Revers de fortune

Hervé Lénervé

Des fois, il suffit de pas grand-chose pour que tout basculât, la, la, la !

Avant le confinement, en me promenant dans ma ville, j'avais croisé un SDF, dont le visage m'était vaguement familier, mais je n'arrivais pas à retrouver à qui il me faisait penser.

Un jour, motivé par une curiosité, peut-être un peu malsaine, je l'accostais  en lui proposant une cigarette. Que voulez-vous, il fallait bien que je le situe davantage, il était, peut-être, une de mes connaissances ou même un membre de ma famille, je ne suis pas trop physionomiste. Il me répondit qu'il ne fumait pas. Ce qui est assez rare chez les gens qui vivent dans la rue, il n'aurait plus manqué qu'il ne boive pas aussi, c'aurait été un comble !

Finalement, à force de se croiser, moi, marchant, lui assis par terre à mendier sans en avoir l'air, au point où lui proposer de l'argent aurait pu être humiliant, nous finîmes par avoir une conversation. Je lui dis.

-         Votre visage ne m'est pas étranger.

-         On me le dit souvent.

-         Vous ne feriez pas partie de l'association « les fabophiles tranquilles ».

-         Non, par-contre je fréquentais « Les cénobites tranquilles » du temps où j'avais un chez moi.

-         Non, ça ne me dit rien. Attendez ! Je crois vous avoir vu à la télévision, c'est ça ! Vous ne seriez pas un de ces journaleux à la mord-moi l'nœud, des fois ?

-         Pas à ma connaissance, mais effectivement, vous avez pu me voir sur des médias.

-         Ecrivains ?

-         J'ai écrit des livres, il est vrai, mais personne, ou si peu, ne les a jamais lus.

-         Acteurs ?

-         Ecoutez, vous ne trouverez jamais, je préfère vous le dire tout de suite. J'ai été Président de la France de 2012 à 2017.

-         Vous êtes sûr ?

-          Je crois oui ! Hollande !

-         Le pays ? Le fromage ?

-         Mais non ! Je vous donne un indice, j'ai été élu sur un malentendu, Strauss-Kahn ayant eu un empêchement de dernière braguette.

-         Ah, vous étiez un cover girl !

-         Mais non, voyons, l'homme politique ! François Hollande !

-         Attendez, je regarde sur Google.

-         C'est vexant à la fin, faites un effort !

-         Ça y est, je me souviens ! Pas de vous, mais de votre scooter !

-         Je l'ai revendu mon scoot, je le regrette, il m'était resté fidèle, lui !

-         Mais vous aviez un salaire à vie en tant que Président, non ?

-         J'ai fait de mauvais placements par de mauvaises décisions.

-         Pour vous consoler, dites-vous que vous pourriez être en prison, c'est la mode chez les politiques de nos jours.

-         C'est vrai, je n'ai pas à me plaindre.

-         Vous n'étiez pas avec une actrice ?

-         Je l'ai quittée, elle me répétait sans cesse : « Quand je pense que tu as été Président de la République, toi ! »

-         Allez, je vous donne une petite pièce et maintenant que l'on se connait un peu, si vous vous représentez, sachez que je voterai pour vous, de toute façon pour ce que cela change. A plus, François !

-         Quoi un euro ! Espèce de sans dents, va !

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