Un homme presque parfait

Tout le monde connaît Petisaintleu (pour preuve, vous lisez cette chronique). Il est l'auteur de nombreux ouvrages de cuisine (L'escalope panée n'a plus de secret), de jardinage (Le gazon, c'est tout bon) et de bricolage (Manier sa défonceuse sans pratique honteuse). Il nous livre aujourd'hui un ouvrage plein de sensibilité aux éditions Harlepinpin. Dans un livre témoignage, il nous dévoile la passion qui le lie à un autre membre de WeLoveWords qui lui arrive presque à la cheville, Arnold Roubidur. En voici un extrait pour vous mettre en appétit.

Arnold Roubidur (pour respecter ta pudeur, je ne divulguerai pas ta véritable identité), il est grand temps de te mettre à nu. Alors, allons-y, sans ambages et sans filet. Ah oui, mon imagination s'enflamme déjà, par digression sémantique. J'imagine le string éléphant qui te fut offert pour tes quarante ans. Mais t'en souviens-tu ? Avoue que non. Je suis certain que tu étais bourré …

Ce soir, je me suis promis de ne rien cacher. Je me jette à l'eau. Imagine-moi, l'index innocemment posé sur mes lèvres humides, les yeux dans le vide. Tu l'as bien cherché. Alors, je te rends la monnaie de ta pièce. Depuis presque deux ans, tu me turlupines de tes bons mots. Et, je l'avoue, j'aimerais les entendre de ta langue acérée. Sans forcer ma nature, tu as su pénétrer, au plus profond de mon âme, ce qui me fait vibrer. Tu sais me faire rire. Je suis un gastronome de tes saillies faussement plumitives. Quel délice quand tu tailles des croupières. Et, comme le dit l'adage, homme qui rit aime le Kiri …

Tu es joueur ? On va jouer. Loin de moi d'imaginer que tu n'es qu'un gland qui me met en tension. Tu as aussi un esprit. Je t'imagine, la nuit, bander tes pensées pour nous faire cracher ton jus littéraire. Tu es un peu vicieux. Tu lâches à la face du monde un jet d'encre aussi collant que le lait concentré dont, on me l'a dit, tu es friand quand tu couches tes idées. Que veux-tu, on ne se refait pas.

Ce que je préfère en toi, ce sont tes introductions. Quel doigté, tu sais t'y prendre pour me faire saliver. Après quelques bons mots pour tâter le terrain, tu y vas franco. Quel caudillo de la gaudriole. Loin de jouer le matamore, tu te fais matador, toujours prêt à embrocher.

Tout comme le Nutella, tu aimes à tartiner. Tu n'hésites pas à en rajouter une couche, à secouer les fondements de nos convictions. C'est à cela que l'on reconnaît les plus grands. Seuls les culs serré et les obscurantistes ne peuvent comprendre qu'au bout du tunnel vient la révélation.

Oui, Arnold, je rampe à tes pieds, je dépose mon armure, tu me désarmes. Je hausse mon drapeau qui se tendra au vent à chacune de tes joutes. J'y mets toutefois une nuance. Je ne m'abaisserai jamais à être ton esclave. Je tiens à mon indépendance. Tu ne sauras jamais qui se cache réellement derrière ce que j'ai couché.

Cependant, une chose me chiffonne. Oh, pas grand-chose. Bien souvent, une pensée unique vient hanter mes nuits. Un tout petit rien. Comment, toi, Arthur, as-tu pu négliger ce détail ? Pour le lecteur néophyte, tu vois je suis sincère, je suis sûr qu'il est un frein à ta découverte.

La photo de ton profil. Que tu souhaites préserver une part de mystère en ne dévoilant qu'une partie de ton visage n'est pas le problème. Mais, comment as-tu pu faire preuve d'un aussi mauvais goût ? Tu n'as donc jamais regardé l'émission de Valérie Damidot, D&co ? À pratiquement chacune de ses émissions, elle explique comment maroufler d'un habile coup de spatule. On ne voit que ça, comme une verrue, mon ami ! Par amitié, je t'invite à passer un week-end dans ma gentilhommière. Si tu veux avoir un jour une infime chance d'être édité, il sera plus crédible que tu prennes la pose dans ma bibliothèque.

Grand fou, va !