Tes seul mots : Te Quiero

cerise-david

«Te quiero » et ce refrain répétitif qui se répercute sur les murs de cet appartement trop étroit. Trop étroit pour toi, et moi. Pour nous, et eux. Les mots. Ceux qui partagent ma vie, et par conséquent, la notre. Ceux qui me prennent tout mon temps, tout mon savoir-faire, jusqu’à oublier comment t’aimer. Les fleurs c’est désuet, je t’écris des pamphlets; j’écrirais avec mon sang si l'encre du Bic refusait de couler sur les pages blanches. Je ne peux les retenir. Et toi, tu deviens folle, tu penses à tout pour moi qui en vient à tout oublier. Même notre premier baiser je l’ai enseveli sous une tonne de papier. Alors tu m’attaques, et on joue là notre dernière bataille. Moi, assis derrière mon bureau, à l’abri derrière tous mes mots; mes précieux alliés, et toi armé jusqu’aux dents. J’ai jamais su te dire « Je t’aime » et toi tu es capable de l’hurler durant des heures, dans toutes les langues. Tu as choisi cette chanson peut-être parce qu’en ce moment toutes les radios en font le relais et tu augmentes le volume ; jusqu’à faire imploser mes tympans. Tu veux que les mots, ceux de cet inconnu me transpercent. « Te quiero », et puis quoi d’autre ? Je ne sais plus. Tout un tas de syllabes liées les unes au autres par un son électrique qui m’électrise de l’échine aux orteils. Je hais le bruit, ne supportant à peine que le crissement d’une plume sur une feuille… et encore ! C’est pour ça que j’ai choisi un Bic, ca glisse. Comme ton amour sur moi, ton amour haineux et rageur, parce que tu comprends, aujourd’hui, que je suis incapable de te rendre heureuse. Tu le savais pourtant qu’ils étaient là avant toi. Ce n’est pas moi qui t’ai conquis, c’est eux. Tu es tombée amoureuse de mes mots, tu es tombée de haut. J’en oublie de me raser, de bosser, de manger. Je t’avais prévenu ; cette obsession, à toutes heures, en tout temps, depuis toujours, jusqu’à la mort, c’est ce qui me maintient en vie. Et toi, dans tout cela, tu survis. Là tout de suite, j’écris encore, tandis que les enceintes peinent à couvrir tes cris… Tu vas partir, tu vas me quitter mais avant tu vas me faire entendre. Prendre conscience, comprendre que les mots ne sont pas la vraie vie. Que j’invente des personnages pour mieux survivre, pour m’aimer moi et tous les autres, dehors. Tous ces gens que d’une simple phrase je peux rayer de ma vie ; c’est ce que tu vas faire me rayer de ta vie. 

« Te quiero, c’est fini. Si un jour tu sors de ta torpeur, tu comprendras combien il est trop tard, déjà. La vie est tel un livre mais il ne faut pas lire sa vie. » 

Elle a gravé ça sur mon bureau, avec un économe. Elle a économisé ses mots. Premiers et derniers mots ; les seuls qui auraient pus mettre un terme à cette obsession…

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