Virée sombre à Pigalle

le-fox

Pigalle, vous voulez que je vous dise, c’est plus ce que c’était. Sauf question touristes : alors là, y’en a. Même que les femelles touristes, on se demande si elles sont pas du cru. Avec leurs jupettes ras les miches et leurs œillades de morues décérébrées, elles te demandent l’heure, du feu, ou le chemin de la mer, tu crois que tu te fais michetonner. D’accord, y’a l’accent ; mais maintenant, les polkas, c’est métissage et compagnie. Du moins, celles qui restent. Pas beaucoup. Le pain de fesses a viré pain d’épices, quoi. Fini, la Bretonne cul d’artichaut, la Bourguignonne rupture de vendanges… Cueillies au dur gare Montparnasse, gare de Lyon… La petite valoche à la pogne, Rastignaquettes de contrebande… Elles venaient se « placer »  chez le bourgeois…  Je raconte, c’est de la préhistoire ! Emballées par Le Bosco, P’tit Fias, Louis le Beau Mâle, les gars de la tierce souteneuse… Ils faisaient miroiter des berlues… C’est beau, l’innocence ! Des avenirs jubilatoires, dorés sur tranches… Entre bonniche avenue du Bois (1) et mondaine rupine, vedettariat grand écran, diams et calèches, tu choisis vite. ça finissait rue Frochot, rue Duperré, radasse d’un julot casse-croûte, et croyez pas que je péjorative, hein ! Surtout pas ! Une bouchère, ça bosse dans une boucherie ; une radasse, c’est une gagneuse de rade. Appellation contrôlée « hôtesse ». Montée sur tubulures chrome, tabouret inamovible, hauteur calculée pour que le clille puisse mater les fumerons gainés résille, avec espoir de glisser l’œil plus haut. Trigonométrie élémentaire : sachant que l’angle entre le pied droit et le genou gauche est de tant, quelle est la hauteur de la cuisse ? Si je carme à hauteur d’une rouille, l’angle va-t-il changer de façon ad hoc ? Faut pas croire : l’amour, c’est un métier, si c’est pas un avenir. Il va changer, l’angle ; faut l’attriquer, faire briller les fafiots. Si t’es tondu, c’est lourdé !

J’y suis retourné, à Pigalle, il y a peu. Après vingt-cinq piges de détours. C’est là que j’ai vu le désastre. Faudrait pas foncer à la poursuite de ses souvenirs ; c’est des bêtises. Faudrait les foutre au musée, les souvenirs, dans un coinstot de la caboche, c’est du passé, n’en parlons plus. Visiter, des fois, les nuits d’insomnie… L’Atomik Bar, au 60 rue Pigalle, justement. Là où créchait Baudelaire.

Mais lui, je l’ai connu qu’après.

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