CAPTIVE

A la cour du roi fou,

Tout apparait flou

Pourtant tout semble doux

Limpide, clair et moiré

De tendres tentures azurées

Flottent en étendards cramoisis

Affichant de riches armoiries

Datant de nombreuses décennies.

Je suis la sirène emprisonnée

Mes écailles, mes nacres se ternissent, fanées

Je perds mon éclat, desséchée

Qui de moi aura pitié ?

Me rendra ma liberté ?

Au creux des vagues

Cheveux flottants tels des algues

De récifs en îles au Trésor

Je voyageais pour changer de décor

Insouciante naïade effarouchée

Je chantais des notes à tous les vents.

Mes baisers aux marins, éprouvants

Offraient une douce agonie

Aux navigateurs imprudents

Sous la lumière de la lune éblouie

Nageant avec mes sœurs

Ne formant qu'un seul cœur

Je n'avais pas vu, en pleine mer jetés,

Ces traitres filets innommables

Coupables de ma capture

Depuis cette félonie

Je demeure et me meure en ce donjon

Où le roi fou m'oublie

Exposée hier tel un joyau, aux courtisans hilares

(N'est-il pas trop tard ?)

Dans ce bocal je m'étiole, loin sont les étoiles,

Astéries des mers, des océans

Décorant ma longue chevelure,

Absents les poissons étincelants

Et mes amis les dauphins

Puis une visite ce jourd'hui

Un troubadour est venu pour adoucir ma peine

Il réclamait ma voix, mais me voilà trop lasse

Pour entonner un chant d'amour 

Voyant ma détresse et réalisant mon état de faiblesse

Il me promet la liberté…

De retrouver mes sœurs et l'onde salée soyeuse qui lisse et polie mes écailles

Dois-je m'abandonner à cet espoir ?

Comment pourrait-il me transporter sans blessure,

Hors de ce bac sépulture ?

Il promet de revenir avec des amis sympathisants

Et depuis j'attends ! j'attends ! j'attends et je désespère

Je débute alors un long chant d'agonie

Mes bourreaux pourront bien presser leurs mains à leurs oreilles,

Rien n'empêchera leur trépas.

Ce chant ira prévenir mon père le roi des mers.

Il déchainera les éléments, un tsunami

Pour venir à bout de ce donjon funeste

Et libérer sa fille adorée de la vile félonie des hommes

Qui ont oublié que la mer donne, mais que la mer reprend !