Au microscope de mes mots

Serais-je sans le savoir une petite souris de laboratoire ? Odieuse réincarnation que celle-ci car avec tous les matous qui traînent un peu partout, je crains de sentir la joyeuse morsure d'un félin quelques peu affamé.

C'est déstabilisant de sentir que les mots sont plus que voyelles et consonnes bien associées. Ils sont tellement plus que ça, ils sont plus que l'intention et l'émotion qu'on tente de leur appliquer. Ils sont ces oiseaux qui s'échappent de la volière laissée ouverte. On les regarde partir, s'éloigner sans jamais pouvoir les retenir. On les devine mais déjà, ils ne nous appartiennent plus. D'autres vont les attraper, les amadouer, les adopter et même qu'ils auront l'impression de les avoir mieux compris que quiconque...comme si chaque syllabe qui se détache aurait été cousue d'or spécialement pour eux. Des mots enfantés pour eux, qui leur murmurent ce que les autres ne peuvent comprendre et entendre.

Et s'ils se trompaient, s'ils ne devinaient que leur écho, s'ils ne faisaient que se parler à eux pour se rassurer en se disant que les mots, ceux qu'ils lisent sont la fidèle interprétation de ce qui se trame dans leur esprit. Hein et si les mots n'étaient pas ceux qu'ils pensent être, si les mots n'étaient que des mots, ceux de l'autre. Celui qui les a choisi pour laisser la trace d'un instant de vie.

Alors s'il y avait un autel des réclamations, dès ce soir j'y dormirai pour éclairer ma plume avec ce superbe ciel étoilé où rassurée je saurais qu'on ne viendrait plus m'analyser. Hélas, ce n'est que chimère. Il y aura toujours quelqu'un pour croire qu'il a tout compris, qu'on parle de lui. Pourtant...je vous assure face à mon miroir, ce n'est qu'à moi que je parle. J'expire les mots pour aérer mes pensées et ça n'a jamais valeur de vérité pour celui qui voudrait me les emprunter...ils sont le reflet de ce doux moment où j'ai juste voulu continuer à respirer.