S'il le plaît, apprivoise-moi! (Bis)
Frédéric Clément
Epître d'une abandonnée
J'ai posé mon cul sur les pierres
Du muret qui dort sous le chêne
Qui jouxte la maison. J'espère
J'ai froid. J'attends que tu reviennes
J'sais pas t'aimer comme il faudrait
J'ai pas toujours le bon tempo
C'est comme si c'était bouché
Entre mon cœur et mon cerveau
Je fais jamais la part des choses
J'ai pas les clefs de mes serrures
J'ai l'âme couleur d'ecchymose
Je vois mes plaies… Pas tes blessures
J'ai pas les mots que t'aime entendre
Ni le geste inconsidéré
J'ai peur des mains qu'on veut me tendre
J'ai peur des mains. Voilà. Tu sais
J'ai peur de mes jambes qui tremblent
De la vérité de ma voix
Et que cette voix me ressemble
Et qu'à la fin on s'apitoie
Je déteste mes habitudes
Je crains chacun de mes fous-rires
Et j'abhorre la solitude
Qui mêle le meilleur au pire
Dans les propos que l'on échange
Je perds le fil de tes questions
Je vais toujours où ça m'arrange
Et je tourne... Et je tourne en rond
J'sais pas t'aimer comme il faudrait
Auprès des enfants de mon âge
J'ai toujours cassé mes jouets
Pour ne pas les mettre en partage
Je ne suis pas fière de moi
Et puis je me sens ridicule
Quand il faudrait franchir le pas
A chaque fois que je recule
Je veux rien devoir à personne
Pas même l'amour qu'on me porte
Je veux rien devoir à personne
Devoir ?... Je préfère être morte !
« Il parait. On dit. Tu devrais… »
Mais sait-on jamais ce qu'il faut ?
Ce qui nous convient ? Ce qui sied
A nos débordements d'ego ?
Je sais pas pourquoi je résiste
Au feu de mes propres désirs
C'est à croire que je n'existe
Que dans un éternel soupir
Mon passé pèse tellement
Sur les épaules du plaisir
Que je ne vis l'instant présent
Que dans la peur de l'avenir
J'sais pas t'aimer comme il faudrait
Et dans le tréfonds de mes rages
Même les colères que j'ai
Ne sont que des enfantillages
Quelquefois je me sens débile
Le cœur à côté de la plaque
Un cœur craintif, un cœur puéril…
Un cœur qui mérite des claques
Je suis fragile comme un rêve
Et soudaine comme une insulte
Mais je hais le jour qui se lève
Au lendemain de nos disputes
Moi qui n'avais rien à défendre
Que le vide au creux de mes bras
Moi qui n'avais rien à te vendre
Que tu ne connaissais déjà
J'en ai assez de dépenser
Le courage que je n'ai pas
J'en ai marre d'être épuisée
Par les efforts que je fais pas
Je sais qu'il faudrait lâcher prise
Faire une bonne fois confiance
Mais quoi qu'on fasse ou quoi qu'on dise
Je refuse ma délivrance
Je me sais tellement extrême
Tout est murmure ou tout est cri
Je ne sais pas dire « Je t'aime »
Même si parfois je l'écris
Car j'écris. Je l'écris. Et même
Je t'écris. J'écris que je t'aime
Je t'aime comme un vrai mystère
Comme on aime les cimetières
Comme l'horizon sur la mer
Comme le fin fond du désert
Quand j'aime un peu, j'aime beaucoup
Passionnément, à la folie
De peur de n'aimer pas du tout
Sinon les ombres que je fuis
J'ai quelquefois des attentions
Mais c'est de l'égoïsme pur
J'aime quand j'aime pour de bon
J'aime qu'on n'en soit pas très sûr
Ce que j'aime, je le détruis
De peur que l'amour s'enracine
Dans mon ventre-terre souillé
De peur que l'amour se répande
Et qu'il ait encor' les mains moites
De peur que l'amour m'envahisse
A coups de mensonges pervers
Je fais presque rien pour défendre
Le peu que j'arrive à construire
Mais la peur ça ne rime à rien !
J'ai presque tout fait pour te perdre
J'ai presque tout fait pour te perdre
J'ai presque tout fait pour te perdre…
J'ai presque étouffé !
Presque étouffé !
Presque…
J'sais pas t'aimer comme il faudrait
Ce que je ressens, je le tais
Et ne partage mes secrets
Qu'avec le chat ou mes poupées
J'ai des restes d'enfance au cœur
Comme des épines de rose
Qui empêchent que le bonheur
Installe sa métamorphose
Quand tu me caresses, j'ai mal
Aux caresses qu'on m'a volées
Je me sens comme un animal
Qui n'a plus personne où aller
Et mon corps se tend comme un arc
Au moindre te tes frôlements
Et je deviens statue de parc
Et je me protège du vent
Ce vent qui venait, petits pas
Pour me briser d'un coup d'un seul
Et qui fit que, depuis, mes draps
Chaque nuit me sont un linceul
Dans ce monde sourd à mes cris
Ce monde lâche et dérisoire
Où mon innocence meurtrie
S'est traînée jusqu'à ton regard
J'sais pas t'aimer comme il faudrait
Tendrement, quotidiennement
Je sais même pas, quand j'essaie
Si je t'aime ou si je te mens
Mais c'est pas toi, je te le jure !
C'est pas moi non plus, c'est la vie !
Cette malédiction qui dure
Et fait que ma route dévie
De ton cœur. Mais ce n'est pas toi !
Je voudrais que tu le comprennes
Ce n'est pas toi ! Ce n'est pas toi !
C'est ma douleur qui me gangrène
Car toi, je t'aime à ma façon
Je te le dis quand t'es pas là
Je t'aime par procuration
En ton absence. Et tant parfois !
Tu es le miracle et le roi
Tu es comme un rêve incarné
Tu es ce que j'attendais pas
Tu es tout ce que j'espérais
Et parce que tu m'as manqué
Je t'aime avec de la rancœur
Comme si je ne méritais
Que la promesse du bonheur
J'sais pas t'aimer comme il faudrait
A quoi ça tient d'aimer vraiment ?
On dit qu'on aime quand on est
Et l'autre et soi en même temps
Je sais pas comment faut s'y prendre
Ni qui peut m'apprendre à le faire
Je ne vois dans le geste tendre
Qu'un ennemi héréditaire
Il me semble que tu saurais
Toi, me guérir. Saurais-tu, ange ?
Si je te laissais tout changer
Moi qui voulais que rien ne change
Moi qui mets des trucs dans des cases
Des trucs, et quelquefois des gens
Moi qui ne suis jamais en phase
Avec ce que je veux vraiment
C'est toujours trop froid ou trop chaud
C'est toujours profond, toujours sombre
C'est toujours trop loin, ou trop haut
Toujours un bruit étrange, une ombre
C'est dangereux, c'est interdit
C'est toujours grave et toujours sale
Saurais-tu me guérir, moi qui
Découvre qu'il est, au final
A présent que tu es parti
Un mal plus puissant que mon mal ?
J'ai posé mon cul sur les pierres
Du muret qui dort sous le chêne
Qui jouxte la maison. J'espère
J'ai froid. J'attends que tu reviennes
Magnifique correspondance que j'ai eu encore bp de plaisir et de cœur à relire.
· Il y a plus de 5 ans ·Des mots justes pour une âme extra sensible...
MERCI Frédéric
Apolline
révèle le sens profond de nos coeur insensé
· Il y a plus de 6 ans ·egoiste a souhait, domination fragile,langoureux remords...
quelle feu de l'âme, bravo
Felix Metge
Bouleversant de vérité. Il y a des crimes qui durent toute une vie, il y a des criminels qui détruisent longtemps après qu'ils soient partis. Il y a des victimes qui deviennent leurs propre bourreau. ..
· Il y a plus de 6 ans ·-nicole-
L'intensité intense j'ai envie d'dire.. comme un torrent de sincérité.
· Il y a presque 7 ans ·J'ai un peu du mal à m'en remettre. Bravo!
billiebones
J'adoooore………
· Il y a presque 7 ans ·(ce n'est pas trop moi d'écrire ce genre de commentaire avec trop de 'o' mais ce matin je me sens rigolote …)
nyckie-alause
Merci Frédéric d'avoir republié ce texte, un sujet traité avec talent et délicatesse... toujours un plaisir de te lire, vraiment
· Il y a environ 7 ans ·marielesmots
Quel superbe texte !
· Il y a environ 7 ans ·Vous avez bien fait de le republier....
A nos actes manqués!
anne-onyme