Où aller dîner?

Un de mes gones fêtant ses 25 ans, je pensais qu'on pourrait lui faire la surprise d'un petit resto pour l'occasion.

Je commence à surfer sur la toile, lire quelques recommandations et menus avant de conclure que j'allais préparer le repas, sous réserve que les manifestations actuelles des gilets fluo me laissent le loisir de quelques approvisionnements raffinés. Et sains. De saison. De nos producteurs nationaux pour les crustacés. A Lyon il n'y a pas la mer, enfin pas encore.

Plus le temps passe et moins les plats proposés dans les restos m'attirent. Aucune envie de manger du saumon, même pas du Label Rouge, du dos de cabillaud rôti ou du thon de l'océan indien nourri aux résidus de plastique. Je suis intolérante au lactose donc à bas les sauces, émulsions dans des siphons, crèmes brûlés, flancs, gratins dauphinois, déteste le sucre et ne commande jamais de dessert, supporte mal le gluten donc stop aux feuilletés, trucs en croûte et pâtes diverses, regarde les tartares avec des hauts le cœur, refuse d'ingurgiter des poissons et des champignons farcis de métaux lourds, idem pour les crevettes aux sulfites et les zestes d'agrumes plein de pesticides. Malheureusement, je hais le tofu, le quinoa, les lentilles et les graines de tournesol, inadaptées à mon groupe sanguin de nomade, ce qui me fait fuir les restos véganes ou végétariens.  Par goût je n'aime pas les pigeons et le gibier, ne suis pas fan du tout des abats. Si je mange des légumes, ce sont uniquement des produits de saison Bio de petits producteurs locaux au goût et à la texture incomparables. Donc je n'ai pas envie de payer pour en avaler des fades ou amers, des filandreux pâlichons en quantité souvent minimaliste. Depuis que j'ai pris l'habitude de l'agneau exceptionnel de l'agriculteur Bio du coin, chaque fois que j'en avale ailleurs, je râle contre les arrières-goûts de savon gras qu'il dégage. Et ce que je déteste par-dessus tout ce sont les substances molles, toutes les préparations contenant des feuilles de gélatine et même de l'agar-agar. Quand je mange, j'aime bien me servir de mes dents.

Mes origines mixtes italiennes et provençales me font essentiellement cuisiner des plats à l'huile d'olive à base de légumes et d'herbes fraîches du jardin l'été. L'hiver je fais des saltimboccas, du chou farci, de la poule et du bourguignon, du couscous d'épeautre avec de la butternot, je mitonne le chou de la choucroute, mijote des fondues de poireaux, du boudin aux poires du verger, prépare du haddock fumé sans colorants, des artichauts violets au citron confit, du poulet aux quarante gousses d'ail, du bortsch et des blinis, des filets de rascasse et leur sauce vierge, un curry de cabillaud au gingembre frais que je fais pousser, un féroce de morue, un grand aïoli, un brochet aux fenouils braisés, un féra du Léman quand j'en trouve, un carré d'agneau au thym et navets fondants...J'essaye de varier selon les arrivages. Les jours de fête je fais griller un homard breton que je sers avec des salicornes ou une salade d'épinards et roquette à grandes feuilles, en plus de quelques pommes de terre fermes rissolées avec leur peau dans un peu d'huile d'olive, à la fleur de sel de Salies de Béarn.

Alors bon, j'ai beau regarder les cartes des restos même de certains onéreux, je suis découragée d'avance, sais que si je commence à demander la provenance des ingrédients au serveur, je vais passer pour une enquiquineuse. La dernière fois que j'ai dit dans un 2* mon intolérance au lactose, le chef m'a regardée de travers en me disant qu'il n'avait rien à me proposer, que j'aurais dû prévenir 48h plus tôt.

Mon pauvre chéri, j'ai peur que tu ne doives te contenter de la cuisine de ta mère pour ton anniversaire !