Orphée

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C’est de ta mère que tu pris les mots et le désir, de ta mère, les chants de ta lyre. De 7 cordes lisses, tu fis 9 et les muses encore le savent. 

Je t’ai croisé cent fois sur la rive des fleuves, étendu sur le sable, et chaque grain rappelle les notes de l’aède.

Tu ouvres les passages et déplie tous les seuils, de toi naît l’embrasure et le choix, celui de voir ou de frôler les cercles du dedans, jusqu’au fond des abîmes.

«À son chant, du tréfonds, de l'Érèbe, les fantômes des morts, les ombres transparentes montent aussi serrés qu'oiseaux parmi les feuilles»

Comment serait l’aurore si tu n’avais pas dit, commencé ta prière ?

Mais le reptile est sombre, et s’insinue, il mord et file.

Un silence si froid que la pierre en frissonne. C’est là, en haut des marches que le gel pénètre, glace les heures et s’installe.
Ils sont encore dans le brouillard des centres, et l’œil du dehors les cherche obstinément.

Si ce n’était le chuintement de sa robe, le cœur de celui qui la précède, rien ne pourrait marquer leur présence.
Ils sont venus d’en bas, de très loin, et sur ses mains à lui, les stigmates des cordes chantent encore son amour.
Et sur son front à elle, une perle de sueur la ramène aux enfers et au venin qui sonde.

Il sent sur son cou le souffle qu’elle délaisse. Il devrait lui parler, pour l’instant il se tait.
Elle regarde sa nuque, voudrait toucher du doigt sa peau. Elle ne sait pas si elle peut, si elle doit.
Et son corps sait l’envie de lui, son poète, enchanteur de sirène.

Il devrait lui parler mais ses mots pourraient bien l’entraîner en arrière, le faire glisser sur les courants. Alors il ferme les yeux et monte une à des les marches doucement.
Devant la brume qu’il cache, il dessine ses joues, sa bouche et ses cheveux.

Des marches une à une et la chaleur en bas,

Quitter le feu qui sonde éloigne et désaltère

Laisser les calfeutrages de soie et d’organsin

 

Ne pas se retourner et ne pas essayer

Précéder les froissements de sa marche

Accrocher à sa robe

des rêves

Et le serpent

 

J’ignore les appels

Ceux qui viennent d’en bas

Et je refais le mythe, je grimpe jusqu’en haut

Et j’impose à ma robe

Des rêves

 

Dans le creux de son dos, sur sa peau

Mes mains le tiennent et l’étirent

Dans le creux de son dos

Je dessine au fer rouge

Des rêves.

 

Orphée, je te ramène

Tu ne seras pas là

Où les autres t'espèrent.


Serait-il ce qu’il est s’il restait sur les rails, s’il suivait la lenteur du chemin qui remonte ? Serait-il encore là, dans le creux de mon âme, serti, définitif.

Il se retournera que je le veuille ou non, il la verra partir, s’enfoncer dans la brume, plume éphémère, dixième muse.

De ta tête tranchée, déposée sur une île, s'effrange encore le sens et les voltiges amères des fils illimités. Tu n’es pas mort, tu vibres en moi, corde de sons dérisoires, et en chacun de ceux qui racontent en silence des histoires impossibles.

Tu es le poète, et nous sommes ta trace, ton sillage et ton ombre, et de loin, de très vieux, j’entends au fond de moi, ton chant.

Il n’y en a eu qu’un, il est là, quelque part entre moi et l’infime, entre moi et plus tard.

Un lien

Et j’effleure ta lyre

Je la pèse en secret

Elle me porte et m’aspire

Fille et mère de ton lit

Je continue la digue

Entre toi

Et plus tard lorsque de ma tête

Les démons auront pris

Les fleuves déchaînés

Je passerai la clef

A mes autres pareils. 

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