Un intelligent...

arthur-roubignolle

Un intelligent...


Jean-René Buleux, fils de Marcel et Monique Buleux, était un intelligent, et ce depuis qu'il était tout petit.

Son intelligence était si vive, si remarquable, si étonnante que, normalement, Jean-René aurait du faire des choses formidables dans la vie.

Mais l'ennui c'est qu'il était né dans une famille de cons, mais alors de vrais cons, de ces cons parfaits qui ignorent totalement qu'ils sont cons et qui ne douteront jamais de leur connerie même au seuil de la mort...

En effet, chez les Buleux, on était nés Buleux depuis au moins trois générations, et particulièrement con, c'était une tradition de famille pour ainsi dire...

Très vite, la vie de Jean-René Buleux devint insupportable, un vrai calvaire.

Il n'était pas compris évidemment, ni même entendu.

Ses parents disaient aux voisins : « Jean René il est bizarre, il dit de ces trucs qu'on comprend rien du tout à c' qu'y dit ! »

Comme quoi par exemple demandaient les voisins :

Ben y dit des trucs comme : «  Les espèces qui survivent ne sont pas les espèces les plus fortes ni les plus intelligentes, mais celles qui s'adaptent le mieux au changement ! »

Ben ça veut rien dire du tout disaient les voisins en se grattant la tête.

Et quel âge il a le petit ? Demandait l'un.

Quatre ans !

C'est pas normal ça ! Y doit avoir un truc au cerveau ! Disait l'autre...


Et tous ces cons, parents et voisins reprenaient des pastis en proférant de sombres conneries.


Y faudrait l'emmener chez un spécialiste des boyaux de la tête !

- Ah ouais, j'vois c'que tu veux dire, ça s'appelle un neuneurologue !

Meuh non, c'est pas un neuneurologue, t'y connais rien toi ! T'as même pas été foutu de passer ton certrificat d'études !

- Certificat on dit, pas certrificat, imbécile !


« Vous z'y connaissez rien tous, c'est chez un psychrologue qu'y faut l'emmener, et avec un scanner au laser y verront ce qu'il a dans le dedans du crane ! » Intervenait un autre voisin en décapsulant une bière...


Jean-René entendait tous ses propos depuis sa chambre, et, en soupirant, se replongeait dans « La Théorie de la Relativité restreinte » d'Albert Einstein...


Livre qu'on lui confisqua, et qu'on remplaça par le magazine « Voici-Voilà ».

«  Au lieu de lire tes conneries d'Eisnteigne, tu devrais plutôt te tenir au courant de l'actualité !

Tiens, tu savais même pas que Johnny il allait faire un dernier concert à Bercy pour ses 90 ans hein ?


Jean-René demanda : « Qui est ce Johnny ? Un chercheur en physique des particules ?


Mais bon Diou quel crétin ! Y sait même pas qui est Johnny dit son père en reprenant une bière...

Sa mère leva les yeux au ciel : « Mais qu'est-ce qu'on a fait au bon dieu pour avoir un enfant pareil ! »


Le mari : «  Sans compter tous les efforts qu'on fait pour lui, pour que Môssieur réussissent ses études de plombier-charcutier ! »


(Se tournant vers son fils) : On se saigne aux quatre veines pour toi petit, et toi, tout ce que tu trouves à faire pour nous récompenser, c'est passer ton temps à lire des bouquins chiantifiques !


« Scientifiques » papa, pas chiantifiques...


Et tu répond petit insolent ? Tu la veux ma main sur la gueule, tu la veux ? Ah si mon père à moi m'avait parlé comme ça, y a longtemps que j'aurai pris une rouste !


La mère : on est trop bon avec lui, trop gentil  Marcel....


Ouais t'as raison Monique, on est trop cons oui !


Jean-René intervint : « Ah enfin, vous reconnaissez que vous êtes...euh, comment dire, et sauf le respect que je vous dois, un peu limités... ? »


Hein ? Quoi t'est-ce tu dis là ? Tu nous prendrais pas pour des cons un peu une fois ? Fais bien attention à toi Jean René, pasque si ça continue faudra qu'ça cesse!


La suite de la vie de Jean-René n'est pas drôle, il dut renoncer à regarder Arte et les émissions scientifiques de la 5 à la télé.

Il fut obligé de regarder à la place, en compagnie de ses parents qui ronflaient à moitié devant la télé en cuvant leur vin « Questions pour un champion ».

Il devint incollable sur toutes les émissions de télé réalité.

A chaque match du PSG on l'obligeait à quitter sa chambre ou il lisait tranquillement Dostoïevski, ou bien Kant, pour suivre le match...

Il dut s'intéresser à la vie de Zlatan Ibrahimovic, aux propos de Ribery , aux frasques de Karambeu et de sa femme...

Il le fit parce qu'au fond il aimait ses parents et voulait leur faire plaisir.

Et puis parce qu'il se sentait seul aussi...

A quoi servait d'être intelligent si c'était pour se sentir aussi affreusement seul parfois?


Nourrit de cacahuètes, de chips et de Soda, à l'adolescence il devint obèse.

Chaque année ses notes déclinaient à l'école.

Il redoubla deux fois la sixième.

Son cerveau, enveloppé par les mauvaises graisses s'atrophia peu à peu...


A vingt ans il se maria avec Jennifer, une apprentie-coiffeuse et devint plombier-charcutier comme ses parents l'espéraient...

Il eut deux enfants : Kevin et Loana...


Vingt ans après il devint un heureux grand-père.

Mais son petit-Fils, Jean-Charles, âgé de 4 ans était bizarre...

Au lieu d'écraser des fourmis comme tous les gosses de son âge, il était plongé dans la lecture de Schopenhauer.

Et il disait des phrases étranges comme : «  On mesure l'intelligence d'un individu à la quantité d'incertitudes qu'il est capables de supporter ! »


Les grands-Parents, les parents, les voisins, tous réunis autour de l'apéro se regardèrent...


Et tous s'exclamèrent en levant les bras au ciel : « Çà y est v'la qu' ça r'commence.... »









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