Perte sèche

Hervé Lénervé

« Je suis emmerdé, j’ai perdu ma femme. »

« Tiens un check point, je vais demander aux flics. »

-         Bonjour monsieur, vous n'auriez pas vu ma femme ?

-         Votre femme ? Mais elle est comment votre femme ?

-         Elle n'est pas commode !

-         Oui ! Mais plus précisément.

-         Plus précisément, elle est plutôt armoire normande, c'est vrai !

-         Oui, je vois ! Autrement, elle a un nom, votre dame ?

-         Oui,  mon p'tit poulet !

-         Restez correcte, monsieur !

-         Non ! C'est son nom ! Mon p'tit poulet. Moi, je l'appelle comme ça.

-         Ok, je vois ! Ecoutez, si on voit passer une armoire normande qui s'appelle Monp'titpoulet, on vous la met de côté. Ça vous va ?

-         Très bien ! Merci, monsieur, vous êtes bien serviable.

-         Pas d'quoi, ce fut un plaisir !

« J'ai l'impression qu'il se foutait un peu de moi, l'autre poulet. Ce doit pourtant être commun que de perdre sa femme dans un vide grenier.

Tiens, j'ai une idée, je vais l'appeler sur son portable. C'est quoi son numéro, déjà ? M'en rappelle plus. Ah,  putain de mémoire.

Tient, c'est marrant, je ne l'ai pas dans mon répertoire et aucun appel d'elle, depuis dix ans. Avant, j'avais un autre mobile, plus gros, mais bleu avec une petite antenne et un liseré vert. Bon, faut dire que l'on ne s'appelle jamais, on est toujours ensemble. Pour communiquer on se parle à l'ancienne. »

Une heure plus tard.

« Elle a dû rentrer à la maison, je vais aller voir, si elle n'y serait pas, des fois. »

La maison est vide.

« Il faudra qu'on finisse par acheter des meubles, c'est bien vide, ici et pas de femme en vue. Je vais appeler sa mère, elle doit être chez elle. »

-         Oui ! Bonjour, Maryse, votre fille est avec vous ?

-         Oui, elle est là, pourquoi ?

-         Je la cherchais, je l'ai perdu au vide grenier, ce matin.

-         Vous l'avez perdu, il y a onze ans, Hervé, en partant avec une autre.

-         Ah, oui, OK, je me souviens à présent. Ce doit être la fausse que je cherche, alors.

Click !

« Elle m'a raccroché au nez, la belle-doche ! Aucun savoir-vivre !

Bon, en attendant, je suis emmerdé, j'ai perdu ma femme ! Vous ne l'auriez pas vue, des fois ? »      

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