L’nègre noir

-         Ecoute ma chérie, j'ai écrit un début de chanson, je te lis.

« Un beau jour, c'était la nuit d'ailleurs,

Quand soudain, surgissant de nulle peur,

Vint à mes côtés, accoster un aigle noir

Sur le lac calme et lisse comme un miroir. » 

-         On ne peut plus dire un aigle noir, il faut dire un aigle de couleur.

-         Ok, alors « Vint m'importuner un aigle de couleur noire. »

-         Non de couleur tout court.

-         Un aigle de couleur tout court, ça ne rime plus.

-         De toute façon tu as plagié un texte de Barbara.

-         J'me disais bien que ça m'étonnait que j'écrive comme ça, c'n'est pas le style de mon nègre de couleur.

-         On n'a plus le droit de dire nègre, il faut dire ghost writer.

-         D'accord, je reprends alors :

« ... vint se poser un gosse ouailleteur maléfique

Sur le lac imberbe comme un gladiateur électrique. »

-         Pas mal esthétique, non ?

-         Pathétique, en effet !

-         Bien sûr, avec toi, on n'a plus le droit de ne rien dire.

-         Si ! On a le droit de ne rien dire, justement.

-         Tu joues sur les mots et mes nerfs en m'énervant.

-         Fallait choisir un autre pseudo.

Ma chérie, elle a réponse à tout.