On finit toujours par avoir ce qu’on mérite...
wic
La fin des années 70 avait vu se succéder plusieurs hivers particulièrement rigoureux et surtout très humides. De courtes périodes pluvieuses suivies de gels impressionnants, des conditions météo qui avaient fini par avoir raison des ancestraux vitraux de l'église.
Dépité mais patient, le curé de l'époque avait lentement rempli un bas de laine au gré des quêtes dominicales et au bout d'une grosse dizaine d'années, l'évêché ayant daigné débloquer les fonds complémentaires, avait été trouvé un artisan dans la vallée qui acceptait de monter au village pour réaliser les travaux.
Tout un été, le type avait donc travaillé à l'abri des regards, derrière de grands panneaux en contreplaqués. De longues semaines durant lesquelles les ouailles et bigotes en tout genre n'aperçurent rien des travaux tout en entendant très distinctement des opéras sifflés entre de nombreuses fausses notes...
Mais peu de temps avant l'inauguration, le cureton, enfin autorisé à contempler le résultat, s'aperçu de bizarreries, d'incohérences et autres anachronismes dans les scènes transparentes et multicolores. Là une antenne de télévision, ici un apôtre tenant un téléphone et puis un chien à cinq pattes, un avion au beau milieu des oiseaux ou un ange avec un tatouage sur l'épaule... Et en cherchant bien, on pouvait même trouver un logo MacDo sur la toge d'un personnage et un sigle qui rappelait indubitablement la virgule Nike...
Les hommes d'Église sont généralement courtois et bien élevés mais ils n'en demeurent pas moins des hommes. Et lorsque notre ratichon vint se présenter devant l'artisan pour lui demander des comptes, celui-ci l'envoya clairement promener. L'échange failli même tourner au pugilat tant aucun des deux interlocuteurs n'était capable de voir plus loin que le bout de son nez. Le curé n'entendait qu'une chose, son église dénaturée. Quant au vitrailliste qui avait dépensé la totalité de l'avance reçue pour les travaux, il considérait son travail comme terminé et n'attendait désormais plus qu'une chose, toucher le solde pour aller se reposer.
Mais pire encore pour le curé, l'artisan refusait catégoriquement de remettre les pieds dans l'église de ce village qu'il qualifiait de trou paumé à une heure de bagnole du premier commerce digne de ce nom!Pour ce qui était de reconnaître l'évidence des faits, la cause était entendue...
Un curé furibond, un chantier qui tourne à l'eau de boudin, des factures impayées, bref, un véritable micmac que plus personne n'arrivait à prendre par le bon bout.
Et puis quelques semaines plus tard, on apprend que l'artisan est entré à l'hôpital à la suite de migraines pas possibles et de pertes de connaissance à répétition. Diagnostic? Une tumeur au cerveau de la taille d'une balle de tennis doublé d'une espérance de vie réduite à quelques mois seulement. Autant préciser que l'on n'a donc jamais revu le pauvre homme, et certains dans la population prétendirent même que sa route s'était arrêtée peu avant Noël au crématorium de La Balme.
Au pied du Beaufortin, sur le promontoire qui domine la partie rectiligne de la vallée, même la nouvelle du vitrailliste trépassé, le curé continuait pourtant à en faire de tonnes sur le sujet. Il persistait à ne voir en ces bizarreries picturales que des actes volontairement anticatholiques quand tous les autres s'accordaient à ne retenir que des effets indirects de la maladie du pauvre artisan. S'en suivirent ainsi de longues semaines faites de basses œuvres et de mauvais jeux de mots du côté de l'ecclésiastique. Des dénigrements faciles voir méchants de la part du même homme que celui qui, enfiché dans sa soutane dès le saut du lit, prêchait pourtant tolérance, honnêteté et compréhension tous les dimanches matin.
Un comportement répétitif et suffisant pour la populace. Tellement suffisant que même du côté des plus bégards dans le bourg, ça commençait à jaser sec, remettant même en cause l'intégrité catholique du prêtre...
Les oreilles épiscopales étant un peu comme les voix du Seigneur, impénétrables, ces interrogations finirent par arriver jusqu'à l'Évêque qui décida de se déplacer en personne afin de constater les dégâts, et juger de ce qu'il en était vraiment. Et en moins de temps qu'il faut pour l'écrire, le mitré à la robe violette avait tranché: les courants d'air avaient disparu dans la petite église et sur les vitraux, les défauts étaient ni très visibles, ni si terribles que ça.
—Mais regardez l'ensemble sans vous attacher aux détails, soyez intelligent, que Diable! avait-il même lancé au curé.
Devant des paroissiens médusés par ces propos, et plus amusés encore par cette édifiante remontée de bretelles en public, l'évêque décréta ainsi la fin des travaux. Il se félicita de leur coût finalement limité pour les finances de l'Église et surtout, avisa le prêtre qu'il envisageait de l'installer dans une autre paroisse, de préférence située plus profondément dans la vallée, s'il persistait à continuer dans son attitude.
Le curé demeura furax mais en agneau obéissant, fit retirer dans l'heure les panneaux de contreplaqués.Et quelques jours plus tard, la vie paroissiale reprenait enfin ses droits.
Enfin presque, car si les vitraux sont ainsi entrés dans la tradition orale, le petit curé a suivi sans problème, à moins d'une demi-longueur derrière et auréolé de lauriers dont il se serait bien passé !
Il suivait et pas forcément vêtu de ses meilleurs habits...
Preuve en est qu'un quart de siècle plus tard, je dépose devant vos yeux cette histoire, une histoire narrée par mon grand-père qui souhaitai tsimplement illustrer par l'exemple que la bêtise humaine est souvent suffisamment importante qu'elle demeure dans les mémoires bien plus aisément que le bon sens, la sagesse ou l'intelligence.
Et entre nous, même si Pépé n'est plus là, je suis toujours bien d'accord avec son approche philosophique de nos actes quotidiens : quoi que l'on fasse dans la vie, on finit toujours par avoir ce qu'on mérite !
Sacré pépé!
· Il y a presque 10 ans ·Cé Bé
On apprend tjs des anciens...
· Il y a presque 10 ans ·Et merci pour ton passage par ici.
wic
Rien de plus précieux qu'un Pépé! Merci!
· Il y a presque 11 ans ·Cécile Pellault
Ben si i ! Deux pépés ;-)
· Il y a presque 11 ans ·Et c'est moi qui te remercie pour ta halte par ici.
wic
J'ai beaucoup aimé ce conte, Ton pépé pourrait s'appeler George comme Duhamel, cette histoire m'a fait penser aux fables de cet écrivain que beaucoup ne lisent plus et c'est dommage. Je dois t'avouer une chose que beaucoup de personnes me reprochent , ne comprenant pas mon "avis". Je ne sais pas pourquoi et j'ai certainement tort, mais je déteste la voix de la Callas. J'ai les oreilles hyper sensibles aux sons aigus et forts et si j'osais quand je l'entends, je hurlerais comme une chienne (que je suis peut-être) j'espère que tu ne m'en veux pas...Kiss Vivi
· Il y a presque 11 ans ·vividecateri
A l'instar de tous lesignares incultes qui pullulent dans notre (trop souvent) navrante société moderne, je t'avoue que je ne connais pas les écrits de George Duhamel. Mais tout l’intérêt de ce genre de site (wlw) est précisément l'échange et la découverte, alors je te promets d'aller lire autre chose que l'article wikipedia de cet immortel ;-)
· Il y a presque 11 ans ·En ce qui concerne Maria Calas, sans être aficionados (je suis plutôt R'n'R ;-), je trouve qu'il y a tout de même quelque chose d'unique dans sa voix. Mais j'accepte tout à fait ce truc unique puisse être source de désagrément pour autrui. no problem... Alors si tu préfères, je te propose cette version : http://www.youtube.com/watch?v=bPvAQxZsgpQ l;-)
wic
Pavarotti! Je préfère!!! Merci. Et Pour G.Duhamel, c'est un peu démodé, mais cela n'est pas mal...
· Il y a presque 11 ans ·vividecateri
M'enfin !!! j'étais où moi pour louper tes dernières parutions?
· Il y a presque 11 ans ·Pas à l'église pourtant !!
Très chouette histoire narré par pépé à un petit Wic qui a retenu la leçon et en fait profiter ses zamis !
Merci Wic
lyselotte
ouais, disons qu'on l'appelle "Pépé Wic" le vioque en question...
· Il y a presque 11 ans ·(en fait, ce texte est un morceau de S. voué à disparaître du roman en question, alors je lui ai donné une chance de survivre quelque peu à cette mort annoncée ;-)
wic
Il ne faudrait jamais supprimer ses pépites...il faut les mettre dans un petit sac, au chaud ou en faire profiter ceux qui les apprécient. Nous...
· Il y a presque 11 ans ·lyselotte
;-)
· Il y a presque 11 ans ·wic
Je ne sais pas si on finit toujours par avoir ce qu'on mérite mais ce que je sais, c'est que souvent, on mérite ce qu'on a !!!
· Il y a presque 11 ans ·Très joli petit conte d'un curé que l'histoire se charge de juger.
wen
Salut O'wen the Sun !
· Il y a presque 11 ans ·Merci d'avoir pris le temps de faire ce détour par ici (je constate que tu lis bcp plus quand il pleut chez toi quand le reste du temps ;-)
Et surtout merci pour le commentaire et la note.
A bientôt...
wic
et big merci pour ton détour par ici ;-)
· Il y a presque 11 ans ·wic
La preuve : 5/5, cdc, et tout et tout. Je penche pour les premières manifestations de la maladie concernant l'artisan et la connerie pure du côté de l'obscurantiste.
· Il y a presque 11 ans ·koss-ultane
MERCI pour le détour, le commentaire (très juste dans sa 2eme partie), la note et la pub...
· Il y a presque 11 ans ·Bah, c'est surement beaucoup trop pour ce petit texte mais bien réfléchi, je prends tout t t'en remercie une fois de plus !
A bientôt.
wic