Nos Grands Dossiers de l'Histoire

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Nos Grands Dossiers de l'Histoire


Aujourd'hui : La véritable histoire de Landru.

Par Alain Degaugaux, (de l'Agagadémie Française.)


Passionnante histoire que celle de Landru, escroc-séducteur aux 90 identités. Je ne peux hélas vous la narrer entièrement ici car j'ai un gigot sur le feu et je ne voudrais pas rater la cuisson...

Né un 12 avril 1869, rien ne prédestinait Henri Désiré Landru à devenir un spécialiste de la cuisinière à charbon !

Issu d'une famille modeste qui ne cuisinait qu'avec des réchauds à alcool, élevé chez les Frères, enfant de chœur modèle (chargé d'allumer les cierges), bon fils, bon père, bon mari. Personne n'aurait jamais pensé qu'il deviendrait un jour un des premiers tueur en série célèbre de l'Histoire... (si l'on excepte Attila, Genghis Khan et Napoléon bien sur...).

Rappelons brièvement cette affaire pour les jeunes générations ignares qui passent leur temps sur leurs smartphones au lieu de s'instruire sérieusement : ça se passe pendant la Première Guerre Mondiale, Landru publie des annonces matrimoniales dans les journaux pour séduire des femmes seules (souvent des veuves) et s'emparer de leurs biens. Comme il n'a pas envie d'être dénoncé par elles après les avoir dépouillées, il se sent donc obligé de les tuer pour ensuite les faire disparaître dans une cuisinière à charbon, dernier cri des arts ménagers de l'Epoque (La belle!)...


Henri Landru, surnommé « Le Barbe-bleu de Gambais » n'est pas spécialement beau, courtaud, un grand front dégarni, une barbe noire négligée et des sourcils broussailleux, il n'a rien d'un Don Juan, et pourtant, plus de deux cent quatre vingt femmes le considérèrent comme un partenaire tout à fait désirable dont elles tombèrent d'ailleurs toutes amoureuses. (Comme quoi les femmes sont vraiment bizarres...). Enfin, d'après des témoignages il paraîtrait que le Riri était un sacré étalon, ce qui expliquerait bien des choses...

Ce bon Landru était très organisé, il notait sur un petit carnet tous ses rendez-vous, sélectionnait ses candidates en fonction de leurs revenus, des plus riches au moins fortunées. On a retrouvé une grande partie des lettres de ces dames, toutes classées soigneusement sur de petites étagères...

Voici un exemple de lettre que ce prédateur barbu et libidineux envoyait aux femmes qui répondaient à ses annonces:

Madame

« J'ai reçu votre lettre du... courant et vous remercie des renseignements que vous avez bien voulu me donner...
« J'ai vécu seul jusqu'ici avec ma mère dans la maison où mon père avait fondé une petite industrie que j'ai continuée à son décès. Ma mère, décédée à la fin de 1913, me laissa seul et sans famille. La guerre, survenue quelques mois ensuite, m'obligea à évacuer le Nord et je vins me fixer aux environs de Paris avec tout ce que j'ai pu sauver de l'invasion, comme linge, mobilier et argenterie. J'ai emporté aussi une notable partie de mon  matériel susceptible d'un transport. 
« Néanmoins, j'ai encore une assez bonne situation, une excellente santé et de raisonnables économies. »
« Je voudrais un amour véritable, des sentiments qui puissent assurer un bonheur durable. Je suis assez indépendant pour vous déclarer de suite que, de mon côté, les conditions d'avoir financier ne rentreront en rien dans le choix d'une épouse, mais je désire surtout une femme de cœur, bonne ménagère, femme d'intérieur véritablement digne de ce nom, apportant une affection sincère, une charmante camaraderie en même temps qu'une loyale et jolie tendresse.
« Naturellement je pourrais la gâter un peu, mais combien il me semble que je la chérirais si je sentais son épaule amie s'abandonner franchement, sans calcul ni frivolité, car j'ai vécu avec ma mère au cœur tendre qui a, je le crois, façonné le mien à sa sensibilité, etc. » 


Avouez qu'il a du style... on en chialerait presque...

Et drôlement malin le gars, il fait croire aux femmes qu'il n'est pas intéressé par leur fortune, en ayant une lui-même... Et le coup de la mère, pas mal, un pauvre orphelin, un gentil garçon à sa maman qui lui a inculquée de bonnes valeurs. C'est le genre de truc qui marchait à l'époque, ou les femmes étaient maternantes à souhait... (aujourd'hui c'est plus pareil, si tu leur sort ce genre de fadaise elles t'envoient paître. Le coup du bon fils à sa maman orphelin ça marche plus, c'est même suspect!).

Mais n'allez pas croire que les femmes d'aujourd'hui sont moins naïves que celles de 1915, elles le sont tout autant. La preuve, on en voit plein aux bras de barbus chauves qui se prétendent assureurs, informaticiens ou banquiers !


On a jamais retrouvées les femmes de Landru, (et pour cause elles ont disparues en fumée). Mais ce fait, qui accuse Landru est aussi ce qui aurait pu le sauver de la guillotine. Pas de corps, pas de preuves. Messieurs de la police, trouvez donc les corps ! C'est ce que Landru disait à tout le monde (de façon un peu trop narquoise il est vrai). Bien sur il eut du mal à expliquer aux policiers, (autrement que par une passion effrénée du bricolage), l'achat de plus de 70 scies et autres instruments à découper...

Cet accumulation d'ustensiles coupants éveilla les premiers soupçons de ces finauds d' enquêteurs... Avant même qu'ils ne découvrent la fameuse cuisinière... Avant même qu'ils n'imaginent que l'on puisse découper des corps en petits morceaux pour les cuire tels de vulgaires rôtis sans même les farcir à l'ail... Ça ne s'était jamais fait avant, faut les excuser... Enfin, ça ne s'était jamais fait dans une cuisinière en tout cas.

Et faut dire aussi que les voisins, comme d'habitude, n'y ont vu que du feu. Malgré qu'ils s'étonnaient bien quand même des odeurs épouvantables qui venaient certains jours de la maison de Landru , ils n'ont rien dit !

Les voisins y disent jamais rien, sauf à venir te faire chier parce que ta voiture est mal garée ou que ta haie dépasse trop, mais avec eux on peut assassiner et cramer des gens en toute tranquillité, tout va bien ! Ne me parlez pas des voisins, ces gens là m'énervent... Et le jour de la fête des voisins je reste cloîtré chez moi à me faire des merguez tout seul...


Donc, Landru était obligé de découper ses femmes en morceaux pour qu'elles passent dans la cuisinière. Quelle corvée ça devait être ! (Personnellement j'ai déjà du mal à découper un poulet alors une bonne femme entière, non je ne me me vois pas...). Et dire que les gens pensent que c'est facile le boulot de sérial killer... Faut pas croire, c'est comme tout, faut aller au charbon  et retrousser ses manches pour arriver à des résultats...


Jusqu'au bout Landru nia ses crimes.


Au juge qui lui demande d'avouer enfin, Landru s'enflamme soudain et dit: « Moi ? J'ai fait disparaître quelqu'un ? Eh bien, ça alors ! Si vous croyez ce que racontent les journaux ! » .

Peu avant son exécution, alors qu'on lui propose un verre de rhum et une dernière cigarette, Landru décline l'offre et répond : « Ce n'est pas bon pour la santé ! ».

Et n'a t-il pas raison ce bon monsieur Landru qu'on accuse des pires abominations ? Alors que, si on y réfléchit bien, c'est l'Etat oui, l'Etat qui est bien le premier criminel dans cette affaire, cet Etat qui tire de juteux profits sur les alcools et tabacs qui tuent lentement chaque année des milliers de personnes !

Etat hypocrite (jusqu'à proposer une « dernière cigarette » aux condamnés) et qui va ensuite reprocher à Landru l'assassinat (rapide) de (seulement) onze femmes ? (Sur les plus de 280 avec qui il a été en relation).


Cette affaire est assez fumeuse avouons-le !


Landru, après des échecs (cuisants) dans les affaires devient un escroc, et même un escroc de bas étage. Avant de se spécialiser dans le trucidage et le flambage de veuves pas joyeuses il a commis tout un tas de filoutages aussi divers que honteux. Mais s'il escroque-(madame), c'est pour nourrir sa propre famille, n'est-ce pas une louable et noble intention ? Landru a un bon fond malgré tout...


Cet homme, horrible criminel est aussi un homme vertueux. Va t-il dépenser le fruit de ses escroqueries avec des femmes légères ? Que nenni, après avoir dépouillées ses victimes il rapporte soigneusement son butin à madame Landru, dont il a quatre enfants. Et Dieu sait que ça mange quatre gamins Landru, faut les nourrir ! C'est donc un bon père de famine... A cette famille il fait croire qu'il est un brocanteur toujours en vadrouille pour ses affaires, ce qui lui permet de justifier ses longues et nombreuses absences...


Alors certes, tout semble l'accuser. Le fait par exemple que les policiers ont découvert que lorsqu'il emmène une femme dans sa maison de Gambais (dans les Yvelines), il prend toujours un billet aller et retour pour lui et un billet aller simple pour la femme...

Mais quand on chérit autant que lui la femme au foyer, est-il concevable de lui offrir un billet retour alors que l'on attend d'elle qu'elle reste à la maison autour de l'âtre, vaquant de çi-de là aux multiples taches qu'exige la tenue  d'une maison ? (A propos de taches, on n'en retrouva aucune de suspecte...)


Non ! A cette femme au foyer, l'on n'offre pas de billet retour monsieur le juge !

(Oups pardon, un instant je me suis cru au tribunal) –

N'allez pas croire que je défend la cause de Landru, non, je met juste en lumière certains aspects de cette affaire qui n'ont jamais été abordés, c'est tout.


Enfin, ne peut-on trouver quand même quelques circonstances atténuantes à Landru ?

Après tout, il n'a assassiné que des femmes seules, de petites rentières, des veuves (de guerre de surcroît), des vieilles filles, autant dire des boulets pour la société. Toutes femmes qui cherchaient à combler le vide de leur vie par la recherche du grand amour, ou à défaut de celui du frisson charnel, et Landru leur aura donné ce qu'elles attendaient, cette petite étincelle qui les aura fait rêver un peu avant de mettre un terme à leurs vies déjà assez éteintes... Certes, pour la plupart de ces vieilles filles ce n'était qu'un bref retour de flammes, mais passé un certain âge, tout petit bonheur est bon à prendre...


Et peut-on reprocher à un séducteur que des femmes brûlent d'amour pour lui ? L'amour est un feu qui dévore parfois.

Elles étaient toutes raides dingues de lui et se seraient mise en quatre (et même en huit) pour le satisfaire.

Disons-le tout de go et sans ambages, toutes ces femmes avaient quand même le feu au cul. Mais je n'irais pas jusqu'à dire que c'étaient des allumeuses, non, c'était bien Landru qui les allumaient...

Et toutes celles qui l'on crut il les a cuites !


Pendant son procès il reçut des milliers de lettres (très enflammées) d'admiratrices, et plus de 800 demandes en mariage !


A croire que les femmes adorent les psychopathes ?


Landru, toujours débordant d'esprit qui à la fin de son procès déclare  : «  Si les femmes que j'ai connues ont quelque chose à me reprocher, elles n'ont qu'à déposer plainte ! ».

Et au curé venu le voir avant l'exécution  et qui lui demande : « Croyez-vous en Dieu ? » Il répond : « Mon père, vous croyez que j'ai le temps de jouer aux devinettes  en ce moment! ».

Sacré Riri ! Il aura bien amusé le Tout Paris de l'époque qui venait comme au spectacle à son procès. On y aura vu Mistinguet, Raimu, Colette, que du beau monde!


PS : pour l'anecdote, la maison de Landru bien des années plus tard devint un restaurant, que son nouveau propriétaire appela : « Le grillon du foyer » . (L'histoire ne dit pas si on y cuisait les gigots d'agneau dans la cuisinière de Landru...)



En 1963, Claude Chabrol fit un film sur l'affaire Landru. A la sortie du film, une vieille dame nommée Fernande Segret porta plainte contre la production. Cette femme était en fait une ancienne maîtresse parisienne chez qui Landru avait fui en 1918 et qui, vexée par son portrait peu flatteur dans le film, demanda 200 000 francs de dommages et intérêts. Elle reçut 10 000 francs en 1965. Trois ans plus tard, cette femme de soixante-quatorze ans se suicida d'une manière très théâtrale en se jetant dans les douves du Château de Flers. Elle laissa une note déclarant : « Je l'aime encore, mais je souffre trop, je vais me donner la mort ».


Moralité  de l'histoire: femmes ardentes, méfiez-vous, il en cuit toujours de croire aux hommes à poêle! (et à poils aussi!).


Et moi, en guise de mot de la faim, je ne dirais qu'une chose : « A table, le gigot est prêt ! » .

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