Parenthèses des années sandwich

merielle

Synopsis

Elle a la trentaine, des amis, un appartement, mais pas d’homme.

Un homme c’est l’amour, le sexe, le mariage, l’enfant, l’équilibre, voire le bonheur. Mais le couple qu’elle voit comme l’Eden, l’ultime objectif, n’est-il pas une réponse à sa peur de manquer d’amour ? Parce qu’elle le reconnaît il serait pathétique que le bonheur soit conditionné  par la présence d’un homme. Pourtant elle cherche. Elle cherche partout, s’échoue sur des rives improbables, s’humilie, se convainc, s’emballe, se désespère. Entre le web, les salles de sports, les soirées branchées, les concerts, les expositions, les amis d’amis… elle tombe sur des profils qui bouleversent sa vie, interrogent ses besoins. De l’homme dépressif à l’homme qui ronfle en se grattant les testicules, en passant par celui qui a un cancer du nez pour abus de coke, celui dont on ne voit plus la peau sous les poils, celui qui ne se coupe plus les ongles de pieds…elle comprend ses limites, mais voit surtout ce qu’elle peut donner et recevoir.  Elle cumule les expériences, même les plus inutiles et en tire une force qui forge son esprit. C’est ainsi que plus elle le cherche, plus elle se trouve. Et c’est bien quand elle n’aura plus de craintes, quand le temps n’aura plus d’emprise, que tout pourra commencer.  

Chap1

Ouverture

Ça fait bien une heure qu’il s’applique. Quelle heure est-il ? Elle essaye de déplacer légèrement son corps vers la table de nuit pour voir le réveil. Il est quatre heures du matin. Qu’est-ce qu’elle a prévu demain ? Elle se concentre, il la regarde, il sourit. Il doit croire que ses yeux plissés indiquent un certain contentement parce qu’il accélère. Ah oui, elle a promis à Délia une séance de body sculpt à 10h00. Ce qui fait peu d’heures de sommeil, en supposant que tout cela se termine dans une heure. Pourquoi attendre d’ailleurs ? En plus si elle ne se réveille pas, Délia lui fera la gueule assurément.

C’est tout de même du gâchis. Il avait l’air si mignon, si décidé. D’accord un peu jeune au regard de ses 34 ans. Elle ne s’en était pas rendu compte tout de suite. Dans la pénombre de la fête, l’alcool aidant, ils avaient tous l’air charmant et mûr. Lui, s’était montré prévenant, souriant et même tendre. Tendre... Va savoir pourquoi, cette tendresse l’avait excitée. Le manque certainement. Et merde ! Ce mec ne sait pas ce qu’est un clito, ni où il se trouve ! Si elle le laisse continuer, elle risque l’inflammation ou l’infection urinaire. Elle lui prend la main et hésite à lui dire gentiment que ses petites lèvres demandent grâce. Il sourit, semble vouloir changer de position. Elle se pousse un peu et tente de lever sa tête alourdie par l’alcool. Elle n’aurait pas dû boire autant.

Il s’évertue maintenant à lui écraser un téton qu’il pince fortement, avant de relâcher la pression et d’admirer la pointe douloureuse. Bien sûr elle gémit. L’alcool atténue la douleur, mais elle a mal. Il faut qu’il arrête ! Elle retient sa main et esquisse un sourire. Elle ne veut pas le vexer, il semble faire de son mieux. Mais pour les préliminaires, et encore c’est un grand mot, elle n’en connaissait pas qui puissent provoquer l’assèchement vaginal. La démonstration lui suffit.

Que faire ? Peut être lui dire qu’elle est trop fatiguée. Mais pourquoi tant de précautions avec un type qu’elle ne connaît pas ? Elle se sent fautive. Intuitivement elle savait. Elle savait que ce n’était pas la peine quand il l’a embrassée en lui lâchant toute sa salive au fond de la gorge. Elle aurait pu s’épargner. Mais elle se sentait touchée par sa maladresse. Peut-être qu’il est vierge ?  Franchement, avec tous les hommes présents à cette soirée, elle aurait pu trouver mieux.

Elle voulait un homme. Un homme pour une nuit. Un homme pour s’éclater. Pas un corps frêle qu’elle a peur d’écraser. Non pas qu’elle soit trop ronde, mais il a un corps d’adolescent. Ce mec n’est pas fini. Il l’embrasse encore et elle doit déglutir pour ne pas étouffer. Il lui montre une petite pochette sur laquelle elle lit vaguement : Plaisir intense. Il n’est peut être pas doué de ses doigts, mais il reste un espoir ! D’ailleurs il enfile avec une belle dextérité le filet en latex. Les proportions sont parfaites. L’excitation reprend ses droits.

Elle a à peine le temps de prendre une pause lascive, qu’il s’impose entre ses jambes et laisse échapper de suite un râle qu’elle connait trop bien. Elle attend et d’un souffle sans espoir, expire les dernières vapeurs d’alcool qui maintenait l’illusion. Il s’allonge près d’elle et lui caresse le nombril. Quel âge a-t-il déjà ? 23 ans. Tandis qu’il fait un nœud délicat au plaisir intense, elle se dit qu’il est inutile de le traumatiser. Elle espère même que son manque de participation ne nuira pas à un apprentissage indispensable. Mais pour cette nuit le centre de formation ferme ses portes. Dans un élan de générosité, elle va jusqu’à reposer ses lèvres sur les siennes, puis propose de jeter ce préservatif dont il ne sait que faire. Une occasion de fuir vers la salle de bain. Demain il lui faudra jeter les draps. Impossible de garder une trace de cette soirée minable. Quand elle se recouche, il la couvre de baisers et lui dit qu’elle lui plait. Il veut la revoir. Elle feint un sourire et se demande avec angoisse si elle lui a déjà donné son numéro de téléphone. L’alcool ne lui va vraiment pas. Qu’est-ce qu’elle a bu déjà… Punch, champagne, vin, gin ?

Pourquoi tout est si compliqué ? Elle cherchait juste du sexe. Cette fois elle n’était pas en quête du grand amour. Elle ne cherchait pas son futur mari, père de ses enfants, encré dans une vie formaté, définie, terminée.

La solitude. C’est bien cela. Elle le sait. Elle lutte. Rien n’y fait. L’ennui du cœur est la torture la plus cruelle pour l’esprit. Plusieurs mois déjà qu’elle s’isole, refuse les rencontres. Trop fausses, errantes, insipides. La solution n’est certes pas de se tapir dans un appartement aux reflets de son malaise. La poussière qui fait corps avec l’ensemble des meubles, les dévore. La moquette où s’épandent les restes de soûleries l’ayant rendue inintéressante. La vaisselle qui dévoile les moisissures de l’attente. Les empreintes siennes du tabac qui exhalent l’air rarement renouvelé. Plus elle observe ce cadre qui est le sien, plus le vide en elle s’impose, plombant. Figée dans le temps pour un homme absent, qu’elle n’entrevoit même pas. Un homme à aimer, qui l’aime, l’amour, on s’aime, on vit. Elle heureuse, épanouie. Faut-il un homme pour être épanouie ? C’est bizarrement un temps d’inertie narcissique récurent. Plaire ? En quel sens ? Ne rien attendre, tandis qu’il importe de savoir ce que l’on souhaite, ce dont on a besoin. Ses amitiés et ses réussites professionnelles sont soudainement éthérées face à l’absence de ce lien amoureux. Rien ne suffit à tempérer son regard désespéré sur sa vie; Elle manque d’amour. Car l’émotion amoureuse a, malgré elle, la fraîcheur d’un possible optimisme quotidien. Elle la respire comme un capiteux parfum de légèreté, généreusement déversé au cœur du plaisir, enivrant, telle une drogue aux paliers ascendant vers le paradis. Cette vision soumise aux nombreuses heures de contes insufflées dès l’enfance, ne la quitte pas. Ces chéris qui se retrouvent à la fin, s’encrent, pour s’inscrire dans l’inconscient comme une véritable foi, c’est le sens d’une vie. Elle veut cette vie. Mais que faire ? Elle pense à Sophie. Lors de leur dernière conversation téléphonique, elles avaient échangé sur l’utilité du web et n’étaient pas d’accord. Peut-être qu’elle pourrait lui dire qu’elle a changé d’avis.  

Sophie lui a indiqué l’adresse de ce site Internet de rencontres. Très sérieux, très ludique, très bien construit. Elle y vient, non par désespoir, non elle n’en est pas là, et elle se le répète, mais par curiosité. Et puis, sur Internet c’est un peu comme dans le quotidien, avec toutes les têtes que l’on croise, qui répondent ou non à des sourires. Effectivement, dès les premiers jours une certaine jubilation l’envahit. Des hommes, des milliers, avec des photos à l’appui, des petits textes où ils se présentent, des informations générales thématiques. L’essentiel pour faire connaissance, pour choisir. Pour parfaire l’agencement du site, on peut recevoir des petits mails, discuter en direct, avoir un coup de cœur, vérifier qui visite la page que l’on s’est créée, voir même les propositions de personnes compatibles. Tout cela, toujours en se fiant aux informations basiques transmises. Sur sa page, elle a mis une belle photo de vacances, où elle souri, bronzée détendue. Sa fiche de renseignements indique une allure svelte, quelques kilos de moins que la réalité, ce qui en soi n’est pas un mensonge parce que c’est à peine visible et qu’elle compte bien les perdre.

Dès les premiers soirs, elle parcoure les photos s’arrêtant sur des visages doux, frimeurs, expressifs, sympathiques, pathétiques, désespérants. Au bout d’une semaine, elle a de nombreux messages et sa fiche est visitée par de nombreux hommes. Elle se réjouit de voir qu’un beau blond, l’air mannequin, a eu un coup de cœur. C’est si flatteur. Mais il y a aussi des laiderons, des esseulés, des grands pères, des pervers qui seraient bien contents de faire connaissance. Là encore le site est merveilleusement bien conçu puisque l’on peut bloquer l’accès des indésirables à sa fiche personnelle. Elle s’empresse donc de faire le tri. Et puis, il y a ceux qui ne mettent pas de photos. D’abord elle refuse de leur accorder son attention, cependant, certains écrivent si bien, si finement, qu’elle finit par entretenir des conversations à l’aveuglette. Un peu comme dans le noir.

Au bout de trois semaines, elle se décide à rencontrer un premier prétendant. Ils ont parlé longuement au téléphone. Sa voix est grave, avec un léger accent exotique. Sur la photo il est sur un jet ski, les muscles bombés comme un adepte de la musculation. La gonflette ce n’est pas vraiment ce qu’elle préfère, mais après tout, se noyer au creux de bras athlétiques, pourquoi pas. Néanmoins, ce bouc qui orne son menton la laisse dubitative. Elle a toujours pensé que les boucs cachaient des imperfections ou reflétaient un manque de personnalité. Mais les conversations avec cet homme ont été merveilleuses, pleines d’humour. C’était comme si elle le connaissait déjà. 

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