Vent du Nord
fuko-san
A l’hôpital de tous-les-sints-van-belgïe, l’aube se leva pour la première fois. Voilà des mots sans majuscule, ni majesté, que j’ai appris à détester. L’hôpital pour l’odeur d’éther et toutes les mises en bière. Le saint pour l’encens qui nous enfume. Le pays pour les confettis abandonnés par l’empereur. Penchées sur mon berceau, les sœurs en cornette tançaient ma mère de tant de liberté. Comment grandir dans un royaume incertain, entre deux fleuves, aux confins de deux plaques linguistiques qui n’arrêtent pas de s’entrechoquer pour mieux se déchirer ?
Durant cette année de crus exceptionnels, qui vit disparaître un brillant comédien que tout le monde aima en Avignon, je fus donc fœtus. A sa mort, je naquis ! Cette année, marquée par le centenaire d’un chant provençal, me valut un prénom de circonstance, déguisée en fruit de Provence. Comment mûrir dans une région qui n’est pas un département, entre deux fleuves, aux confins des contreforts alpins qui retiennent le soleil et canalisent un vent à décorner les nonettes ?
Quittant l’Azur, j’empruntais la route Napoléon pour remonter dans la morne plaine, qui vit naître ma fille, fruit de mes entrailles et de quelques autres batailles. Oscillant du Nord au Sud, j’ai ainsi traversé toutes les régions de France et de Navarre, de Lombardie en Laponie, sautant par-dessus les fleuves et les frontières. A l’Est, j’ai été enquêter avant et après la chute du mur. A l’Ouest, j’ai navigué en eaux troubles jusqu’en Gaspésie. J’ai écrit, décrit, raconté, dessiné un continent en devenir. J’ai publié, corrigé, édité. J’ai rassemblé les pièces du puzzle, des fjords aux calanques, des îles anciennes aux villes nouvelles. L’Europe fut ma maison. J’y ai mis des fondations, posé quelques briques, lancé quelques ponts. Le plombier polonais m’a plombé mais les étudiants d’Erasmus ont essaimés.
La conquête ayant pris fin, le continent enfin unifié, restait à le doter de hautes technologiques. J’ai alors recruté des chercheurs, des inventeurs, des éco-novateurs, des bio-bricoleurs. J’ai aussi fait politologue à mes heures ! J’ai battu campagne, j’ai combattu les moulins et récolté les moissons. L’âge venant, mon idéal à construire passe désormais par des circuits plus courts. De l’information, je suis passé à la formation. J’ai repris ma plume et ma souris, j’écris. Plus sage je suis devenu, sans e, ni aucun genre. Sur le fleuve tranquille, je descends en sampan. Libéré, éthéré, Fuko San, j’ai signé !
Sacré parcours non fléché ! Très bon texte
· Il y a presque 11 ans ·riatto
@ Merci Valjean, tu as raison, bien sûr ! Mais j'aimais bien l'idée qu'ils soient nombreux à essaimer ;-)
· Il y a environ 11 ans ·En vérité, il m'arrive de tordre le français pour lui donner le sens que je préfère. C'est certainement là aussi une de mes particularités ... mais on ne peut pas ! Je sais, on ne peut pas... et c'est bien dommage !
fuko-san
Merci pour cet intéressant "coming août". Petite coquille a corriger, les étudiants d'Erasmus ont essaimé mais pas essaimés. Au plaisir de vous relire.
· Il y a environ 11 ans ·valjean
@ Haha ! j'écris dans le train ... en TGV bien sûr, ça va plus vite !
· Il y a environ 11 ans ·La vie n'est pas faite pour s'ennuyer... me trompe je ?
fuko-san
et après on la ramène avec nos expériences à la noix...
· Il y a environ 11 ans ·Bravo.
(ps: mais où prends-tu le temps d'écrire ? pendant tes formations liégoises ? ;-)
smilling-cocoon
une vie de bâtisseur et d'aventurier ... chapeau, et je vois que tu n'as pas (encore) lâché la truelle !
· Il y a environ 11 ans ·c'est bien pour nous tous ...
woody
@ Merci Mathieu
· Il y a environ 11 ans ·A vrai dire, je n'en sais pas davantage sur moi non plus... l'exercice est plus délicat qu'il n'y paraît !
fuko-san
On en sait plus, sans plus. Et finalement, c'est ça qui est bien.
· Il y a environ 11 ans ·Mathieu Jaegert