News, Data, Knowledge, la chute d'un tabloïd politiquement incorrect

Eric Varon

Pourquoi écrire : intention

Dans Ulysse de James Joyce un chapitre constitue un petit univers que l’on peut regarder sous divers angles, échappant aux lois d’une poétique aristotélicienne et par conséquent au déroulement du temps dans un espace homogène. Dans la poétique théâtrale de Brecht l’action dramatique est conçue comme une exposition problématique  de certains états de tension pour lesquels l’auteur ne propose pas de solution. S ‘il avait été scénariste à la télévision on lui aurait sans doute retourné son manuscrit avec une mention du type : « mais enfin qui est le coupable ? Terminez votre récit ». En cela il est le contraire d’un « leader d'opinion » qui se veut un prescripteur dont l’expertise ne souffre pas de contestation

Sortir de la sphère privée pour la sphère publique n'est pas innocent.  L’écriture alphabétique est une technologie de la mémoire qui s'inscrit dans la durée. A partir de ces postulats, pourquoi écrire ? Pour le divertissement pur, pour remettre en question des rapports sociaux, pour créer un impératifs catégoriques ? L'action d'une pièce de boulevard réussie (Georges Feydeau) montre la médiocrité des existences, transcendées par le fou rire. Un système est réifié quand il oppose sa force d’inertie aux mouvements vivants. Pratico-inerte : praxis theoria. Aujourd'hui dans les medias, le message a remplacé l’œuvre d’art : il s’agit de prescrire dans l’esprit de la publicité sans laisser la contestation ou l’interprétation s’installer. Le slogan instaure une discipline à partir de postulats de base. Il est investi d’une autorité dans un domaine précis. Son message est le contraire d’une œuvre d’art, c’est une injonction. 

"Le Théâtre de la cruauté est un terme introduit par Antonin Artaud pour désigner la forme dramatique à laquelle il travailla dans son essai le théâtre et son double. Derrière « cruauté » il faut entendre « souffrance d'exister ». 

Lady Gaga représente une forme comique du  Théâtre de la cruauté, ses prestations scéniques offrent un mélange de trash, de sexe, d'art et de pop. Personne ne croit un instant que ces mises en scène  délirante soit l'expression de sentiments réels. Pourtant dans les deux cas il s'agit d'une approche non cérébrale, mais vécue physiquement. Peut-on imaginer une pièce qui se vit physiquement, qui entraine une sorte de délivrance ?

Dans la Mort de Danton en 1835, Georg Büchner écrit : " Nos bras sont mus par le destin (c'est Danton qui parle), mais seules les natures surhumaines peuvent lui servir d'instrument." et aussi "nous sommes des pantins manoeuvrés par des forces inconnues. Nous ne sommes rien par nous-mêmes. Nous ne sommes que les glaives avec lesquels les esprits combattent. Seulement on ne voit pas les mains..."  Büchner procède à un renversement métaphysique : la mort du néant. L'homme est "fait comme un rat", mais le piège tragique a peut-être une issue non gardée, un petit soupirail ouvrant sur autre chose. Donner sa chance à la chance de l'autre, l'éthique  commencerait par l'entraide et trouverait un fondement naturel, biologique

Qu'est-ce que tu fais en sortant de prison ?News, Data, Knowledge, la chute d'un tabloïd politiquement incorrectClive L'avocatAbigaïl Sugar Voix off « Exclusif, le parti des unijambistes réclame le droit d'acheter les chaussures à la pièce »« Le mystère des bébés javanais qui ont sauté en parachute sur Westminster reste entier »« C'est Sophie qui m'a dragué, a pris mon numéro de portable, m'a plaqué contre le mur et arraché mes fringues nous déclare le chanteur des Beef stranglers, il ajoute qu'il ne portera pas plainte et qu'il recommencera ce soir »Scène IUn décor de cellule, un homme en chemise blanche, sa veste est posée sur le dossier d'une chaise. Elle est couverte de mousse à raser, lavée, elle achève de sécher.Entre un personnage en costume strict une serviette à la main.Clive C'est toi qui est mon avocat ? je n'ai rien demandé !L'avocatTu fais comme tu veux. Tu peux en prendre pour vingt ans, si l'hypothèse du piratage des messageries de militaires morts en Irak se révèle fondéeClive Vous êtes content vous allez avoir ma peau, j'ai pris une tarte à la crème dans la figure en pleine audience du comité d'enquête parlementaire...L'avocat Nous nous sommes connus au collège... Quand je t'ai vu couvert de mousse à raser, j'ai revu l'époque où je te suivais partout comme un chien et j'ai hurlé de rire. Tu m'as appris la haine de moi-même...Clive  (lui coupant la parole)On ne pouvaient pas s'entendreL'avocatNews, data, Knwoledge, c'est toi qui m'a bourré le crâne avec la formule magique Information pour désigner les nouvelles (news), les données (data) et le savoir (knowledge)", on devait créer une nouvelle civilisation de l'information... Mais votre savoir c'était quoi? Le cours de la bourse, les marchés financiers...le cash flowClive Tu avais oublié le contrat, le pacte avec le diable. C'est le public qui décide. J'adore le luxe, j'adore la réussite, les costumes sur mesure, les jets privés. Pour ça il faut vendre...Il faut attirer les hommes, les femmes, les enfants, il faut qu'on s'arrache ce papier éphémère, couvert de signes  de photos volées, d'obscénités acceptables, et ce flot d'ordures ce n'est pas moi qui en décide tu m'entends bien ? Moi je publierais des sonnets de Shakespeare si ça faisait vendre ce putain de papier glacé jusqu'à l'âme. Le papier coûte quarante centimes la feuille, mais avec la photo volée de la petite assassinée ça n'a plus de prix...L'avocatMaintenant on jette de la crème à raser sur ton costume par dérision, on te couvre de crachats...Ce que le rapport parlementaire déplore plus que tout, c'est que parmi les milliers de victimes potentielles de tes écoutes, «peut-être jusqu'à 12.800», seulement 170 ont été informées. Au rythme où progresse l'opération «Weeting», le nom de l'enquête en cours sur les écoutes, il faudra des années pour qu'elles le soient toutes. Clive Quand on a découvert l'histoire de la petite Milly, quand on a su que j'avais piraté sa messagerie téléphonique, des gens m'arrêtaient dans la rue pour me frapper. Mais ils auraient pu penser que sans leur mauvais goût pour le fait-divers, rien ne serait arrivé. J'étais avec une top-modèle de vingt ans, Abigaïl, quand on a commencé à nous cracher dessus elle a fondu en larmes et elle s'est enfuie, elle ne deviendra jamais riche et cruelle... Je l'aimais tant...Elle ne veut pas devenir une marque vendue dans le monde entier, elle craint le scandale et le cynisme, elle se trompe sur tout...L'avocatTu as toujours joué au cynique, tuant toutes les illusions, bien sûr que le public réclame du sensationnel, mais pas de l'ignoble. Vous étiez fiers qu'on appelle ça la presse de caniveau ? Est-ce que tu voulais transformer Abigaïl à ton image ?Clive  je ne suis pas amoral, je suis immoral, je tiens à la différence. Ce qui est amoral c'est de croire que tout est égal à tout. Moi je croyais à la réussite au pouvoir, à l'argent, à ce qu'il permet, tu entends ça ? Ce qui est immoral c'est de recevoir un empire de presse en héritage et de ne pas le faire prospérer par tous les moyens. Mon père était un homme très sévère, il ne  voulait pas me remettre les clés de l'entreprise, il citait la Parabole des Talents... Il disait,  Mais en réalité on n'achète que ceux qui sont à vendre... Je me rappelle le premier soir avec ma top mon Abigaïl...(changement d'éclairage une chambre dans la pénombre un lit éclairé par une lumière rouge tamisée)Le décor change Abigaïl SugarTu as faim?Clive J'ai faim de toiAbigaïl SugarEt une pizza ça ne remplacerait pas ?Clive Tu crois qu'on peut remplacer le vertige ?Abigaïl SugarJe suis du vertige moi ?D'un geste brutal il place son doigt sous son mentonClive My love dit-il Elle s'écarte d'un geste brusque Abigaïl SugarTu es qui toi?Clive Je n'ai jamais ressenti un tel désir pour personne, je voudrais me fondre en toi...Les plus naïfs croient au paradis perdu, moi je crois en ton corps...Tu es à la fois gentille et cruelle...Abigaïl SugarEn résumé je suis une fille !Tu me fais peur...Je n'aime pas comme tu m'aimes. Quand j'étais toute jeune, il y a eu ce type à un arrêt d'autobus, il m'a touché la poitrine et le sexe, il m' a embrassé en me léchant le visage il était ivre, puis il a voulu m'entrainer vers l'escalier d'un immeuble, un vieux monsieur m'a défendue, alors il lui donné un coup de couteau, je me suis mise à hurler comme une folle pendant des heures et des heures, plus rien ne pouvait m'arrêter. Maintenant la nuit je pense souvent à ce vieux,  est-ce qu'il est mort ? est-ce qu'il est dans un fosse commune parce que sa famille n'avait pas assez d'argent pour un enterrement descend ? Et moi, est-ce que je suis une putain ? (elle hurle en se tenant le tête entre les mains) Rien qu'une putain ? Et toi est-ce que tu m'aurais défendu à l'arrêt d'autobus comme le vieux ? Lui, c'était un homme, pas un petit salopard qui ne pense qu'à sa bite, lui il croyait à un ordre des choses, il croyait qu'on peut mourir pour défendre une fille, suffit pas d'allonger son argent, le flouze, les marchés financiers et tout le tremblement, il savait que je souffrais et à quel point je souffrais, peut-être qu'il avait fait la guerre contre Hitler, peut-être qu'il avait vu des gamines nues et tremblantes dans les camps de concentration qu'il avait libéré et qu'on lui avait donné une médaille en chocolat pour tout ça, juste une petite pension et les journaux à la gomme à lire qui lui montrent que tout recommence toujours, pour le pire...Je ne serais jamais un zébu !Clive Un quoi ?Abigaïl SugarUn zébu, dans l'entrée chez mon grand père, il y avait des cornes de zébu...Un trophée de chasse, je ne suis pas un trophée de chasse...Clive Je n'ai jamais pensé ça, je t'aime...Abigaïl SugarAlors on va boire à Marylin qui est née sans qu'on sache où, et qui est morte sans qu'on sache pourquoi, entre temps toutes ses photos étaient des mensonges, et ses amants riches ont profité d 'elle, sauf le grand Di Maggio le plus con qui allait porter des petits bouquets de violettes sur sa tombe jusqu'à sa mort ! Et Amy Winehouse, est-ce que tu penses à elle à sa souffrance ? Et les crimes contre les femmes est-ce que tu y penses ? Les deux touristes françaises assassinées en Argentine, j'ai froid quand je ne souviens de cette histoire, un froid mortel, un silence infini, pour toutes ces filles torturées et mortes...Clive écoutes-moi, je t'aime, je t'aurais défendue à l'arrêt d'autobus, je ne suis pas si salaud qu'on peut l'imaginer...Quand j'étais petit je me cachais sous l'escalier avec le gros chat angora, même que j'ai pleuré quand il est mort...Abigaïl SugarTu as vraiment pleuré, quand il est mort ? Tu avais quel âge ?Clive oui ! J'avais sept ans...Abigaïl SugarAlors ne bois pas ça, je t'ai versé de l'arsenic dans ton café...Clive Vraiment ?Abigaïl SugarNon, je blague... (rêveuse)...je ne sais pas où on achète l'arsenic.Clive je veux te prouver que je suis sincèreAbigaïl SugarHumm ?Clive On va faire une grand dinerAlors ?On ouvrira les portes, on invitera les petites filles des arrêts d'autobus, les vieux messieurs sans le sou, les chats des poubelles... et tout ceux qui n'ont pas eu de chance, tout ceux à qui on a craché à la gueule tout ceux qu'on a humilié, les enfants qui n'ont pas d'argent pour la cantine et qui attendent à la porte, les gars qui ont été licenciés et qui n'osent pas rentrer chez eux pour parler de ça à leurs femmes et leurs enfants...   Scène IILe procureurIl est temps de porter le fer dans la plaie « Le seigneur a dit  si ta main te fait tomber dans le péché coupe là »L'avocatVous avez son adresse ?Le procureurPourquoi ?L'avocatPour l'inviter à comparaître comme témoin !Le procureurL'ironie est une insulte à la cour Maître. Pour l'instant il ne ne s'agit pas de notre seigneur, et de son procès,   mais de celui de ses plus misérables créatures, screws of the world, « les baises du monde »... C'est ainsi qu'on parlait Maître, chez votre honorable client... l'avocatOn ne se débarrasse pas du diable quand le public entier le réclame ! Nous avions plus de sept millions de lecteurs !Le procureurQuand on viole la loi, quand la cause du mal est connue, il faut trancher, il faudra vous expliquer sur le piratage de la boîte téléphonique de la petite Milly Dowler qui était déjà morte quand vous avez effacé des messages, sabotant ainsi l'enquête de la police et donnant de faux espoirs à ses parents …L'avocatMon client était conscient de repousser les limites de l'éthique du journalisme, mais il pensait attirer le coupable dans un piège... En 168 ans nous avons couvert les obsèques de la Reine Victoria, le naufrage du Titanic, les deux guerres mondiales, le premier pas de l'homme sur la lune...Le procureur Peut-être que votre passé est glorieux mais votre présent est sinistre. Les fiancées des soldats morts en Irak arrêtaient votre patron dans la rue pour le gifler quand elles ont découvert que leurs dernières conversations avaient été espionnées ! Vous êtes courageux pour regarder par le trou de la serrure et ensuite gagner beaucoup d'argent avec l'intimité des uns et des autre, mais il y a des lois dans ce pays ! Et les pots-de-vin versés à des policiers en échanges de tuyaux sur des affaires criminels ?L'avocatNous voulions combattre le crime en publiant les photos de pédophiles Le procureurPour pousser des malheureux au suicide ? Scoop Shocking ! Vous avez plongé des innocents au plus noir d'une nuit terrible, vous avez permis à des criminels endurcis d'échapper au châtiment, maintenant c'est à la justice de rétablir l'équilibre, la vérité doit paraître quelque en soit le prix.L'avocatNos lecteurs vivent avec des vérités sensibles au coeur, qui ne se démontrent ni ne se réfutent, l'argumentation rationnelle n'a pas de prise sur eux, ils nous regardent au fond des yeux, nous les riches, les puissants, ils cherchent les traces de la dépravation, le péché des grands de ce monde est leur jouissance, leurs ancêtres cherchaient les signes de la sorcellerie, maintenant que le monde est désenchanté il ne reste que le frisson du trash, les morts tragiques, les blessures symboliques ou réelles, les déchirures les abandons. Le procureurIls colportent les pires sornettes et ensuite ils disent: « je l'ai lu dans le journal, il n'y a pas de fumée sans feu, si c'est écrit c'est que c'est vrai ! »L'avocatUn journal vieux de 168 ans s'inscrit dans leur mémoire, c'était le journal de leurs grands parents qui y lisaient la mort d'Hitler, les horreurs de la partition de l'Inde, la disparition de Lord Moutbatten, un monde où la richesse et la gloire était un signe d'ordre, de morale et d'économie... Le procureurAssez ! Vous essayer de cacher les turpitudes de votre client derrière le souvenir de nos parents décédés , c'est l'argument le plus infect qu'on m'a jamais servi dans toute ma carrière et je regrette que les galères et le bagne n'existent plus ! On va condamner votre misérable client à six mois et il viendra se plaindre si l'eau de la douche est trop tiède et si son thé de Darjeeling vient de Ceylan... Alors qu'il mériterait qu'on lui coupe la langue les mains et je ne sais quoi encore.L'avocatVotre Honneur !Le procureurOui c'est bon, il n'y a ni témoin ni micro caché, si vous faites état de cette conversation je vous boucle pour insulte à la Cour.Acte IIIUne salle vide. Deux policiers en uniformePremier Agent Qui est-ce lui ?Deuxième AgentUn enquêteur du journalPremier Agent une supposition que tu  travaille dans la presse...Deuxième Agentune supposition idiotePremier Agent oui mais quand même, tu aurais fait ça toi ?Deuxième AgentQuoi ?Premier Agent Bousiller des messages, sur la boîte de la gamine disparue...Deuxième AgentPour le fric hein ? Premier Agent Oui, pour quoi d'autre ?Deuxième AgentPour le fric je n'aurai pas fait ça non ! Ou peut-être oui, qu'est-ce qu'ils appellent du fric ? Mille ? Dix mille, cent mille. Tu as mal au foie ?Premier Agent Pourquoi ?Deuxième AgentUn flic qui se pose des  questions comme ça c'est qu'il a mal au foie ou qu'il est prêt à faire une dépression...Premier Agent Et pourquoi pas mal à l'estomac ?Deuxième AgentIl n'y a que les français qui ont mal à l'estomac Premier Agent Oui, la déprime... est-ce qu'on communique nous ? est-ce qu'on explique que sans nous tout serait sans dessus ni dessous, on ferait du fric avec n'importe quoi, on n'est ni cool, ni branché ni sympa, on ne change pas de chemise trois fois par jours. Dans les stades on regarde le public et pas le match. C'est ça, tu vois, on ne verra jamais le match dans toute notre chienne de vie, parce qu'on devra toujours  surveiller qu'il n'y en a pas qui lancent des bouteilles sur les joueurs... où qui leur crie des saloperies, « espèce de singe retourne dans ton arbre » et ci et ça...Et quand c'était Cantonna, là on entendait gueuler...Deuxième AgentPour sûr qu'on devra toujours surveiller, ça serait simple pourtant, les gens se tiendraient là où ils doivent être, ils parleraient poliment et mangeraient leur tarte aux pommes après l'office du dimanche...Premier Agent Oui, et moi je danserai le Lac des Cygnes en tutu rose. Arrête maintenant j'ai la migraine, la vérité c'est qu'ils veulent voir le film en accéléré, il faut arrêter le coupable avant que le crime ait eu lieu...Deuxième AgentAvec des écoutes illégales on pourrait serrer les gars en vitesses, mais on serait obligés de relâcher le présumé, tant qu'il n'y a pas commencement d'exécution ...  Hé tu sais... Pour le tutu rose ça pourrait le faire...Premier Agent Salopard, fous-moi le camp ( en riant). Il va y avoir un crime horrible dans ce commissariat, si tu reparles de ça. Lâche-moi ! Lumière sombre changement de décor la même chambre Sugar BabyJe n'étais pas une pute. C'était une relation monogame et il y avait de l'affection...Clive Je n'ai jamais dit le contraire...Sugar Baby Dans tes journaux on ne parle pas comme ça...Clive Mais je ne lis pas mes journauxOn nous traite de putes...Il y a des imbéciles partoutSurtout dans tes journauxMes journaux existent parce qu'on les achète, sinon tels les dinosaures ils disparaitraient de la surface du globeIls sont en train de disparaîtreOui à cause de Dame JusticeHeureusement vous êtes des vicelards, le mal chevillé dans tous les bouts du corps, même en vous fouettant tous les jours avec des orties on n'arriverait pas à expulser le diable de votre masse velue.Faudrait mettre des gantsPourquoi ?Pour les orties...ça fait mal aux mains. Tu sais on va me mettre en prison, est-ce que tu viendras au parloir ? Tu crois que j'aurai le droit ?Oui« No strings attached », c'était bien ça non la formule magique ? Il faudrait qu'on soit fiancés ou mariés pour aller te voir en prison ?Ça serait plus simple...Tu ne veux pas que vienne en hélicoptère pour te faire évader ?Tu es folle...Non je reste six mois au maximum....  Et tu te relances sur les marchés boursiers, les spéculations vont bon train sur une éventuelle nomination au poste de PDG de News Corp. de l'actuel numéro deux du groupe. Ton fidèle lieutenant reprend la boîte , bénéficiant d'une excellente réputation à Wall Street. Il est en mesure de restaurer la confiance vacillante des investisseurs. L'action News, Data, Knolewdge inc. à New York a perdu près d'un cinquième de sa valeur en Bourse depuis le  début du mois de juillet, malgré l'annonce d'un plan massif de rachat d'actions.Tu es bien renseignée....Ben si on doit se marier pendant que tu es en prison... Je ne suis pas une conne en tenue ultra-sexy, qui ne voit pas plus loin que la pointe de ses Louboutin. Vous aviez le sens du scoop, tu me donnais la liberté, tu tirais ton argent des lynchages médiatiques, mais j'avais 3000 dollars juste pour dîner, pendant que ma copine Caroline en prenait plein la tête quand on a découvert sa transsexualité. Un garçon qui devient James Bond girl, quelle horreur, laisse moi rire !Rit autant que tu veux, maintenant j'ai de gros problèmes, mais je peux refaire fortune et tout recommencerJe n'aime pas la manière dont vous traitez les gens. Ma voix intérieure est morte, je ne m'entends plus me parler , même plus pour me condamner, je ne guérirais pas de ma culpabilité... Au début c'était agréable d'être convoitée, mais un acte d'amour c'est tout autre chose...Tu crois que ça me plaît à moi ? Je n'aimais pas le monde que j'ai trouvé à ma naissance, l'affrontement de la liberté avec l'inertie , fatum c'était dit, mektoub c'était écrit, cette liaison du verbe avec la fatalité, la persistance de la cause érigée en logique irréductible contre la liberté, contre l'événement, nous voulions la dépasser, nous voulions tout voir, tout savoir tout prévoir, pour cçà il fallait des renseignements, toujours plus d'informateurs partout, la fatalité c'est le triomphe du langage, « je te l'avais bien dit », « on t'avais prévenu ». News, data, knowledge, nous voulions un monde transparent, une maison de verre, où tout serait expliqué, rien ne serait caché. Les messageries téléphoniques piratées, c'était le moyen d'anticiper sur l'événement...Nous n'étions pas l'opium du peuple, c'est le peuple qui réclamait toujours plus d'excitants, d'alcool frelaté de speed...Ce qui les séduit ce sont les rapports sémantiques entre argent, sexe, beauté, mort...J'ai vraiment espéré que cette fille n'était pas morte et qu'on la retrouverait les premiers...Pour nous les informations c'est du sentiment brutal, mais réaliste. Il n'y a plus de monde enchanté, seulement des rapports de force. Pour les enfants c'est la peur de l'humiliation...avoir la honte... ou de la solitude, être rejeté par la communauté...Il faut adhérer aux mêmes valeurs, ne pas être particulier...Quand j'avais huit ans ma soeur aînée se mariait en grande pompe, pour le réception elle se tenait avec son futur ex mari à l'entrée de la salle accueillant les convives des quasis inconnus, avec un grand sourire hypocrite sur un trône extravagant de conte de fée, c'était ma princesse absolue, ma dominatrice suprême, je me serais jeté au feu pour elle, je n'aurais pas parlé sous la torture, on n'aurait pu me taper, me faire toutes les misères du monde, j'aurai su me taire, avec ses dentelles de Calais, sa tulle blanche, sa soie d'ange subtil, à un moment où elle était seule, je me suis glissé près d'elle  dans un moment d'audace folle et j'ai dit «  et moi est-ce que je n'ai pas droit  à un petit bisous? », elle est devenue toute rouge et m'a fusillé du regard  « tu es fou ou quoi ? Tu veux que j'appelle Papa ? », elle m' adonnée une claque, je suis mort à ce moment là !C'est après que tu t'es caché sous l'escalier avec le gros chat ?Oui     Je viendrais te voir en prison, ne t'en fais pas, quand tu seras dépouillé de tout, sans fric sans pouvoir, seul dans ta cellule, tu auras peut être une véritable empathie féminine, alors on pourra à nouveau  baiser 

Le texte de la pièce

News, Data, Knowledge, la chute d'un tabloïd politiquement incorrect

Personnages :

Clive 

L'avocat

Abigaïl Sugar 

Deux policiers

The old Sphinx bit her thick lip -
Said « Who taught thee me to name ?
I am thy spirit yoke-fellow
of thine eye I am eyebeam
Thou art the unanswered question ;
couldst see thy proper eye
always it asketh, asketh
and each answer is a lie

Le vieux sphinx mordit sa lèvre épaisse
Et dit «  Qui t'as appris mon nom ?» 
Je suis ton esprit compagnon de travail
De ton oeil je suis le rayon
tu es la question sans réponse:
Si tu pouvais voir ton propre oeil
Toujours il interroge, interroge
Et chaque réponse est un mensonge.

Emerson

Acte I

Scène I

Un décor de cellule, un homme en chemise blanche, sa veste est posée sur le dossier d'une chaise. Elle est couverte de mousse à raser, lavée, elle achève de sécher.
Entre un personnage en costume strict une serviette à la main.
Clive 
C'est toi qui est mon avocat ? je n'ai rien demandé !
L'avocat
Tu fais comme tu veux. Tu peux en prendre pour vingt ans, si l'hypothèse du piratage des messageries de militaires morts en Irak se révèle fondée

Clive 
Vous êtes content vous allez avoir ma peau, j'ai pris une tarte à la crème dans la figure en pleine audience du comité d'enquête parlementaire...
L'avocat 
Nous nous sommes connus au collège... Quand je t'ai vu couvert de mousse à raser, j'ai revu l'époque où je te suivais partout comme un chien et j'ai hurlé de rire. Tu m'as appris la haine de moi-même...
Clive  (lui coupant la parole)
On ne pouvaient pas s'entendre
L'avocat
News, data, Knwoledge, c'est toi qui m'a bourré le crâne avec la formule magique Information pour désigner les nouvelles (news), les données (data) et le savoir (knowledge)", on devait créer une nouvelle civilisation de l'information... Mais votre savoir c'était quoi? Le cours de la bourse, les marchés financiers...le cash flow

Clive 
Tu avais oublié le contrat, le pacte avec le diable. C'est le public qui décide. J'adore le luxe, j'adore la réussite, les costumes sur mesure, les jets privés. Pour ça il faut vendre...Il faut attirer les hommes, les femmes, les enfants, il faut qu'on s'arrache ce papier éphémère, couvert de signes  de photos volées, d'obscénités acceptables, et ce flot d'ordures ce n'est pas moi qui en décide tu m'entends bien ? Moi je publierais des sonnets de Shakespeare si ça faisait vendre ce putain de papier glacé jusqu'à l'âme. Le papier coûte quarante centimes la feuille, mais avec la photo volée de la petite assassinée ça n'a plus de prix...
L'avocat
Maintenant on jette de la crème à raser sur ton costume par dérision, on te couvre de crachats...Ce que le rapport parlementaire déplore plus que tout, c'est que parmi les milliers de victimes potentielles de tes écoutes, «peut-être jusqu'à 12.800», seulement 170 ont été informées. Au rythme où progresse l'opération «Weeting», le nom de l'enquête en cours sur les écoutes, il faudra des années pour qu'elles le soient toutes. 
Clive 
Quand on a découvert l'histoire de la petite Milly, quand on a su que j'avais piraté sa messagerie téléphonique, des gens m'arrêtaient dans la rue pour me frapper. Mais ils auraient pu penser que sans leur mauvais goût pour le fait-divers, rien ne serait arrivé. J'étais avec une top-modèle de vingt ans, Abigaïl, quand on a commencé à nous cracher dessus elle a fondu en larmes et elle s'est enfuie, elle ne deviendra jamais riche et cruelle... Je l'aimais tant...Elle ne veut pas devenir une marque vendue dans le monde entier, elle craint le scandale et le cynisme, elle se trompe sur tout...
L'avocatTu as toujours joué au cynique, tuant toutes les illusions, bien sûr que le public réclame du sensationnel, mais pas de l'ignoble. Vous étiez fiers qu'on appelle ça la presse de caniveau ? Est-ce que tu voulais transformer Abigaïl à ton image ?
Clive  

je ne suis pas amoral, je suis immoral, je tiens à la différence. Ce qui est amoral c'est de croire que tout est égal à tout. Moi je croyais à la réussite au pouvoir, à l'argent, à ce qu'il permet, tu entends ça ? Ce qui est immoral c'est de recevoir un empire de presse en héritage et de ne pas le faire prospérer par tous les moyens. Mon père était un homme très sévère, il ne  voulait pas me remettre les clés de l'entreprise, il citait la Parabole des Talents... Il disait,  Mais en réalité on n'achète que ceux qui sont à vendre... Je me rappelle le premier soir avec ma top mon Abigaïl...(changement d'éclairage une chambre dans la pénombre un lit éclairé par une lumière rouge tamisée)

Le décor change 

Abigaïl Sugar
Tu as faim?
Clive 
J'ai faim de toi
Abigaïl Sugar
Et une pizza ça ne remplacerait pas ?
Clive Tu crois qu'on peut remplacer le vertige ?
Abigaïl Sugar

Je suis du vertige moi ?
D'un geste brutal il place son doigt sous son menton
Clive 

My love


Elle s'écarte d'un geste brusque 
Abigaïl Sugar

Tu es qui toi?
Clive Je n'ai jamais ressenti un tel désir pour personne, je voudrais me fondre en toi...Les plus naïfs croient au paradis perdu, moi je crois en ton corps...Tu es à la fois gentille et cruelle...
Abigaïl Sugar

En résumé je suis une fille !
Tu me fais peur...Je n'aime pas comme tu m'aimes. Quand j'étais toute jeune, il y a eu ce type à un arrêt d'autobus, il m'a touché la poitrine et le sexe, il m' a embrassé en me léchant le visage il était ivre, puis il a voulu m'entrainer vers l'escalier d'un immeuble, un vieux monsieur m'a défendue, alors il lui donné un coup de couteau, je me suis mise à hurler comme une folle pendant des heures et des heures, plus rien ne pouvait m'arrêter. Maintenant la nuit je pense souvent à ce vieux,  est-ce qu'il est mort ? est-ce qu'il est dans un fosse commune parce que sa famille n'avait pas assez d'argent pour un enterrement descend ? Et moi, est-ce que je suis une putain ? (elle hurle en se tenant le tête entre les mains) Rien qu'une putain ? Et toi est-ce que tu m'aurais défendu à l'arrêt d'autobus comme le vieux ? Lui, c'était un homme, pas un petit salopard qui ne pense qu'à sa bite, lui il croyait à un ordre des choses, il croyait qu'on peut mourir pour défendre une fille, suffit pas d'allonger son argent, le flouze, les marchés financiers et tout le tremblement, il savait que je souffrais et à quel point je souffrais, peut-être qu'il avait fait la guerre contre Hitler, peut-être qu'il avait vu des gamines nues et tremblantes dans les camps de concentration qu'il avait libéré et qu'on lui avait donné une médaille en chocolat pour tout ça, juste une petite pension et les journaux à la gomme à lire qui lui montrent que tout recommence toujours, pour le pire...
Je ne serais jamais un zébu !
Clive 

Un quoi ?
Abigaïl Sugar

Un zébu, dans l'entrée chez mon grand père, il y avait des cornes de zébu...Un trophée de chasse, je ne suis pas un trophée de chasse...
Clive 

Je n'ai jamais pensé ça, je t'aime...
Abigaïl Sugar

Alors on va boire à Marylin qui est née sans qu'on sache où, et qui est morte sans qu'on sache pourquoi, entre temps toutes ses photos étaient des mensonges, et ses amants riches ont profité d 'elle, sauf le grand Di Maggio le plus con qui allait porter des petits bouquets de violettes sur sa tombe jusqu'à sa mort ! Et Amy Winehouse, est-ce que tu penses à elle à sa souffrance ? Et les crimes contre les femmes est-ce que tu y penses ? Les deux touristes françaises assassinées en Argentine, j'ai froid quand je ne souviens de cette histoire, un froid mortel, un silence infini, pour toutes ces filles torturées et mortes...
Clive

 écoutes-moi, je t'aime, je t'aurais défendue à l'arrêt d'autobus, je ne suis pas si salaud qu'on peut l'imaginer...Quand j'étais petit je me cachais sous l'escalier avec le gros chat angora, même que j'ai pleuré quand il est mort...

Abigaïl Sugar

Tu as vraiment pleuré, quand il est mort ? Tu avais quel âge ?
Clive oui ! J'avais sept ans...
Abigaïl SugarAlors ne bois pas ça, je t'ai versé de l'arsenic dans ton café...
Clive Vraiment ?
Abigaïl SugarNon, je blague... (rêveuse)...je ne sais pas où on achète l'arsenic.
Clive je veux te prouver que je suis sincère
Abigaïl SugarHumm ?
Clive On va faire une grand dinerAlors ?On ouvrira les portes, on invitera les petites filles des arrêts d'autobus, les vieux messieurs sans le sou, les chats des poubelles... et tout ceux qui n'ont pas eu de chance, tout ceux à qui on a craché à la gueule tout ceux qu'on a humilié, les enfants qui n'ont pas d'argent pour la cantine et qui attendent à la porte, les gars qui ont été licenciés et qui n'osent pas rentrer chez eux pour parler de ça à leurs femmes et leurs enfants...   

Scène II


Le procureur

Il est temps de porter le fer dans la plaie « Le seigneur a dit  si ta main te fait tomber dans le péché coupe là »L'avocatVous avez son adresse ?Le procureurPourquoi ?L'avocatPour l'inviter à comparaître comme témoin !Le procureurL'ironie est une insulte à la cour Maître. Pour l'instant il ne ne s'agit pas de notre seigneur, et de son procès,   mais de celui de ses plus misérables créatures, screws of the world, « les baises du monde »... C'est ainsi qu'on parlait Maître, chez votre honorable client... 
l'avocat

On ne se débarrasse pas du diable quand le public entier le réclame ! Nous avions plus de sept millions de lecteurs !

Le procureur

Quand on viole la loi, quand la cause du mal est connue, il faut trancher, il faudra vous expliquer sur le piratage de la boîte téléphonique de la petite Milly Dowler qui était déjà morte quand vous avez effacé des messages, sabotant ainsi l'enquête de la police et donnant de faux espoirs à ses parents …
L'avocatMon client était conscient de repousser les limites de l'éthique du journalisme, mais il pensait attirer le coupable dans un piège... En 168 ans nous avons couvert les obsèques de la Reine Victoria, le naufrage du Titanic, les deux guerres mondiales, le premier pas de l'homme sur la lune...
Le procureur Peut-être que votre passé est glorieux mais votre présent est sinistre. Les fiancées des soldats morts en Irak arrêtaient votre patron dans la rue pour le gifler quand elles ont découvert que leurs dernières conversations avaient été espionnées ! Vous êtes courageux pour regarder par le trou de la serrure et ensuite gagner beaucoup d'argent avec l'intimité des uns et des autre, mais il y a des lois dans ce pays ! Et les pots-de-vin versés à des policiers en échanges de tuyaux sur des affaires criminels ?

L'avocat

Nous voulions combattre le crime en publiant les photos de pédophiles 

Le procureur

Pour pousser des malheureux au suicide ? Scoop Shocking ! Vous avez plongé des innocents au plus noir d'une nuit terrible, vous avez permis à des criminels endurcis d'échapper au châtiment, maintenant c'est à la justice de rétablir l'équilibre, la vérité doit paraître quelque en soit le prix.

L'avocat

Nos lecteurs vivent avec des vérités sensibles au coeur, qui ne se démontrent ni ne se réfutent, l'argumentation rationnelle n'a pas de prise sur eux, ils nous regardent au fond des yeux, nous les riches, les puissants, ils cherchent les traces de la dépravation, le péché des grands de ce monde est leur jouissance, leurs ancêtres cherchaient les signes de la sorcellerie, maintenant que le monde est désenchanté il ne reste que le frisson du trash, les morts tragiques, les blessures symboliques ou réelles, les déchirures les abandons. 

Le procureur

Ils colportent les pires sornettes et ensuite ils disent: « je l'ai lu dans le journal, il n'y a pas de fumée sans feu, si c'est écrit c'est que c'est vrai ! »
L'avocatUn journal vieux de 168 ans s'inscrit dans leur mémoire, c'était le journal de leurs grands parents qui y lisaient la mort d'Hitler, les horreurs de la partition de l'Inde, la disparition de Lord Moutbatten, un monde où la richesse et la gloire était un signe d'ordre, de morale et d'économie... 
Le procureurAssez ! Vous essayer de cacher les turpitudes de votre client derrière le souvenir de nos parents décédés , c'est l'argument le plus infect qu'on m'a jamais servi dans toute ma carrière et je regrette que les galères et le bagne n'existent plus ! On va condamner votre misérable client à six mois et il viendra se plaindre si l'eau de la douche est trop tiède et si son thé de Darjeeling vient de Ceylan... Alors qu'il mériterait qu'on lui coupe la langue les mains et je ne sais quoi encore.

L'avocat
Votre Honneur !

Le procureur

Oui c'est bon, il n'y a ni témoin ni micro caché, si vous faites état de cette conversation je vous boucle pour insulte à la Cour.

Acte II

Scène I

Une salle vide. Deux policiers en uniforme

Premier Agent 
Qui est-ce lui ?
Deuxième Agent

Un enquêteur du journal
Premier Agent une supposition que tu  travaille dans la presse...
Deuxième Agentune supposition idiote

Premier Agent oui mais quand même, tu aurais fait ça toi ?
Deuxième AgentQuoi ?

Premier Agent Bousiller des messages, sur la boîte de la gamine disparue...

Deuxième AgentPour le fric hein ? 


Premier Agent Oui, pour quoi d'autre ?
Deuxième AgentPour le fric je n'aurai pas fait ça non ! Ou peut-être oui, qu'est-ce qu'ils appellent du fric ? Mille ? Dix mille, cent mille. Tu as mal au foie ?

Premier Agent Pourquoi ?
Deuxième AgentUn flic qui se pose des  questions comme ça c'est qu'il a mal au foie ou qu'il est prêt à faire une dépression...

Premier Agent Et pourquoi pas mal à l'estomac ?
Deuxième AgentIl n'y a que les français qui ont mal à l'estomac 

Premier Agent Oui, la déprime... est-ce qu'on communique nous ? est-ce qu'on explique que sans nous tout serait sans dessus ni dessous, on ferait du fric avec n'importe quoi, on n'est ni cool, ni branché ni sympa, on ne change pas de chemise trois fois par jours. Dans les stades on regarde le public et pas le match. C'est ça, tu vois, on ne verra jamais le match dans toute notre chienne de vie, parce qu'on devra toujours  surveiller qu'il n'y en a pas qui lancent des bouteilles sur les joueurs... où qui leur crie des saloperies, « espèce de singe retourne dans ton arbre » et ci et ça...Et quand c'était Cantonna, là on entendait gueuler...
Deuxième AgentPour sûr qu'on devra toujours surveiller, ça serait simple pourtant, les gens se tiendraient là où ils doivent être, ils parleraient poliment et mangeraient leur tarte aux pommes après l'office du dimanche...
Premier Agent Oui, et moi je danserai le Lac des Cygnes en tutu rose. Arrête maintenant j'ai la migraine, la vérité c'est qu'ils veulent voir le film en accéléré, il faut arrêter le coupable avant que le crime ait eu lieu...
Deuxième AgentAvec des écoutes illégales on pourrait serrer les gars en vitesses, mais on serait obligés de relâcher le présumé, tant qu'il n'y a pas commencement d'exécution ...  Hé tu sais... Pour le tutu rose ça pourrait le faire...

Premier Agent Salopard, fous-moi le camp ( en riant). Il va y avoir un crime horrible dans ce commissariat, si tu reparles de ça. Lâche-moi !
 

Lumière sombre changement de décor la même chambre

Scène II

Abigail Sugar

Je n'étais pas une pute. C'était une relation monogame et il y avait de l'affection...
Clive 

Je n'ai jamais dit le contraire...
Abigaïl sugar

Dans tes journaux on ne parle pas comme ça...
Clive 

Mais je ne lis pas mes journaux

Abigaïl Sugar

«No strings attached », c'était bien ça non la formule magique ? Il faudrait qu'on soit fiancés ou mariés pour aller te voir en prison ?

clive
Ça serait plus simple...

Abigail
Tu ne veux pas que vienne en hélicoptère pour te faire évader ?

Clive
Tu es folle...Non je reste six mois au maximum.... 

Abigail

Et tu te relances sur les marchés boursiers, les spéculations vont bon train sur une éventuelle nomination au poste de PDG de News Corp. de l'actuel numéro deux du groupe. Ton fidèle lieutenant reprend la boîte , bénéficiant d'une excellente réputation à Wall Street. Il est en mesure de restaurer la confiance vacillante des investisseurs. L'action News, Data, Knolewdge inc. à New York a perdu près d'un cinquième de sa valeur en Bourse depuis le  début du mois de juillet, malgré l'annonce d'un plan massif de rachat d'actions.
Clive
Tu es bien renseignée....

Abigail
Ben si on doit se marier pendant que tu es en prison... Je ne suis pas une conne en tenue ultra-sexy, qui ne voit pas plus loin que la pointe de ses Louboutin. Vous aviez le sens du scoop, tu me donnais la liberté, tu tirais ton argent des lynchages médiatiques, mais j'avais 3000 dollars juste pour dîner, pendant que ma copine Caroline en prenait plein la tête quand on a découvert sa transsexualité. Un garçon qui devient James Bond girl, quelle horreur, laisse moi rire !

Clive
Rit autant que tu veux, maintenant j'ai de gros problèmes, mais je peux refaire fortune et tout recommencer
Abigail
Je n'aime pas la manière dont vous traitez les gens. Ma voix intérieure est morte, je ne m'entends plus me parler , même plus pour me condamner, je ne guérirais pas de ma culpabilité... Au début c'était agréable d'être convoitée, mais un acte d'amour c'est tout autre chose...
Clive
Tu crois que ça me plaît à moi ? Je n'aimais pas le monde que j'ai trouvé à ma naissance, l'affrontement de la liberté avec l'inertie , fatum c'était dit, mektoub c'était écrit, cette liaison du verbe avec la fatalité, la persistance de la cause érigée en logique irréductible contre la liberté, contre l'événement, nous voulions la dépasser, nous voulions tout voir, tout savoir tout prévoir, pour cçà il fallait des renseignements, toujours plus d'informateurs partout, la fatalité c'est le triomphe du langage, « je te l'avais bien dit », « on t'avais prévenu ». News, data, knowledge, nous voulions un monde transparent, une maison de verre, où tout serait expliqué, rien ne serait caché. Les messageries téléphoniques piratées, c'était le moyen d'anticiper sur l'événement...Nous n'étions pas l'opium du peuple, c'est le peuple qui réclamait toujours plus d'excitants, d'alcool frelaté de speed...Ce qui les séduit ce sont les rapports sémantiques entre argent, sexe, beauté, mort...J'ai vraiment espéré que cette fille n'était pas morte et qu'on la retrouverait les premiers...

Clive

Pour nous les informations c'est du sentiment brutal, mais réaliste. Il n'y a plus de monde enchanté, seulement des rapports de force. Pour les enfants c'est la peur de l'humiliation...avoir la honte... ou de la solitude, être rejeté par la communauté...Il faut adhérer aux mêmes valeurs, ne pas être particulier...Quand j'avais huit ans ma soeur aînée se mariait en grande pompe, pour le réception elle se tenait avec son futur ex mari à l'entrée de la salle accueillant les convives des quasis inconnus, avec un grand sourire hypocrite sur un trône extravagant de conte de fée, c'était ma princesse absolue, ma dominatrice suprême, je me serais jeté au feu pour elle, je n'aurais pas parlé sous la torture, on n'aurait pu me taper, me faire toutes les misères du monde, j'aurai su me taire, avec ses dentelles de Calais, sa tulle blanche, sa soie d'ange subtil, à un moment où elle était seule, je me suis glissé près d'elle  dans un moment d'audace folle et j'ai dit «  et moi est-ce que je n'ai pas droit  à un petit bisous? », elle est devenue toute rouge et m'a fusillé du regard  « tu es fou ou quoi ? Tu veux que j'appelle Papa ? », elle m' adonnée une claque, je suis mort à ce moment là !

Abigail
C'est après que tu t'es caché sous l'escalier avec le gros chat ?

Clive
Oui     Je viendrais te voir en prison, ne t'en fais pas, quand tu seras dépouillé de tout, sans fric sans pouvoir, seul dans ta cellule, tu auras peut être une véritable empathie féminine, alors on pourra à nouveau  baiser

 Scène III

Premier policier

Une triste nouvelle monsieur

On a retrouvé votre adresse dans on sac

Clive
Mon adresse ?

Premier policier
Abigail Sugar....

Alors ?
Premier policier
Elle est morte, binge drinking
Une petite demoiselle comme ça avaler une bouteille de gin

Clive
Une bouteille ?
Premier policier
Oui, cul sec sauf v'ote respect, même un cosaque aurait senti un coup de bambou sur la nuque

Et un pincement dans la gorge
elle a laissé un mot au dos d'une photo
avec votre nom c'est pour ça
Clive
Merci, je peux le lire ?
Premier policier
oui voilà
Il lit à haute voix :
« Chien galeux capitaliste, j'ai levé mes yeux vers la lune, je n'ai vu vu que le vide, qu'est-ce que c'est que votre pitié ?  De quel droit as-tu pitié de moi ?   J'ai appris qu'une vieille video X de moi traîne sur Internet. Je l'avais fait quand on m'avait supprimé ma bourse et que je n'avais plus une chance d'aller à l'université. Deux jeunes viennent d'être condamné à quatre ans de prison  pour avoir crée une page sur Facebook intitulée « organisons des émeutes » qu'ils ont retiré ensuite en s'excusant. Un gars de 23 ans a été condamné à six mois de prison pour avoir volé un pack d'eau de 4 euros...Le monde de la marchandise est strictement hiérarchisé et je n'y ai aucune place qui me convienne ici. Il ne restera de moi que le contenu d'un cendrier et tu trouveras une autre fille moins emmerdante... J'ajoute que j'ai peur de la mort...»
Premier policier
L'enquête est terminée
Clive
Je voudrais marcher avec elle au milieu de la foule, elle m'a fait peur elle m'a fait pitié elle m'a fait l'amour elle m'a tout fait celle là.... Tout est toujours plus compliqué pour une fille...

Deuxième policier(géné)

On va s'en aller maintenant. Vous n'allez pas faire des bêtises ?

Clive

Des bêtises ?  Je n'ai jamais fait que ça...je suis lâche, si c'est ce que vous voulez savoir....  « Le vice a été pour moi un vêtement ; maintenant il est collé à ma peau ». Bonne nuit messieurs....

Il regarde la photographie , tu m'as fais une blessure profonde...

Acte III

Scène I


Le magistrat

alors Maître, êtes-vous content, votre client n 'ira pas en prison ?  Nous avons besoin de place pour les émeutiers de Noting Hill. 1200 personnes arrêtées les deux tiers maintenues en détention..; Pour lui il y aura donc une amende et une peine de prsion avec sursis.

L'avocat
J'aurai préféré que son innocence soit reconnue

Le magistrat

Son innocence ? Cessez de plaisanter.
Sa culpabilité est évidente mais il échappe à la prison.
Quoi d'autre ? Il est également péculateur sur un dark pool depuis 2007 lors du big bang des Bourses européennes.  Votre client comme d'autres de ses pareils a profité de la désorganisation provoquée par la directive Marché des instruments financiers,  pour transformer l'ex corbeille des agents de change en au mieux en Far-West, au pire en fim d'horreur...

L'avocat
C'était une époque ou l'industrie financière était surpuissante les bourses de Londres, Paris, Francfort, Milan, opéraient dans un cadre monopolistique

Le Magistrat

Cette expression d 'industrie financière mais passons...Depuis le système s'est emballé les les plateformes électroniques se sont multipliées toutes proposent un système de dark pool un système algorithmique permettant aux investrisseurs d'échanger secrètement de gros blocs de titres, pour s'alléger comme ils disent, les titres peuvent chuter sans raison, sans données publiques. Ainsi on ne peut plus traquer les délits d'initiés ou les fraudes, on ne connaît plus l'identité des intervenants de leur intention de l' impact  de leurs transactions...

L'avocat
Ce n'est pas mon client qui a inventé ce système...

Le Magistrat
Non bien sûr pas plus que les écoutes des messageries téléphoniques. Mais je lui fait confiance pour refaire une fortune...Nous allons condamner, pour défendre la société, des gamins qui ont volés des écrans plats, des portables  et autres fariboles dans des boutiques tandis que dans l'opacité la plus totale l'entreprise où travaille leurs parents disparaitra sur coup algorithminique destiné à alléger un opérateur. Pensez-vous que je le ferai d'un coeur léger, avec insouciance. Les émeutiers auront brîlés les derniers centres sociaux les dernières bibliothèques, elles ne seront pas remplacées puisque tous les crédits seront coupés, j'aurai en face de moi des gens qui s'enfonceront de plus en plus qui m'imagineront même plus de faire des études parce que les droits de scolarité seront trop élevé. Alors un conseil Maître, que votre client ne reparaisse jamais devant ma juridiction ou alors je l'enfoncerai au maximum.

L'avocat
Je prends note....Un mot pour notre défense, si je devais plaider je dirai que la high- tech ne meurt jamais des crises, elle lance un défi à la condition humaine,  Apple avec 76 milliards de dollars est plus riche que le gouvernement Américain (73 milliards de trésorerie), les huit poids lourds du système disposent de 280 millions de dollars soit les encours de prêts du Fonds monétaire international,  le pouvoir de l'homme sur son destin, c'est la lutte entre  l'espoir et les montagnes de cash,  c'est là qu'est le nihilisme. Jusqu'où aller trop loin?  le Parti Républicain aux Etats-Unis était capable d' aller très loin pour empêcher la mise en place du système de sécurité sociale mais s'il allait trop loin son retour au pouvoir risquait d'être problématique. Mon client a profité du système sur les marges,  avec des moyens déplorables, il a profité des la disparition des états qui ne luttent plus ni contre les églises, ni contre les puissances d'argent,  ni même contre les dark pools qui manipulent les marchés en secrets …

Le Magistrat
Nous étions encore là pour arrêter quelques unes de ses turpitudes...

L'avocat
C'est un être étrange insaisissable, ne croyez pas qu'il aime le monde où il vit ni qu'il soit un simple débauché, il reste souvent absent. Il veut jouer sa vie pour se sentir vivre.

Le Magistrat

Les gamins qui font des émeutes également... Le monde n'aurait plus de forme si on suivait cette pente...

L'avocat
Il n'y a plus de formes mais des flux, nous sommes entrés dans la grande époque de la dynamique des fluides et des tsunamis.

Le Magistrat

Il reste la loi, je l'applique. Par amour pour les hommes... si on veut...

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