Sable blanc - Bronzage & Noyade
cerise-david
Chaque grain de sable collés à sa peau me donne envie de la toucher encore. Elle est là, à moitié nue sur cette plage qui s’étend à perte de vue. Des enfants s’éclaboussent dans les vagues, un grand brun fait l’équilibriste sur une planche et une légère brise vient faire onduler ses cheveux. Il y a quelques heures je ne la connaissais pas… il a quelques heures mon existence était vide de sens. Maintenant je serais boulimique de tout voir, tout entendre… j’en redemande encore. Elle a posé ses yeux sur moi, derrière des verres noirs qui la protègent du reflet des âmes. C’est une hyper sensible, une chose fragile qu’il faut prendre avec des pincettes sous peine de voir exploser nos tripes sous les injonctions qu’elle nous lancera… les gamins ont eus le malheur de l’éclabousser, aucune maman n’est venus à leur rescousse… et elle a retrouvé son calme olympien… Elle n’avait l’air d’avoir besoin de personne mais j’ai pris le pari de lui proposer de lui étaler de la crème solaire, juste là entre les omoplates, là où ses mains délicates ne vont pas. Là où la peau est si douce, recouverte d’un fin duvet blondi par le soleil. J’ai slalomé entre ses grains de beauté, et me suis perdu plus loin dans la courbe de ses reins. Et puis, elle a saisi ma main et m’a proposé de venir s’installé un peu plus près… mais pas trop. Elle est farouche et curieuse… elle sourit à peine, juste le coin des lèvres qui rehaussent ses pommettes ambrées… et ses lunettes qui m’empêche de voir…
Il est là, seul sur cette plage. Et moi, j’ai pas le choix d’être là. On m’a dit qu’il avait besoin de repos et on m’a gentiment poussé vers la sortie pour ne plus jamais me laisser entrer. J’ai perdu plus qu’un homme, j’ai perdu une part de moi… et j’ai fini par me bouffé les doigts. Et lui, que fait-il seul ici ? Peut-être que quelqu’un l’attend quelque part… comme dans les romans de Gavalda qui chassent mes insomnies. Le voilà qui s’approche. J’espère que c’est pas encore un pot de colle pervers. Une fille ne devrait jamais être seule à la merci des hommes mal attentionnés. Il sourit et ses yeux reflètent une certaine curiosité, pas malsaine. Je m’imagine qu’il se pose les mêmes questions que moi… ou peut-être pas. Il dit « crème solaire », « dos ». Il me plait. Ses mains sont douces avec ma peau, et ses bras sont forts comme enchaînés. Il glisse doucement, la crème entre nos épidermes. Cela fait si longtemps qu’on ne m’a pas touché comme çà, juste toucher pour me calmer. Calmer la colère qui gronde, qui tempête dans moi. Cette rage qui je le sais déforme mon visage… qui fait de moi une jeune aigrie. Celle qui regrette amèrement d’avoir encore aimer à saigner.
Je lui propose un verre… un peu plus attractif selon moi de s’appliquer de la crème solaire en attendant la marée… elle ne répond pas. Laisse passer un ange, se relève et enlève le sable collé sur ses jambes. Range ses affaires en boule dans un grand panier, s’enroule dans un paréo et me tend sa main. On marche le long de l’eau et nos pieds s’éclaboussent… Elle ne dit toujours rien et enjambe les pâtés des enfants que nous rencontrons sur notre chemin en quête de rafraichissement. Je sens sa main qui serre un peu la mienne, et son regard en coin sur mes épaules… On trouve une paillote et on s’installe à l’ombre. Elle enlève ses lunettes et me scrute comme un scanner. Je ne dis rien, c’est mon job d’être silencieux, les filles çà parle d’habitude. Çà n’arrête jamais de parler… mais elle. Je suis suspendu à ses lèvres et j’attends qu’elle prononce un mot. Même un tout petit. Parce que le langage des signes j’y comprends rien…
Il me regarde comme un chien regarde une saucisse… mais çà ne me dérange pas. Il attend que mon organe de communication émette un son… il attend l’élément déclencheur.
- On était pas là pour boire un verre ?
- Euh… si, bien sûr que si. Vous…
- Rhum fanta. Beaucoup de glace.
- …
Je le regarde se lever vers le serveur, je suis pas des plus gentille avec lui… mais je veux pas qu’il se fasse des idées… les mecs se font toujours des tas d’idées. Porte du noir, est frigide. Porte du rouge, pue le sexe. Bague au doigt, marié. Trente ans célibataire, vieille fille ou jeune divorcé. Veuve çà ne rentre pas dans les critères. Les hommes se croient invincibles… donc des femmes veuves çà n’existent pas. Je vais l’embêter un peu… juste un peu. Juste pour voir si mes aprioris valent les siens.
Je pose son verre devant elle et me rassois. J’ai l’air d’un con je n’en doute pas. Mes yeux la scrute et cherche un indice. Quand j’aperçois cette phrase sur sa cuisse : `Summer is the time to create lasting memories’ En itallique fin et délicat, comme ses lèvres toujours fermés. Je continue ma recherche d’indice et trouve une autre phrase à l’intérieur de son bras : `Love me if you dare’. Je me frotte les yeux pensant que décidément le soleil m’a trop taper sur la tête… elle sourit. Joconde énigmatique. Et reprends une gorgée.
- Vous savez surfer ?
- Moi et l’équilibre c’est pas trop çà…
- Alors on va faire en sorte de changer le « çà »...
A peine une heure plus tard, elle a récupéré une planche, m’a donné quelques leçons de souplesse et me voilà à ramer vers l’horizon. Elle nage à mes côtés. Je suis aussi à l’aise qu’une sardine en boîte. Mais elle sourit et parle. Elle n’arrête plus de parler et juste pour çà, je m’applique à suivre ses conseils, ses ordres, ses désirs et quatre volontés. Quitte à être ridicule, il faut que çà serve à quelque chose… Au début, je me sens pas vraiment prêt à grimper comme un singe sur cette mince planche de bois. Gros yeux, résine. Pardon. Je vois bien qu’elle aimerait me pousser pour que j’apprenne plus vite mais elle se freine et rit de mes pitreries. Elle est belle sans ses lunettes qui la cachent du monde et habillée d’un bikini et d’un sourire… au bout d’une heure à patauger on rejoint le large et on passe la vitesse grand V. Les vagues font plus que ma taille et se fracassent sèchement sur la surface de l’eau. Je prends de la vitesse… La vague s’étire au-dessus de moi, prête à m’engloutir. J’entends crier et déjà je suis happer au fond de l’eau. Ma tête cogne le sable et je sens la planche qui me tire vers le bord. J’essaye de remonter mais une série de vagues me ramènent toujours au fond. Je manque d’air…
Quand l’astre ardent plonge dans l’immense miroir de nos âmes, qu’il nous engloutit dans la pénombre d’une lune sans visage et nous laisse flotter parmi des profondeurs qui nous hanteront chaque nuit, nous laissant pour seul espoir l’aube incertaine. Quand pris dans les filaments des méduses fluorescentes, j’entends les pinces du crabe cliquaient sur le sol blanc de mes cauchemars. Quand les fosses du pacifique m’engloutissent, que l’eau se fait noire ne filtrant plus aucune source de lumière. Quand des visages difformes de douleurs scrutent la lueur de défi qui rugit derrière mes pupilles dilatées. Quand le souffle nous manque… Que doucement les dernières bulles d’air s’échappent rondes de notre bouche et que le silence se fait… Un bruissement, un chant, un rire moqueur. Habituées aux pirates en quête de de trésor et d’immortalité, des écailles brillantes fondent sur nous et tournoient, ne laissant entrevoir que de longues algues et de la nacre. Et puis deux grands yeux écarquillés et curieux d’une telle découverte au pays du silence et des créatures de notre imaginaire… une bouffée d’air insufflée dans les poumons d’un rescapé. Et très vite, trop vite la surface… qui nous éloigne de nos pires songes. Loin à l’horizon, au fil de l’eau, un rayon vert.
J’entends qu’on s’agite autour de moi, quelqu’un tient ma nuque et j’ai froid. Je tousse et recrache l’eau engouffrée dans mes poumons. J’ouvre les yeux et me retrouve nez à nez avec un grand chauve à lunettes noires. Tee-shirt blanc imprimé au couleur des CRS. Il me pose plusieurs questions et je retrouve doucement mes esprits… je la cherche, je demande où est la jeune femme qui surfer avec moi. Le CRS me regarde et me dit de me calmer. Je reprends mon souffle et repose ma question, tel un entêté.
- C’est elle qui vous a sortie de l’eau, et puis elle a récupéré ses affaires et sa planche. Elle nous a dit de vous dire que vous aviez été sauvé par une sirène. Vous la connaissez ?
Je suis resté avec mon air caractérisé d’ahuri. Le CRS a mis çà sur le compte du choc au niveau de mes cervicales et on m’a transporté sur une civière. Je la revois au bord de l’eau se retourner vers moi et sourire… et j’explose en un milliard de molécules d’eau.
Je remonte la dune, l’agitation sur la plage m’a permis de disparaitre. Je sens ses mains sur ma peau et regarde une dernière fois l’océan.
« Lorsque je te regarde jeune sentinelle, je sais que c’est la mer qui tremble. Et je me sens porté par les remous, les vagues, les tourbillons. Je me sens porté par ton souffle. Mais lorsque je te sens près de moi, je sais que je ne tremble pas seule... »*
Ça y est, je me suis lancé dans la lecture de la série. Ça commence super bien (Cerise !!! fais attention à tes conjugaisons !!!).
· Il y a plus de 11 ans ·Pareil que copain Woody, partons du principe que la jolie fille sur la plage accepte qu'on lui étale de la crème... Perso j'ai (presque) jamais rencontré ce genre là mais en même temps, la dernière fois que je suis allé à la plage, c'était en septembre 1996, je me souviens, c'était un jeudi...
[un peu plus tard]
Ca y est, j'ai tout lu. CDC pour l'ensemble. Bravo.
wen
Rencontre gracieuse où deux esprits se jaugent. Belle poésie au milieu ! Je vais vite à la suite !
· Il y a plus de 11 ans ·matt-anasazi
Oui woody. C'est normal. C'est ma tendresse pour le genre humain de donner ca chance a chacun. Si tout le monde voyait le monde avec mes yeux je pense qu'on aurait moins de Bryan torturé dans les bars...
· Il y a plus de 11 ans ·cerise-david
très très très sympa .... beau moment de lecture ! j'ai aimé ...
· Il y a plus de 11 ans ·bon on va dire que c'est normal et commun que la jolie fille accepte qu'un inconnu lui passe la crème solaire dans le dos avant d'avoir eu la moindre petite conversation avec lui ....
woody
un joli moment à la fois plein de spleen et de douceur.
· Il y a plus de 11 ans ·courage
Sweety
C'est vraiment magnifique. Merci.
· Il y a plus de 11 ans ·Marie Cornaline
J'aime bien, une écriture douce, et mélancolique. A force de te lire je vois la tendresse que t'as pour le genre humain
· Il y a plus de 11 ans ·Bryan V
Une échappée belle qui m'a permis de reprendre des forces pour affronter le plus dur. Dans un couple être différent c'est essentiel... mais c'est dur. çà plus la vie et ses mauvais tours j'étais pas sure de m'en sortir... je cherche encore une raison de ne pas retourner vers l'océan !
· Il y a plus de 11 ans ·cerise-david