AU MUSEE

AU MUSEE

Elle est assise en face de moi, sur le sofa. Ses jambes croisées, cette peau trop blanche, ce maquillage toujours présent. Comment faire pour m’en débarrasser ? Dix ans au moins que je la supporte, que j’ai peur de ses crises de folie. Elle me tient.

Elle est debout dans la kitchenette, penchée sur la théière électrique. Le chien, son caniche, articule distinctement : « kaka ! ».

« Descends le chien ! » ordonne t-elle, sans se retourner. Je ne refuse pas, car elle deviendrait furie. Mais, je lui explique calmement, doucement, que je ne peux certainement pas promener son chien, car mon épouse pourrait me surprendre. Elle n’en disconvient pas. Le chien ne sortira pas !

Je reprends l’ascenseur très étroit, sorte de cercueil en position debout, qui m’a amené jusqu’à ce studio que j’avais acheté pour la loger quelques mois, dix ans auparavant, car je n’avais pas le cœur de l’abandonner dans le froid. Le beau temps revenu, elle avait refusé de quitter les lieux.

J’étais à présent marié et j’habitais, par hasard, à quelques centaines de mètres du studio, situé rue de la Santé en face de l’Hôpital. Pourquoi me sentais-je obligé de venir la voir. Sans doute parce que j’étais attaché à cet appartement, mon seul véritable investissement.

Elle ne sortait jamais, comme si ce studio était sa tombe. Elle était pourtant jeune et belle. J’avais peur qu’Isabelle, un jour, ne découvre tout, bien qu’elle ignorât jusqu’à l’existence de cet appartement. Il n’est pas nécessaire de dévoiler tout son passé à l’être aimé. Mais, était-ce le passé ?

Comment fait-elle pour faire uriner son chien ?

Je lui achète sa nourriture. Mais, comment fait-elle pour se procurer les produits de beauté ? Ou, s’agit-il d’un maquillage permanent ?

Isabelle me tire par la manche. Je détache mon regard de la momie du British Museum.