Aujourd'hui je me construis un jardin

Elle est là, sur la terrasse, sur la vieille chaise de jardin verte, les genoux retroussés et la nuque qui bascule en arrière. Elle est là, exactement comme la veille, elle et sa tasse à café presque vide, elle ne finit jamais rien. Elle fait l'effort de relever la tête pour me saluer, elle tente un sourire.

« Aujourd'hui tu vas bouger, je t'emmène »

« Sûrement pas, aujourd'hui, je me construis un jardin »

Et merde, c'est quoi, encore cette histoire de jardin ? Faut dire, qu'il faut s'attendre à tout avec Louise, elle passe des jours sans avoir une seule idée qui irrigue son cerveau biscornu et un beau matin, elle se réveille avec une révolution dans la tête. Mais elle ne finit jamais rien. La dernière fois, elle voulait se lancer dans la déco intérieure, pour s'occuper il paraît, elle a acheté de la peinture, des dizaines de pots de peinture de plusieurs couleurs, pour « ses plusieurs envies », des rubans en dentelle et du tissu. Elle s'est affairée une matinée à décoller les étiquettes des bouteilles de vin, elle avait tout étalé sur la table du salon, elle a peint une seule bouteille, même pas en entier et puis elle l'a laissée moisir là, dans le coin de la pièce. C'est toujours comme ça, elle fait des plans, elle échafaude, elle construit des itinéraires et des fenêtres qui donneraient sur la mer, des fenêtres qu'elle laisse au bord de la route. Du coup, son histoire de jardin, ça me fait un peu flipper, ça va se terminer en queue de poisson encore. Le mois dernier, sa nouvelle idée, c'était : « les gars j'me casse à Rome ». Comment ça elle se casse à Rome ? Toute seule ? Pour quoi faire ? Paraît qu'elle avait besoin d'Italie, de voir des vieux volets colorés et de remonter des rues. J'me suis dit, que tout ça, c'était du vent, qu'au moment de prendre son avion, elle se raviserait, elle n'ose même pas aller prendre un café dans la ville voisine, alors à Rome, j'ai bien ri. Pourtant, elle y est allée à Rome, elle et son sac à dos, ça lui a fait pousser des fleurs dans la tête. Bref depuis, c'est reparti comme en 40, plus d'idées, juste du café qu'elle ne finit pas, jusqu'à ce matin et son histoire de jardin.