L'inconnu du train-express

J'adore prendre le train. L'avion non. Je préfère les gares aux aéroports. Elles ont des quais. C'est concret. Je sais d'où je pars et je sais où j'arriverai, ça me plait. Et puis il y a le suspense quand je marche le long des wagons. Qui sera à côté de moi ou qui me fera face ? Le wagon-restaurant sera-t-il proche ou vais-je encore me cogner entre les sièges pour y accéder ? Suis dans l'incapacité totale de garder l'équilibre quand cela se meut sous moi. Dans le train ou le métro ça passe mais sur un escalator par exemple, le regard des gens quand ils me voient osciller et me rattraper in extremis, me glace… 

Les paysages défilent, c'est une invitation au voyage et à la rêverie pour peu que je ne sois pas tombée sur le bébé qui fait ses dents, l'enfant de cinq ans -turbulent mais pas adorable du tout- ou la personne grossière qui parle tellement fort, du wagon. Sinon, entre deux pages d'un bon roman, je regarde les gens, ce qu'ils lisent surtout. Quelque fois je découvre un auteur. J'écoute des conversations, consternantes ou amusantes. J'observe ceux ou celles qui voyagent seuls, j'essaie d'imaginer pourquoi ils partent, qui ils rejoignent. Je vérifie mes suppositions sur le quai à l'arrivée.

Et il y a l'espoir, cet espoir fou de rencontrer quelqu'un dans le train. Alors même que je ne le cherche pas, même si je suis déjà prise. Un coup de foudre sur rails à la « Before Sunrise ». Pas même besoin d'un lendemain. Juste un moment intense, une complicité innée et le cœur qui bat. Un instantané de vie. Une parenthèse dans le quotidien. Je ne l'ai jamais encore rencontré mais comme l'espoir fait vivre, je continue à rêver à l'inconnu du train à chaque fois que je composte mon billet…