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Y K

L'incroyable come back de Steve Jobs

Le Courrier du geek.fr | 14.02.2024 à 15h44

Par Y.K. 

Pensez petit


Enorme.

Il y a dix ans encore, rares étaient ceux qui auraient parié un centime sur la tête de Steve Jobs, l'homme aux mille et un succès, le gourou charismatique, le visionnaire de légende, tombé dans la déchéance suite à ce qui avait alors été qualifié de « Scandale du siècle ».
Mais l'histoire de Jobs est celle d'un éternel retour. Et ce comeback insensé que l'enfant chéri de l'American dream a orchestré de main de maître est sans doute le plus stupéfiant de tous : qui en effet aurait pu imaginer cette reconversion aussi improbable qu'éclatante ?
Aujourd'hui les faits sont là : celui que l'on tenait pour mort et enterré il y a dix ans est désormais classé deuxième homme le plus puissant au monde derrière le président Bieber, selon le magazine Time.

Le coup de tonnerre médiatique qui a accompagné son retour sur le devant de la scène a été à la mesure de celui qui a précipité sa chute, le 19 novembre 2014.

UN MAIL QUI FAIT MAL

Souvenez vous : à cette époque, Apple, la toute puissante marque à la pomme, dominait sans équivoque le marché des « tablettes tactiles » et des « smartphones ». Pionnier dans la combinaison du design et de la simplicité d'utilisation, Apple avait alors dépassé le statut de simple marque pour devenir une véritable religion.
Les églises de la marque, baptisées « Apple Store », fleurissaient à l'échelle mondiale, visitées régulièrement par les nécessiteux dont les smartphones et tablettes se périmaient tous les six mois.
Comme toute multinationale, Apple essuyait certes son lot de critiques, mais sa notoriété hors norme et ses hordes de fanatiques l'avaient toujours protégée des scandales majeurs. Jusqu'à ce mail tout d'abord passé inaperçu d'un employé chinois dénonçant les conditions de travail dans les usines : des fouets bien trop humides, des chaînes dépassant de plusieurs grammes le poids défini par les normes internationales, et pour tout dessert du cheese cake sans coulis de myrtille.
Rapidement, un effet domino s'était déclenché, qui devait aboutir à la faillite de l'empire Apple. Des associations locales d'abord, puis des grands noms tels que Amnesty International jusqu'aux dirigeants de la planète eux même étaient intervenus. La présidente Clinton dénonçait « (...) des conditions d'escalavage abominables », le secrétaire général des Nations Unies Ban Ki Moon arguant du fait que « (...) tout esclave mérite une part de respect, clairement bafouée par Apple », tandis que le président Hollande faisait généreusement affréter des dizaines de charters remplis de yaourts « Flamby » afin de compenser les cheese cakes cruellement infligés par Apple.
Steve Jobs, au cœur d'une tempête médiatique sans précédent, n'avait pu trouver d'échappatoire. Devant la chute brutale de l'action Apple suivie par une baisse catastrophique du chiffre d'affaire et d'un désaveux des fanatiques de la marque, l'homme aux lunettes rondes avait dû avouer la faillite du groupe six mois plus tard.

Dès lors, il avait complètement disparu. Certains disaient l'avoir aperçu dans des magasins H&M, essayant furtivement un col roulé en promotion. D'autres affirmaient qu'il préparait son come back grâce à un nouveau produit révolutionnaire. Puis, plus rien.

UN COUP DE TONNERRE DANS LA ROBOTIQUE

Jusqu'à son retour imprévu, brutal, génial l'an dernier à l'occasion du salon international de la robotique.
Elon Musk avait certes annoncé qu'il préparait une surprise, mais il faut bien avouer que personne ne s'attendait à ce qui allait suivre.
Jobs avait fait son apparition et prit la parole pour annoncer devant un parterre de spécialistes stupéfaits le lancement de sa nouvelle entreprise : Nabots, que tout le monde connaît désormais comme la firme de référence dans le domaine de la robotique.

Des nains de jardins robotisés. L'idée était géniale. Et qui d'autre pour y penser que ce visionnaire unique ?

Certes, Samsung avait développé les robots quotidiens depuis plusieurs années déjà avec la sortie du SX01, mais ces derniers étaient alors limités à des tâches fonctionnelles : taper des rapports, faire le ménage, réguler la température, conduire la voiture.
Avec le lancement de Nabots, c'est toute une dimension humaine que Jobs a apporté au domaine de la robotique. Touchant une génération à la fois branchée et rétro, proche des valeurs paysannes tout en étant ultra urbanisée, Steve Jobs a une fois de plus tapé dans le mille.
« Dans un monde ultra urbanisé où les ploucs représentent moins de 2% de la population mondiale, les gens ont besoin d'un rappel de valeurs simples, profondes. Les nains de jardins, c'est une bouffée de campagne, de petite bourgeoisie ringarde mais aussi d'aventure, qui rappelle à la fois des classiques comme Amélie Poulain et Le Seigneur des anneaux; c'est un petit bout de jardin au 187e étage ».
Un an plus tard, il domine le marché de la robotique comme jadis celui des Smartphones, et tout ça grâce à des nains.
Mais pas n'importe quels nains. Des nains à la fois fonctionnels et design, capables de promener le chien, de changer les langes mais aussi de choisir un film ou de soutenir une conversation poussée sur la littérature médiévale russe.
Des nains qui conquièrent un public croissant, comme Léo, 12 ans, CEO d'une multinationale high tech. « C'est génial. J'en ai trois, dont le dernier, le Nabot 1 Kenobi, je les adore, c'est mes meilleurs amis. Ils m'aident à faire la cuisine, on fait du ping pong ensemble, et il m'arrive même parfois de leur demander conseil pour des décisions stratégiques ! ».
Et lorsque l'on objecte que désormais, la concurrence produit des robots proposant les mêmes fonctions à moindre prix, Léo a une réponse implacable : « Mais ça n'a rien à voir ! Rien du tout ! Les Nabots, c'est mieux quoi ! »

DES CRITIQUES QUI RAPPELLENT APPLE

Comme les produits Apple autrefois, le budget des Nabots peut en effet en faire frémir plus d'un : 340 néo euros pour un modèle de base, un prix pouvant aller jusqu'à 1200 néo euros pour le Nabo 1 Kenobi, soit l'équivalent d'un bio cyclo.
Devant cette soudaine invasion de nains, des voix s'élèvent. C'est le cas du collectif GAPN, ou « Gens qui n'Aiment Pas les Nabots » dont nous avons pu rencontrer le porte parole, Jean Jacques Meignant. Pour lui, les Nabots représentent une menace :
« Nabots, c'est le chemin vers le monopole de la robotique, la pensée unique. Bientôt, au lieu d'avoir le choix de leur robot, les gens achèteront automatiquement des Nabots, et ça, ça m'inquiète ! »
Loin de se laisser séduire par l'aspect mignon des Nabots, Jean Jacques contre attaque : « Moi personnellement je les trouve flippants; ils me font penser à des personnages de film d'horreur ! »
Dans un autre registre, les nouveaux joujoux de Steve Jobs amènent à poser la question du rapprochement de plus en plus flagrant entre humains et robots. De nombreux cas de personnes recluses et n'ayant pour toute compagnie que leur Nabot inquiète les sociologues et alimente le lot de critiques dont la compagnie de Jobs fait régulièrement l'objet.
Affaire à suivre.

En attendant, au delà des louanges ou des critiques, force est de constater qu'une fois encore, Steve Jobs a réussi son pari : celui de marquer l'histoire par son audace, son génie, sa mégalomanie. Celui d'être un homme unique.
Un géant qui produit des nains.

 

 

 

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