obsession-elle

lya

Par un soir de septembre, tu marches seul...
Au coin de la rue une silhouette retient ton regard : grande, élancée, une femme traverse la chaussée d'un pas preste, le menton levé d'un geste hautain, et cette sombre ruelle devient tout à coup la scène d'un prestigieux théâtre, dont l'actrice principale serait cette femme brune. La star, l'étoile, celle qui attire tout les regards...
Pourtant ce soir il n'y a que le tien, lourd de désir, qui la dévisage ouvertement :
pourquoi prendre des précautions de discrétion ? Ce genre de personne doit être bien habituée à ce qu'on l'observe ainsi, et tu es certain au fond qu'elle aime ça.
Tu sens son plaisir, sa fierté. Puis tu te plais à voir naître cette petite gêne dans ses mouvements, qui se font plus rapides, plus tendus, au fur et à mesure que tu la suis, presque menaçant, le long des murs dont l'ombre couvre ton visage...
Sa beauté t'hypnotise et même si tu résistais (ce qui n'est pas le cas) tu ne parviendrais sans doute pas à détacher tes yeux de son corps aux formes parfaites...Tu marches désormais à un mètre à peine derrière elle. Tu caresses du regard ses longs cheveux dont les boucles brunes tombent prestement sur ses épaules et ondulent comme des dizaines de petits serpents tentateurs le long de son dos, jusqu'à sa taille de guêpe. Elégante et cambrée, tu dévores des yeux ses hanches, ses fesses, ses jambes de déesse que laisse deviner le voile léger de sa robe ondoyante au rythme de ses pas...Tu sens l'envie, le désir monter en toi tel un poison... La chaleur t'étouffe, tu te sens troublé, ton cœur s'affole et bat au rythme soutenu de vos pas...
Il fait nuit noire désormais, et la rue dans laquelle vous vous trouvez est des plus sombres. Juste derrière elle, tu sens son parfum, doucereux, enivrant... Cette odeur te monte à la tête et tu te sens vaciller...Reprends toi, reprends toi ! Ça n'est pas le moment de flancher ! Une intersection...La demoiselle s'arrête au feu, le temps de laisser passer une voiture, une autre... Posté à quelques centimètres à peine, tu penches légèrement ton visage au dessus de son cou afin de pouvoir t'imprégner de son odeur si envoûtante...D'abord elle ne bronche pas, semble ignorer ta présence.
Puis soudainement elle sursaute et se retourne.
Tu restes sans voix devant un tel visage. Ses lèvres vermeilles contrastant avec la pâleur aristocratique de son teint, ses boucles légères encadrant son visage aux traits fins, et ses yeux...sombres, grands, profonds, brillants dans l'obscurité tels deux phares, semblants scintiller comme les flammes vacillantes de petites bougies...Son visage angélique exprime la terreur, mais tu remarques fort bien qu'elle tente de camoufler son angoisse par un sang froid apparent. Téméraire, elle soutient ton regard avec défi, mais par la même semble t'implorer. Le temps s'est figé, ta respiration est saccadée, la sienne affaiblie, et tandis que tu t'aventures à poser tes mains puissantes sur ses hanches, tu admires ses lèvres, entrouvertes dans un gémissement qui te plonge dans une sorte de transe...
Tu ne parviens guère à contrôler tes gestes tant l'emprise du désir est puissante, d'ailleurs tu résistes peu, tu sais au fond de toi que tu iras jusqu'au bout, rien ne sert de lutter...
Dans un mouvement vif de biche effarouchée, ses jambes, après un tremblement convulsif, ne la portent plus, elle vacille, reste un instant en suspens, puis perd l'équilibre. Déjà tes bras se sont emparés de son corps, presque instinctivement, ils se sont glissés derrière son dos et tu la serre contre toi. Tu sens sa faiblesse et sa soumission, et tout ton être n'est que jouissance.
Elle tente un instant de se débattre, mais elle est aussi fragile qu'une porcelaine de chine. Toi-même tu n'oses pas trop serrer ton emprise de peur de briser tant de beauté. Elle laisse échapper un dernier cri, plaintif, désespéré...Mais la rue est déserte, personne n'a pu l'entendre. D'ailleurs tu t'empresses de couvrir sa bouche délicate de tes mains robustes. Son impuissance te comble de plaisir.
Tu n'y tiens plus, t'empares de son corps, aussi léger qu'un vulgaire sac de plumes, le hisse sur ton épaule, et t'enfuis dans l'obscurité chargé de celle qui déjà n'est plus qu'un souvenir...

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