MOI AUGUSTE EMPEREUR DE ROME

Une expo sans armes ni dagues qui met en exergue la modernité d'une époque qui perdure dans la nôtre. Une scénographie qui vous glisse dans la peau d'un quotidien perceptible par tous. Une expo-vie ou les statues respirent, les regards vous transpercent, où l'on met la table et les couverts en allumant un candélabre.

La RMN via le louvre et le Gand Palais nous réinvente la machine à remonter le temps pour le plaisir et le savoir de tous y compris des enfants.

Les murs ont des oreilles qui vous écoutent, les statues des yeux qui vous scrutent. C'est ce qui frappe le plus au premier contact. Ces regards qui malgré leurs deux mille ans ont gardé leurs jeunesses et leurs forces. Quatre techniques pour le réprésenter avec chacune sa propre force.

Le regard blanc sans pupille, celui de césar. Des yeux vides diriez-vous. Oh que non, le sien passe avec une force ahurissante, on sent un César reptilien, intelligent et calculateur. On est loin d'un regard de pierre. Il y a ces pupilles noires dont le blanc des yeux fait place à l'or qui vous subjugue. Losrsque vous croisez celui de Livie et d'Auguste une multitude de questions vous assaille. Qu'est-ce qui pense, qu'est-ce qui voit, qu'est-ce qui fait, vous tombez dans un bain de réflexion philosophique....Il y a la pupille creusée dans la matière qui vous mate de ses yeux revolvers et ceux vides de matières, comme sur ces masques géants proches de l'art moderne.

Les visages sont sculptés avec maestria, non seulement César, mais aussi Crassus dont le visage pourrait faire une excellente statue du commandeur dans Dom juan ou encore Octave le nez cassé mais qui reste beau gosse avec sa mèche dans le vent du temps. Comme dans toute fête il ya le coin des camées. Ceux-ci ont bien meilleures mines même de profil. Un travail d'orfèvre qui ferait pâlir de jalousie la cour de Louis IV sur des matières rares et délicates à tailler.

Je continue la garden party au premier. Il est bien son dupleix à Auguste, c'est grand, doit payer une fortune pour le loyer. J'arrive sur la première pièce et là on est à la cool. Une demie douzaine de statues aux poses relax non ostentatoires ni héroïques. Ici on tchache détendu, les positions ont l'air tellement actuelles qu'en remplaçant tel parchemin dans telle main par un smartphone,  ça choquerait même pas !

C'est la force de cette exposition, la modernité. On vit pareil dans de grands ensembles, on bouge pareil, nos visages sont pareils. Si proches. Contrairement à ceux dont sont affublés les peintures des cinq derniers siècles. Ces visages rougeots, rondouillards ou blêmes et diaphanes. Si on habillait ces statues d'un costume on pourrait se croire dans un défilé de haute couture, ou tout simplement prendre un pot au coin de la rue avec elles sans qu' ça choque un parisien. Cette ultra modernité est encore plus flagante côté cuisine et bijoux de madame. C'est l'heure de passer à table, Il y a là trois coupelles que l'on croirait sorties dans un atelier de designer. Si vous les prenez en photo sans date et que vous les montrer à vos amis, il vous demanderont l'adresse sans se douter un instant de leurs véritables datations. De la matière au design, en passant par les couleurs, tout semble d'aujourd'hui y compris les techniques. On est ébahi par la dextérité des artistes de l'époque. Pas un visiteur n'échappe au charme envoûtant de ce bracelet serpentiforme de 500g. D'un réalisme éblouissant, il semble onduler, vivant. Un objet que même hollywood n'aurait pu imaginer. On est transporté par les qualités de fabrication des objets en verre, des balsamaires à cet oiseau bleu à la forme parfaite et si moderne.

On passe à table mais on n'ose pas y mettre les pieds tellement les siens sont beaux. On allume un candélabre et on prend un dernier coup dans deux splendides coupes en argent qui vous saoûlent de beauté. Deux purs chefs-d'oeuvres pas moins, à la réalisation presque divine. Pas un bavure, une finesse de détails à vous faire avaler de travers. Sans doute une des plus belles réalisations de cette époque.

Je termine ma visite éblouï et instruit, stupéfait d'une telle modernité, ravi de cette petite fête ou pour une fois je n'ai pas les oreilles qui sifflent ou qui bourdonnent mais les neurones qui fusent et qui cartonnent.

CHRISTOPHE PARIS