Check Point

wen

C’était un dimanche, juste après la messe.

Nous étions partis, avec mes parents passer le week-end dans notre maison de campagne. En deux heures de route, nous étions dans la campagne, au milieu des champs. Une respiration dans mon existence urbaine réglée comme du papier à musique. Je savais surtout qu’ici, je pourrais échapper à mes obligations studieuses. Le dimanche s’annonçait beau et la chance pointait le bout de son nez. Je savais que je pourrais, si je me débrouillais bien, laisser mes parents à leurs occupations paroissiales pour qu’ils me laissent rentrer à la maison à pied. En chemin, je bifurquais et alla rendre visite à l’Indienne. Tout le monde la surnommait ainsi car elle habitait dans une yourte. Mes parents la regardaient d’un mauvais œil comme beaucoup au village mais elle me plaisait bien à moi. Surtout, chaque fois que je me rendais chez elle en cachette, elle me faisait écouter de la musique différente, me parlait de choses que je ne comprenais pas toujours mais qui me fascinait. Une drôle d’odeur flottait toujours dans sa “ tente ”. C’était chaud, enveloppant, douillet.

Elle me parlait de choses étonnantes comme des désirs physiques, des envies différentes. L’aumônier du lycée évoquait aussi cela, mais lui il parlait de déviances, de vices malsains. Pas de plaisirs ni de découvertes. Elle me parlait de libre conscience, de choix, de libre arbitre. Je n’ai pas compris cette dernière expression. J’avais appris que tout est écrit, que si je m’écarte de la voie tracée, je risque des châtiments terribles. Je lui dis. Elle me sourit tendrement. Et m’embrassa.

Je ne pu reculer mon visage, je n’en avais pas envie. Elle me dit ensuite que j’avais encore beaucoup de choses à apprendre avant d’être adulte. Je ne compris pas.

Elle m’expliqua que la société a besoin de transgresseurs. Si tout un chacun se plie aux normes, c’est toute la société qui se retrouve “ normale ”, qui stagne et qui régresse en définitive. Chacun doit pouvoir avoir ses fantasmes, ses plaisirs, ses déviances, car ils portent l’essence même de l’évolution. Elle m’expliqua que certains voudraient interdire le plaisir, ne supportent pas l’idée qu’une femme ou un homme ressente du plaisir.

Je ne compris pas le mot fantasme. Elle me parla alors du regard de l’autre qui abîme, qui juge, qui dégrade. Je rentrai chez moi la tête pleine de questions.

Nous nous sommes écrits pendant plusieurs années. Ma main plongeait parfois dans ma culotte en lisant et relisant ses lettres. Un jour, je cru avoir une crise cardiaque. Je ressenti un moment de plaisir intense, comme jamais auparavant. Je lui racontai par écrit et elle me répondit une lettre pleine de tendresse. Elle me dit que j’étais prête à découvrir le monde, que j’avais trouvé la clef du monde adulte. Je ne l’ai plus jamais revue mais elle me libéra de mes chaînes. Je découvris le plaisir, la jouissance et le poids de la servitude. Pour goûter le plaisir d’être libre, il faut avoir été asservi. C’est ce que je me disais en me rhabillant après avoir fait l’amour passionnément avec ma colocataire Marie juste avant d’aller au déjeuner dominical chez mes parents, à la campagne. Ils avaient invité François-Xavier et ses parents. Il avait vendu la mèche, il me demandera en mariage pendant l’apéritif devant tout le monde.

Je vais refuser car maintenant je suis libre.

Et puis je suis bien capable de m’acheter une bague toute seule, non ?

  • Merci Léo. Peut-être que ce texte apparaît un peu simple à la première lecture mais j'espère vraiment qu'il emmène le lecteur avec lui "par surprise". Que sous ses airs de ne pas y toucher, finalement il bouscule le lecteur sans le prévenir, en le ménageant durant le récit.
    En tout cas, merci beaucoup d'être passé et j'attends de pouvoir le déposer pour le concours (car toujours pas possible...)

    · Il y a environ 12 ans ·
    Francois merlin   bob sinclar

    wen

  • Dur ! Non je suis d'accord avec vous deux : le sujet de la transformation est difficile à soumettre avec si peu d'espace. On sent par contre tout les ingrédients, et ça marche bien. Mais je me demande si ça ne marche pas qu'avec des lecteurs assidus et qui ont été heurtés par les millions de textes du site. J'ai la sensation qu'il est facile de passer à coté du texte, et que c'est bien dommage. Je ne crois pas à l'obligation de décrire chaque étape du processus de pensée, pourtant.

    · Il y a environ 12 ans ·
    Rat3 54

    Léo Noël

  • Wictorien, tu n'as pas idée à quel point je suis d'accord avec toi sur l'inadéquation entre le sujet et le format. De mon point de vue, ce type d'exercice et ce texte en particulier mériterait beaucoup, beaucoup plus. Mais tu sais comme moi probablement la difficulté d'accrocher un lecteur quand un texte fait 10, 15 ou 20 pages...

    En tout cas, merci beaucoup pour tes compliments, j'ai effectivement essayé de faire que ça glisse, que ça coule, que ça soit lisse, sans aspérité, à l'image de ma petite héroïne en fait. Le sujet n'est pas une fracture, une cassure ou un événement particulier. C'est pour moi l'histoire d'un glissement, d'une découverte sur la durée, sans heurts, naturellement presque.
    Et enfin, de toi à moi, pour ce qui est de travaux un peu plus longs, je suis en train de travailler dessus. Suite un peu plus tard... (attention teaser !!!!!)

    · Il y a environ 12 ans ·
    Francois merlin   bob sinclar

    wen

  • Merci Sweety, très beau compliment venant d'une lectrice insatiable comme toi.

    · Il y a environ 12 ans ·
    Francois merlin   bob sinclar

    wen

  • interessant...
    J'aime bien le contraste entre la "morale" judeo chretienne et la "liberté" d'etre soi, de vivre chaque expérience et de jouir pleinement.
    tres bon texte

    · Il y a environ 12 ans ·
    Suicideblonde dita von teese l 1 195

    Sweety

  • Merci Mys'. Les pères la morale ont fait tellement de mal à tant de générations... Estimons-nous heureux de pouvoir nous y soustraire aujourd'hui. Du moins, beaucoup plus qu'avant en tout cas. Et vivons heureux, autant que faire se peut !

    · Il y a environ 12 ans ·
    Francois merlin   bob sinclar

    wen

  • Wen, j'adore ce texte. je le trouve juste.
    si tu savais ce qu'évoquent pour moi les censeurs et les grenouilles de bénitier!
    très beau texte cdc!

    · Il y a environ 12 ans ·
    Img 0052 orig

    Karine Géhin

  • Merci Rev'.

    · Il y a environ 12 ans ·
    Francois merlin   bob sinclar

    wen

  • Merci Eaven. Et oui, jouir sans entrave, c'est (aussi) dépasser ses propres barrières. Et ça, je pense qu'on ne peut pas le faire tout seul, il faut un "passeur". J'ai essayé de le décrire le plus tendrement possible.

    · Il y a environ 12 ans ·
    Francois merlin   bob sinclar

    wen

  • Jolie écriture effectivement

    · Il y a environ 12 ans ·
    Tyt

    reverrance

  • Je comprends pourquoi tu me dis de te lire, tu écris pour une fille, pas facile... les changement de genre ;) Le thème me plait, c'est profond et juste, il est très important de rencontrer quelqu'un qui vous autorise à être vous-même et qui vous explique que transgresser les interdits cons permet de vivre en étant libre avec ce que l'on est vraiment, que c'est possible, que ce n'est pas mal, que ce sont les coupeurs de tête et de corps qui font du mal. Je suis à fond avec ça. Très jolie écriture en plus, toute simple et fraiche.

    · Il y a environ 12 ans ·
    Gants rouge gruauu 465

    eaven

  • J'espère que LG. me pardonnera l'emprunt d'une phrase de son (si beau) texte Le Dépôt. Je ne pouvais pas ne pas utiliser cette phrase, tout ce récit part de là.

    · Il y a environ 12 ans ·
    Francois merlin   bob sinclar

    wen

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