Promenade à Honfleur / Mon amie, ma chère et tendre amie
Stéphan Mary
Mon amie, ma chère et tendre amie
Il faut que je vous parle. Cette promenade dans les coteaux de Honfleur, loin de la ville et de son port, loin du tumulte de la foule, sied à merveille aux confidences. Je suis dans l’empressement de vous demander… Mais non pas maintenant ! Pas tout de suite. Marchons encore un peu voulez-vous. Par où commencer ? Hier j’ai appris aux enfants les auxiliaires être et avoir. Cela aurait dû être simple mais votre fils Nicolas n’a pas pu s’empêcher de réclamer des exemples concrets. En tant qu’instituteur je n’ai pas eu de mal à étayer la leçon mais je crois que ce n’est pas ce qu’il attendait. Il a penché sa tête sur le côté, affichant un sourire discret certes mais légèrement moqueur. Cela m’a troublé et je n’ai eu de cesse cette nuit, de bien réfléchir à ce qu’il aurait aimé que je vous dise. Je suis persuadé qu’il attend depuis que nous nous voyons régulièrement que quelque chose se passe. Or après avoir longuement pensé à vous, je me suis permis de vous écrire ceci :
J'ai un problème avec avoir. Aucun souci avec être
Elle fut
Elle était
Elle est
Elle sera
Ma femme
Mais grand tourbillon d'accords pour l'avoir
Il eut
Il avait
Il a
Il aura
Pour femme
Je reste perplexe. La difficulté tient dans la concordance des temps. Il aura - sa femme - contre elle sera - sa femme - Contre, tout contre.
Pour parfaire l'entrelacs de l'être et de l'avoir : elle aura été - sa femme -.
Je me suis souvent baigné dans l'être mais suis resté au bord de l'avoir. Il faut d'immenses barrages pour contenir l'avoir. Le fleuve avoir coule furieux aux quatre coins du monde. Tout comme son auxiliaire, avoir est primaire : avoir bu, a bu ; avoir mangé, a mangé ; avoir un toit, a un toit. Le verbe avoir est vital. L'avoir comme possession. Mais avoir - pour femme - devient le point limite.
L'être est plus singulier. Il est là comme signifiant une existence : que ma femme soit !
Il introduit également l'attribut : ma femme est belle !
Voix active ou passive, les auxiliaires déclinent délicatement leur identité en servant à la conjugaison d'autres verbes : je l'ai aimée dès qu'elle est entrée...
Alors j'accole, je plie les verbes, cache les auxiliaires, triture la langue
Il eut – Elle fut
Il avait - Elle était
Il a - Elle est
Il aura - Elle sera sa femme
J'aime me couler dans votre être sans pour autant chercher à l'avoir
A l'ombre du hêtre, j'ai mes repères pour la voir
Être avoir / Avoir être
Ayant eu / Ayant été sans elle
Maintenant elle m'est et elle m'a
Mon amie, ma chère et tendre amie, voulez-vous m’épouser ?
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· Il y a presque 11 ans ·Cet écrit est profond, léger ... un réel un plaisir à lire!
Bravo.
electsia
Merci beaucoup pour ce commentaire léger et agréable. bienvenue sur mes textes.
· Il y a presque 11 ans ·Stéphan Mary
Vos traits d'esprit sont géniaux ! Et les turpitudes de ce personnage très touchantes.
· Il y a presque 11 ans ·luz-and-melancholy
Merci. Ton commentaire m'a fait sourire et c'est drôlement bien
· Il y a presque 11 ans ·Stéphan Mary
Sourire ? Me voilà ravie alors :)
· Il y a presque 11 ans ·luz-and-melancholy
très original, et très très littéraire. Une belle digression qui m'a fait réfléchir sur l'avoir et l'être. Mais je rajouterais "sans avoirs" point d'être.
· Il y a presque 11 ans ·elisabetha
Tout à fait exact mais n'oublions pas ceux qui sont ! sans rien avoir. Merci de ton commentaire
· Il y a presque 11 ans ·Stéphan Mary
ils sont alors en très grande difficulté.
· Il y a presque 11 ans ·elisabetha
ou ils ont fait le choix d'exister sans rien avoir ! Les deux sont à prendre en compte
· Il y a presque 11 ans ·Stéphan Mary