Comme un projet

C'est les paupières closes que m'apparait mon idéal. Un endroit fabuleux où l'énergie solaire est reine. Ce havre de paix procure à ses occupants un apaisement de l'âme, un plaisir de se savoir en vie sur cette terre. En pleine nature. Aucun bruit ni ondes ne parasitent la mélodie silencieuse de la brise dans les feuillus de la campagne. Une habitation extraordinaire, de farfelu ou de bobo, diront certains. Mais c'est un habitat du futur, respectueux de l'environnement. Les matériaux ont été choisis soit pour leur faible utilisation des matières grises, soit pour leur donner une deuxième vie.

J'entre dans ce logement d'une centaine de mètres carrés de plain pied et de forme longitudinale par l'entrée Ouest. Une autre se situe à l'Est. Devant moi un large couloir dessert chaque pièces de la maison. Il abrite un généreux potager allant d'une entrée à l'autre sous une lumineuse et gigantesque succession de fenêtres orientées plein Sud. Cette baie vitrée inclinée judicieusement à 90° par rapport au solstice d'hiver permet aux rayons du soleil de pénétrer dans la profondeur de la maison illuminant ainsi toutes les pièces. Irradiant au passage les plantes du potager de la serre, les  rayons d'hiver réchauffent le plancher à inertie qui accumule ces précieuses calories toute la journée pour les restituer la nuit. Et ce afin de profiter d'une chaleur douce, saine et gratuite. Au dessus de la baie vitrée, à l'extérieur de la maison, en rang bien serré, s'offrent aux rayons du soleil, une multitude de panneaux photovoltaïques ainsi qu'un chauffe-eau solaire. En quantité suffisante au bon fonctionnement de tous les appareils électriques de la maison et d'une eau chaude sanitaire. C'est pendant les pluies que vient jouer un rôle important l'inclinaison légère de l'unique pente du toit. Elle  permet d'acheminer toute l'eau venue du ciel que le toit reçoit afin de remplir trois citernes de cinq mille litres enfouies et alignées le long de la maison situé en bas de la pente du toit dans le remblai de terre. C'est après un passage dans une succession de filtres afin de la rendre utilisable pour les douches, les vaisselles, les chasses d'eau que les habitants pourront jouir d'une eau limpide et gratuite toute l'année. Mais c'est par son passage dans un filtre à charbon que l'eau devient potable.

Cela ne suffit pas à cette maison. Car l'eau est précieuse et ne doit pas être gaspillée. C'est pour cela que les canalisations d'eaux grises sont dirigées vers l'irrigation de la serre qui permet de nourrir ses habitants tout au long de l'année. Pour le plus grand plaisir des plantes qui puiseront grâce à leurs racines les matières biodégradables qui se trouvent dans ces eaux préalablement décantées. Le surplus d'eau filtrée rejoindra la chasse d'eau des toilettes.  Mais tout cela reste invisible aux habitants: la maison vit, se nourrit, et nourrit ses occupants. Cependant cet équilibre fragile passe par le respect d'une utilisation raisonnée et appropriée de produits de nettoyage et d'entretien. Il faut aussi penser aux eaux noires. Le procédé utilisé est la phyto-épuration. Un bac enterré, récupère et décante les matières. Les eaux ruissellent par une canalisation vers un bassin en aval de la maison où des plantes épurantes disposées à se nourrir de ces eaux vont les filtrer. Les matières organiques sont traitées et utilisées par les plantes en rendant une eau propre à la terre.

Pour affronter les hivers rigoureux, un poêle de masse intègre une banquette dans le salon. On y flâne, on lit, tout en profitant d'une chaleur douce qui sera restituée toute la nuit par la masse de terre crue qui aura accumulée la chaleur du foyer pendant son fonctionnement. Lorsque arriveront les journées caniculaires où le soleil au zénith n'entrera que partiellement dans la serre, je pourrai ventiler le surplus de chaleur grâce à une ingénieuse conception qui permet d'ouvrir des ventaux en partie haute de la serre et au puit canadien qui traverse la terre de remblai au nord de la maison. L'air refroidit par l'inertie de la terre inonde la maison et devient la climatisation naturelle. Cette maison, vous l'avez sûrement compris, est déconnectée de tous réseaux. Elle est autonome. Maintenant je peux ouvrir mes yeux car je sais que cette habitation existe. En effet, elle a été inventée en 1970 à Taos, Nouveau Mexique par Michael Reynolds. Un architecte connecté avec la Terre. Il l'a nommée: Earthship. Et, un jour, je vais construire ma Géonef de mes propres mains.