Tes grands yeux

Frédéric Cogno

Je me rattrape à tes longs cils

Un soir de Rimmel en exil,

Comme un trapéziste éperdu

D'ivresse et de vide inconnus,

Crayonnant ses sauts périlleux

Sur le contour de tes grands yeux!

 

Ma vie ne tient plus désormais

Qu'à deux paupières fatiguées,

Le sommeil, c'est le mauvais oeil,

La chute maquillée, le deuil,

La fin d'un plongeon merveilleux

Dans la splendeur de tes grands yeux!

 

Et quel décor sous les arcades

Où vient s'iriser par myriades,

En arabesques sur la piste,

Le jade étoilé des artistes,

Quand un camée de lune bleue

Me fait pupill' de tes grands yeux!

 

Nymphes métissées d'émeraude,

Candeur candie d'une géode,

Ton regard est mon seul public

Dans ce grand cirque énigmatique

Où l'âme dilaté s'émeut

De l'Arcadie de tes grands yeux!

 

Tantôt tu pâlis, tu as peur,

Tantôt le blanc de l'oeil charmeur,

Peuplé de cirrus madrilènes

Qui me renvoient à perdre haleine

Dans leur nouveau ciel nébuleux,

Rite secret de tes grands yeux!

 

Mais ce numéro de voltige

Restera ma dernière affiche...

La nuit est là, l'oeil en coulisse,

Cell' qui me porte préjudice,

Quand ses conseils sont ténébreux

En me privant de tes grands yeux!

 

Or, si je dois mourir sur cerne,

Je veux pour ce qui te concerne,

Laisser un' trace indélébile,

Sur ta joue aurore, un des cils,

Symbole hagard de nos adieux

Qui te permet de faire un voeu...

 

Puis, quand ta main légère et sage,

Si douce à langer les nuages,

Viendra l'écarter sous le fard,

Pense à celui qui tout un soir,

S'en est servi, triste amoureux,

Pour s'agripper à tes grands yeux!

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