
Dans le silence je peux tout tricoter et tout démailler à ma guise.
Dans le silence, torpeur douce, monde en clapotis.
Trop vite les graviers crissent sous les roues, me ramènent au bruit.
Robots sans un mot nous attrapons un enfant chacun. Ils ne se réveillent pas, paisibles sous leurs cils aux mille étoiles, les joues encore coloriées des jeux sous le grand soleil.
J'aimerais être soulevée, bercée, et tanguer ainsi dans mon sommeil. J'aimerais voler portée par d'autres bras et sentir la chaleur d'un corps de mère, d'une poitrine ronde contre ma joue, son souffle sur mon front, et encore la fraicheur des draps lavande que l'on ébat pour moi.
Avis de détresse :
« Trop grande barque, pour mer trop lointaine. »
Le silence ne durera pas, je sais.
Le silence ce n'est pas pratique à l'usage du couple.
On ne s'offre pas le luxe du silence qui dure, encore moins le luxe des vrais orages.
On mesure. On soupèse. On veille au grain de la corde distendue et à ce qu'elle ne rompt pas.
Ni plus ni moins.
Nos disputes, elles, sont comme trois éclairs dans un ciel d'été.
On croit que tout va imploser, on implore, on réclame, l'orage, le feu, ce qui tempête, ce qui éclate.
Mais trois éclairs.
La lourdeur reste.
La pluie, le déluge, tout ce qui lave et emporte, s'attend sans jamais venir.
Non, on n'a pas le luxe de l'orage, pas le luxe du silence.
Il nous faut des routines, des mécaniques et des mots. Des mots pratiques, des mots post-it, des mots penses-trop-bêtes. Rien d'autre que de savoir qui va régler quelle facture, qui emmène le chien au véto, qui va chercher les enfants à l'école.
On ne déborde pas.
On s'en tient à la règle.
Qui, quoi, qui.
Et donc où, quand, comment on se raccommode et se remmaille pour trois petits nouveaux tours à fond-fond-fond ?
Dans le silence
Sur le lit.
On se remaille comme deux legos.
Je suis une poupée qui dit oui.
Position étoile de mer.
Il écope. J'écume.
Vague qui fouette contre bois flotté.
La marguerite s'effeuille.
Les pétales se froissent et je n'y suis pour rien.
Je le hais. Il me hait.
Un peu, beaucoup, à la folie.
Mais j'aime sa langue qui aime ma peau. J'aime son regard tempête qui aime s'insinuer.
Toutes ses façons, tous ces gestes, toute sa rage.
Ses mains-araignées qui courent.
Ses manières brouillonnes.
Ses airs avides et possessifs.
Il manœuvre. Je me laisse dériver.
Sous son œil qui fixe, guette les signes de mon plaisir.
Mon plaisir excite le sien.
Son excitation excite mon plaisir.
Je suis une poupée qui jouit.
C'est un jour majuscule.
Un jour réjoui de réjouissances.
Nous avons joui.
Nous avons honoré le jour.
Il roule. Il dort.
Pas de mots c'est pour les post-its.
Pas d'autres gestes.
Les gestes c'est pour l'amour.
Il ne se réveillera pas. Les deuxièmes, troisièmes vagues connait pas/peut pas/sais pas/pas de mots dits.
Je sors le chien dans le quartier.
Deux heures du matin, pas un chat pas un chien si ce n'est celui qui tire la laisse.
Je sors le chien pour l'emmerder même s'il dort, par principe d'aller à contre-courant du sien qui le laisserait faner les fleurs du jardin.
Je ne le quitterais pas.
Je ne sais pas faire.
Je sors le chien, c'est lui qui mène.
La nuit est noire.
La lune pleine.
Je dérive le cours de la rue.
Tu ne fais pas semblant d'analyser ... qui n'a pas vécu à un moment donné, ce genre de situation ? les relations humaines sont complexes ... toujours un régal de te lire ... Merci MamZ 'hel :)
· Il y a plus de 7 ans ·marielesmots
Peut-être ai-je éprouvé de mon vécu… je suis émue
· Il y a plus de 7 ans ·nyckie-alause
:) (sourire câlin )
· Il y a plus de 7 ans ·hel
c'est une écriture.vraie.
· Il y a plus de 7 ans ·un abrazo
jeanne
Jaunie
ça me/m'a fait du bien de te lire, je pense aussi, pour raccrocher quelque chose de plus "je-ne-sais-quoi" après lequel je courais, sans plus arriver à l'accrocher, la simplicité peut-être. ça me fait du bien d'écrire comme ça ! Merci pour ton empreinte par là et ta lecture :)
· Il y a plus de 7 ans ·hel
Relu.
· Il y a plus de 7 ans ·Bravo!!
unrienlabime
ça me fait plaisir, merci.
· Il y a plus de 7 ans ·hel
Le probleme est bien la: une fois l'instant de grâce passé, la derive reprend son cours..
· Il y a plus de 7 ans ·enzogrimaldi7
d'autant quand on peut avoir l'utopie d'une grâce permanente...
· Il y a plus de 7 ans ·hel
si juste et si bien écrit, mais quand le temps passe, on se rend compte qu'on demande peut -être trop à l'autre, est-ce sa faute si nos rêves sont si exigeants ?
· Il y a plus de 7 ans ·Susanne Derève
Trop ou pas assez, ou trop peu, ou encore pas assez exigeant, mais j'ai compris ce que vous vouliez dire, tellement de regards et de vérités possibles :)
· Il y a plus de 7 ans ·merci
hel
Ça me parle tellement!!!
· Il y a plus de 7 ans ·Si bien écrit! !
Merciiiii
unrienlabime
Eh bah merci beaucoup pour cet enthousiasme :)
· Il y a plus de 7 ans ·hel