QUE LE MONDE SOIT

Susanne Derève

écritures en écho SD - Re Chab https://ecritscrisdotcom.wordpress.com/ecritures-communes-ou-en-echo/


Que le monde soit…

comme je le veux

comme je l'ai pris    enfanté  au matin

les  yeux ouverts

 

La lumière s'y déployait si blanche

avant que la couleur l'inonde,

 

- ainsi l'orgue  conduit la voix  -                                                                                         

la liturgie du jour à venir  était blonde

et me parlait de toi.

 

J'ai effacé un peu de buée à la fenêtre

et sur le carreau froid tracé ton nom

dessiné un peut-être

 

Le jour venait de naître

limpide et pur, oratorio vibrant

une césure    avant que le ciel ne bascule

vers son avènement

dans une orgie d'ors et de cuivres                                                                        

 

Je ne sais  s'il était d'une étoffe

dont on peut se vêtir

comme l'aube de lin des retables                         

ou la pourpre ardente des rois                                                                              

 

s'il fallait  le poursuivre dans sa marche solaire

au-delà du beffroi  qui claironnait les  heures

 

et l'aurais-je cherché dans le sel ou le sable

comme le vent façonne la dune instable   

quand il glissait vers toi en éclaireur                                             

 

 Le  monde s'offrait à moi

par un matin de fin d'été

et je m'en suis saisie les yeux fermés

 

SD

                 * * *

 

Je t'ai vue à travers la musique .

Tu dansais,     comme dans toi même

au son de ces voix,

habillées de pourpre,

et qui s'élevaient

jusqu'aux voûtes,

donnant un peu de chaleur

aux âmes qui ont froid,

dans le parcours des leçons de Ténèbres,

où l'on mouche les chandelles

une à une, jusqu'à ce que

l'obscurité pèse

son poids de silence .

 

Je t'ai vue à travers la musique ,

tu étais loin, mais proche pourtant ,

tu avais tracé mon nom sur le carreau de la vitre,

et nous écoutions la même cantate,

c'était comme si je te tenais la main

et,             les yeux fermés,

les harmonies se croisant ,

offraient au jour naissant ,

la lumière vibrant ,

avec l'avènement d'un monde,

celui que l'on ne peut décrire

ni en images       ni à l'aide de mots .

 

RC

 


Illustration : Zao Wou Ki - 1974. Musée d'Art Moderne (Paris)

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