Paris Quidams le Goudron

Christophe Paris

Aujourd'hui, posé sur une vitre, j'ai croisé un dragon de craie tout souriant et sa cavalière fesses à l'air. Sous un ciel parisien gris trottoir, j'ai vu un homme qui marchait à l'envers, un chien cheumo, et un vieux jooger qui courait après sa jeunesse perdue.
Perdue.
Comme cette femme en guenilles que je croise et qui crise aux quatre vents, pendant que traverse un long tuyau rouge à deux têtes d'ouvriers, pas trop à la fête vu le poids de la bête. Les mal vus, les mal considérés qui pourtant batissent chemins et cités en litres de sueur. J'ai aussi croisé un skateur qui faisait son frimeur, goûter à l'asphalte et la douleur. Triste pour lui mon regard s'est plongé dans un graff à rues bleutées et torturées, adossé au visage d'un clint eastwood énervé teinté de blues. Je pense à Bird, Coltrane, à mes vieux vinyls.
La caravane passe.
Je regarde le tram débouler, gavé de visages attristés, de sourires endormis et de regards cernés. Valises sous les yeux pour voyages du quotidien. Destins de sardines pour vies en sourdine. Boîte de métal ou chacun conserve son mal.
Le serpent électrique et ses étincelles de lave ont maintenant disparu. Mon vague à l'âme aussi, sous le regard d'une fille amusée de voir ma tête d'ébouriffé. Elle est mimi et moi j'me sens moche, plus je marche plus elle s'approche. Mon regard dans le sien me rend sourd. Je n'entends ni l'ambulance qui pleure, ni les mômes qui braillent sous les yeux d'une aveugle et sa nouvelle canne sortant d'une animalerie.
Une lame de soleil éventre le gris de la nue pour tomber sur le décolleté de la miss. De l'or sur une soie métissée. Un caramel de peau à seins gonflés et large fente. Un hymne à l'amour, à la nature, qui reprend ses droits via une claque à billet aller retour.
Bobo,
joues rouges,
je regarde le trottoir. Moins dangereux. Mes bleus yeux s'y égarent entre cigarettes, cannettes, merde de cleps et papiers gras désséchés de veillesse. Mieut vaut relever la tête...
Je croise un type à trois yeux et deux bouches, graffé sur un rideau de fer. Une épicerie fermée avec un djeune assis sur un tabouret, la capuche serrée sur un visage ne laissant paraître que pif et lèvres gercées. Il me mate suspicieux, je flippe. J'comprends mieux quand deux dealers me proposent un choix de supermarché. J'hallucine, les types me font l'article, me pressent, je bouge en leur expliquant avec sourire de faux-culs et voix de gentil gentil que j'ai pas le profil .
Quelques pas plus loin une vieille chinoise frippée comme une serpillière usagée me saute dessus sur un " Angkulaî, angkulaî, 20 neuros ". Mais putain cette quoi cette ville !! Il est 16 h et tout le glauque de la nuit est déjà en place.
Je plaque la rue, j' arrive sur les grands boulevard. Autre goudron, autre lieu de perdition, celui du cash à paraître, des grandes marques qui cotoient la grande misère. Bye bye les dealers, welcome les vendeurs. Du magasin de partout, des people de partout. ça grouille, ça s'grouille, ça déambulle, ça s'bouscule sur des trottoirs trop anémiques dégueulant leurs quidams. Le temps défile dans l'attente, celle des caisses. Un lieu comme un point d'eau où venir étancher sa soif de paraître.
ça sent la pizza, mes narines me guident vers le fumet. J'aperçois deux vieux se rouler une pelle de teenager, un couple gay se pincer le cul et trois lesb' en goguette qui s'tiennent la main. C'est beau l'amour, c'est beau les gens, c'est beau la vie. Je reste comme un con à sourire sur ces deux vieux qui vraiment n'en finissent pas de se gallocher. Je redescend sur terre, enfin par terre, renversé par une fille en vélo qui me pourri d'être planté en plein milieu de la cyclable. Je lui réponds dans un souffle de douleur intercostale que je savais les filles mauvaises conductrices mais ignorais qu'elles étaient aussi de dangeureuses cyclistes. Elle se marre, moi aussi sauf que ça fait mal. Elle le voit, me commande un taxoche et lui demande de m'emmener à l'hosto le plus proche et qu'elle m'y retrouvera. Du coup j'accepte, on ne sait jamais elle est jolie... Fini la marche à pied, bonjour les côtes cassées, fini de rêver, elle n'est jamais arrivée...

  • Ton texte me donne des fourmis au cerveau :-) Très agréable sensation! Merci pour ce bout de chemin; je dis "encore!"

    · Il y a presque 8 ans ·
    Kalvmxlw

    minuitxv

  • J'avais la nostalgie de Paris... tu m'as remis le nez dedans ! Le nez, les yeux, les oreilles...le goût des choses où qu'on soit. Je l'aime beaucoup ce texte. Bravo ! J'adore cet univers bigarré qui passe du coq à l'âne...

    · Il y a presque 8 ans ·
    Mai2017 223

    fionavanessa

    • Merci fiona pour ce gentil com qui sent la nostalgie ! J'espère du coup ne pas t'avoir filé le blues de ne pas y être ! Bises

      · Il y a presque 8 ans ·
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      Christophe Paris

    • Au contraire, ton texte est plein de tendresse. C'est Paris mais ça pourrait presque être une grande ville, quelque part.

      · Il y a presque 8 ans ·
      Mai2017 223

      fionavanessa

    • Oui je pense aussi que la ville formate l'humain dans un moule plus ou moins semblable à travers le monde...

      · Il y a presque 8 ans ·
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      Christophe Paris

  • t'es un génie et un ingénu. Pas au choix. tu me laisses baba avec ton hyperréalisme plein d'humour et de tendresse humanoide. Oui dans tes yeux ça se bouscule la Vie. Bravo mon coco!

    · Il y a presque 8 ans ·
    Bbjeune021redimensionne

    elisabetha

    • Metci ma cocotte c chouette de lire ça venant de ta part, génie... Oh waow celui là je l'encadre ! Merci !!!

      · Il y a presque 8 ans ·
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      Christophe Paris

    • moi génie? Non juste ingénue. Mais bon je sais que t'adores mes com, alors pourquoi t'en priver. J'adore ta tendresse pour la vie.

      · Il y a presque 8 ans ·
      Bbjeune021redimensionne

      elisabetha

  • Tres jolie balade, on est dans tes yeux. Un peu moins dans ta côte mais bon c'est pas exactement le paradis d'argile tout autour bien qu'il soit déjà 16h du soir :)

    · Il y a presque 8 ans ·
    Laure cassus 012

    Laure Cassus

  • On est avec toi, on voit tout, c'est vrai, percutant et j'adore le style d'écriture ! Merci pour ce bon moment de lecture

    · Il y a presque 8 ans ·
    Ade wlw  7x7

    ade

  • Là on marche dans le Vrai Paris, pans dans celui des dépliants touristiques pour américains et chinois. Terriblement bien écrit, bien décrit, vrai, moche et beau… humain et inhumain

    · Il y a presque 8 ans ·
    Avatar

    nyckie-alause

  • une pelle de....
    "Destins de sardines pour vies en sourdine" = j'aime
    une errance surréaliste dans une ville sale, grouillante, odorante, tu nous emmène avec toi.....

    · Il y a presque 8 ans ·
    12804620 457105317821526 4543995067844604319 n chantal

    Maud Garnier

    • Merci maud c tt à fait ça kesske c agréable de voir comment ce texte est perçu mrrci bôcou et en guise de kdo la suite tronquée

      · Il y a presque 8 ans ·
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      Christophe Paris

    • Merci pour la suite et fin !... :-))

      · Il y a presque 8 ans ·
      12804620 457105317821526 4543995067844604319 n chantal

      Maud Garnier

  • Y manque un bout à cette déambulation entre misère et soleil. J'aime ton écriture qui fait ressentir les choses comme si nous y étions. C'est beau et ça pue, ça embaume et emmène. Belle plume que je salue.

    · Il y a presque 8 ans ·
    D9c7802e0eae80da795440eabd05ae17

    lyselotte

    • T gentille tes coms sont tellement couuettes à lire merci et oups la suite

      · Il y a presque 8 ans ·
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      Christophe Paris

    • Ben coquille là mais je la garde oui y sont couettes tes coms !

      · Il y a presque 8 ans ·
      P 20140419 154141 1 smalllll2

      Christophe Paris

    • Rire. Merci. Sincères en plus.

      · Il y a presque 8 ans ·
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      lyselotte

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