Originale?

Je lisais le texte de l'un de nous sur la normativité de la société, texte intéressant qui m'inspire.

Quinqua au parcours tortueux, Verseau résolument anticonformiste, j'ai longtemps ferraillé avec autrui pour élever mes enfants à ma façon: libre. Mais avec le recul j'avoue que ce fut parfois rude non seulement pour moi mais aussi pour les enfants.

Une prof à ma fille: "tu n'as pas de chance ma pauvre avec la mère que tu as !"

Une autre à mon fils de 10 ans: "j'ai interdit à ta mère d'écrire dans le cahier de correspondance. Est-ce que ça ne te gêne pas qu'elle écrive autant dans ce cahier?" J'avais contesté une punition et demandé un RV avec le prof concerné.

Des collégiennes à ma fille: "on n'invite pas (à la fête) les gens qui habitent à la campagne"

Une prof P à moi: "mais ne me dites pas que chez vous il y a des fantômes en plus!" J'ai répondu oui bien sûr, plein de fantômes qui mangent les feuilles à rendre pour le lendemain sans faute pour savoir qui amènera une quiche dégueu ou un cake aux petits pois à la fête de fin d'année sinon...sinon quoi d'ailleurs ?

Une autre: "Mais est-ce vous qui obligez votre fils à venir à l'école en costume 3 pièces?" Non, c'est l'époque où mon garçonnet de 6 ans voulait s'habiller comme son père et devenir Président de la République. J'ai toujours laisser les enfants libres de leurs tenues vestimentaires.

Combien de fois ai-je dû changer les enfants d'école y compris en cours d'année à la surprise consternée d'une équipe pédagogique ? 9 fois pour l'un, 8 pour un autre. Et alors? On me disait "vous vous rendez compte? On est presque à la fin de l'année, il va perdre ses copains!" Ce à quoi je répondais: "oui mais il va arrêter de pleurer chaque jour, de se ronger les ongles jusqu'au sang, de vomir en sortant du cours de maths, de faire des cauchemars, d'écrire des lignes de punitions collectives interdites au passage jusqu'à point d'heure alors qu'il devrait dormir, et il va se faire de nouveaux camarades et travailler son adaptabilité au monde!"

Je revois les regards méprisants de tout un tas de parents d'élèves quand je venais chercher mes enfants à la sortie de l'école avec mon vieux break Merco. kaki délavé de broc./manouche, galerie sur le toit et armoires empilées sanglées dessus, moi pleine de poussière de l'atelier, échevelée, tablier pas toujours enlevé, mains pleines de colle ou de gomme laque. Je les revois les petites dames bien lisses dans leurs petits uniformes de dames des villes, bien proprettes, escarpins vernis, jupes droites, foulards soigneusement noués sur le rang de perles, tenant leurs enfants d'une main ferme...pour les éloigner de nous!  Nous on montait dans le break qui prenait l'eau, bouchons de sol ôtés pour un meilleur écoulement, les enfants ceinturés au milieu des caisses de vaisselle et de planches, on apprenait le russe pendant une demi-heure en chantant, on imaginait le menu du soir, les enfants me racontaient leur journée et toutes ces petites anecdotes qui rendent le quotidien palpitant. En arrivant on nourrissait la basse-cour, les chiens, les chats et les ânes, puis les enfants faisaient leurs devoirs sur la grande table de la cuisine pendant que je préparais le repas, puis ils prenaient leur bain en mettant de l'eau de partout, puis on faisait de la musique avant de dîner en rigolant et après je leur inventais des histoires, Jasmine et Aladin au pays de...un pays imaginaire et merveilleux plein de senteurs délicates et de tapis volants dans un ciel azuré, le tout dans un vieux lit à baldaquin en rotin chiné chez Emaüs. Le lendemain ils partaient à l'école, parfois avec des chaussettes de couleurs différentes, et alors? Mais là aussi qu'est-ce que j'ai pu entendre de "gnagnagna mais quand même...sssss"!

Pendant les vacances on retapait la maison: pose de tomettes à l'ancienne, peintures maisons à l'œuf, rideaux de perles, jardinage, construction de cabanes pour les bêtes, réfection de clôtures, pose d'enduits...de temps en temps on partait dans ma vieille goélette Renault de 1951 faire le tour des puces ou vide-greniers alentours, les gamins sanglés sur de vieux sièges de cinéma tapissés de velours rouge vissés au sol de l'ancien corbillard. 7 places aux Mines, le luxe!

Bref, une éducation étrange, bohème et carrément fantaisiste aux dires de beaucoup qui nous valut nombre de réflexions négatives, jugements définitifs et oracles funestes.

Conclusion, mon aînée est avocate en droit des sociétés à Paname, mon second est chef de projet audio-visuel en CDI, le 3° termine ses études de santé en plus d'un master, le dernier finit sa licence de droit et est admis dans plusieurs masters de droit et sciences politiques. Aucun ne se drogue, aucun n'a de dettes ni de casier judiciaire, ils ont plein de copains et vivent en autonomie depuis leur bac, ont l'habitude de travailler quitte à mettre les mains dans le cambouis ou dans la m...., savent négocier, peuvent se lever à 5 heures du matin s'il le faut, dépanner une voiture et déboucher un lavabo, poser des étagères ou réparer une serrure, prendre des initiatives sans peur de se faire rabrouer par u(e) supérieur(e), conduire voitures et utilitaires, travailler jusqu'à minuit en cas de besoin, passer des oraux sans paniquer, tout en étant aimables et respectueux du droit, de la loi, des autres et de leur hiérarchie.

Mon éducation originale, atypique, extravagante était-elle aussi désastreuse qu'on me l'annonçait?

Pfff...j'ai oublié de dire...que je les ai allaités très longtemps, là aussi sous le regard horrifié de plein de gens super bien comme il faut, y compris à l'atelier, porte bébé péruvien rayé en bandoulière.