Chronique d'un acte manqué

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Elle s’approcha doucement sans pour autant chercher à dissimuler sa présence.

Il ne bougea pas.

« Voilà qu’il devient  sourd » ironisa-t-elle.

Elle avança encore, l’observa un moment en silence et eut la satisfaction de voir son œil noir se poser furtivement sur elle.

« Sourd peut-être, mais toujours curieux. »

-          Alors Charles, l’interpella-t-elle, t’es pas encore mort ? Tu fais de vieux os ?

Il l’ignora superbement mais elle ne s’en formalisa pas, elle avait l’habitude. Ils fonctionnaient comme ça depuis si longtemps qu’il n’y avait aucune raison pour que cela changeât. De toute façon, qu’aurait-il pu lui répondre…

-          Maman a dû te dire que je venais, non ? Tu vas devoir me supporter deux semaines, tu crois que tu vas pouvoir y arriver ?

Il expira bruyamment, signe qu’il l’avait entendue. Satisfaite, elle ajouta :

-          Et je compte bien en profiter. A ce sujet, autant que tu t’y fasses tout de suite, tu ne la verras pas souvent. Je nous ai concocté plein de trucs de filles et vu que tu n’en es pas une, ce sera donc sans toi. Sans rancune mon pote !

Elle tourna les talons et s’éloigna d’un pas assuré.

Il la suivit des yeux, impassible.

La jeune femme pénétra dans la cuisine, sa mère, attablée devant une tasse de café, lisait le journal ouvert aux pages sportives.

-          Alors ? Quelles sont les nouvelles ? lança-t-elle en entourant sa mère de ses bras, qui leva sur elle un regard étonné.

-          Jeanne, ma chérie ! Te voilà déjà ? Quelle bonne surprise !

Aussitôt, la jeune femme se raidit :

-          Tu as oublié, n’est-ce pas ? Tu as oublié que je venais, c’est ça ?

-          Mais non ma grande, pas du tout ! Seulement… Tu es un peu en avance non ? Tu avais dit que tu serais là après le 14.

-          Non maman, soupira Jeanne, je t’ai dit que je resterai jusqu’au 14. JUSQU’AU maman, pas APRES !

-          Ah ? Tu en es certaine ?

-          Je te l’ai confirmé par mail il y a au moins un mois.

Elisabeth fit assoir sa fille, prit ses mains dans les siennes et lui parla d’une voix douce mais sans appel :

-          Je crains, ma chérie, devoir te décevoir une fois de plus… C’est probablement de ma faute… J’ai dû intervertir les dates… Je pars après-demain en Argentine. On m’a demandé de présider un concours. C’est Daniel qui m’en a parlé  il y a deux semaines environ, je ne pouvais pas refuser, tu comprends ?

Jeanne retira ses mains de celles de sa mère, refusant d’admettre ce qu’elle venait d’entendre.

-          Non. Non, je ne comprends pas. Je ne comprends pas que tu aies pu oublier qu’on passerait deux semaines ensemble. Je ne comprends pas que tu aies pu « intervertir les dates » comme tu dis, alors que tu n’as de cesse de me harceler pour que je vienne te rendre visite. Je ne comprends pas que tu me laisses tomber pour un énième concours alors que tu n’as qu’une fille et que, comme tu en as l’habitude, c’est elle que tu sacrifies. Non, tu vois, je ne comprends pas…

-          Pourquoi ne viendrais-tu pas avec moi ? proposa Elisabeth

Jeanne la fixa un moment avant de lui lancer en quittant la pièce :

-          Je n’ai pas de passeport !

Elisabeth soupira. Que les rapports avec Jeanne étaient donc compliqués ! Depuis qu’elle était gamine, cette enfant était une éternelle insatisfaite. Quand Elisabeth s’absentait, elle la voulait auprès d’elle et quand elle était là, elle lui faisait payer son absence. Elle avait espéré qu’en grandissant, Jeanne aurait compris les choix parfois douloureux que sa mère avait fait dans le passé… Mais non, elle continuait à se comporter comme si elle avait cinq ans.

Préférant laisser sa fille se calmer seule, elle sortit de la maison et se dirigea vers les écuries.

Autrefois, les six box avaient chacun un locataire, certains même y étaient nés, d’autres y étaient morts, mais tous y avaient laissé leur odeur. Il y en avait eu vingt-six au total, Elisabeth les avait tous aimés d’un amour inconditionnel, de cet amour que seule une mère est capable de donner et qui rend une enfant incroyablement jalouse. La jalousie, puis la haine que Jeanne avait développée à l’encontre des chevaux dépassait l’entendement d’Elisabeth. Pendant des années, elle avait essayé d’intéresser son enfant au monde équestre afin que mère et fille puissent partager cette passion qui la dévorait, mais, plus elle poussait Jeanne vers les chevaux, plus celle-ci développait une aversion telle, qu’elle s’en rendait physiquement malade.

Elisabeth avait capitulé, laissant son enfant aux soins de nourrices, gouvernantes et autres psychologues alors qu’elle parcourait le monde à la conquête d’innombrables récompenses hippiques.

« Et pourtant, se dit-elle en arrivant devant l’enclos, si c’était à refaire, je referais pareil… »

Comme s’il avait entendu cette dernière pensée, Charles tourna la tête et trottina à la rencontre de sa maîtresse. Arrivé à la barrière, il frotta sa joue contre son épaule, attendant qu’elle le gratifie d’une caresse ou, pourquoi pas, d’un morceau de sucre.

-          Charles, murmura-t-elle à l’oreille du cheval, mon vieil ami… J’ai encore tout gâché n’est-ce pas ? Que ferais-tu à ma place ?

L’animal recula pour mieux la contempler. Elisabeth plongea dans son regard, étonnée d’y trouver, comme à chaque fois, un incroyable apaisement.

-          Tu ne partirais pas… Tu resterais là à t’occuper d’elle. Voilà ce que tu ferais.

Il hennit doucement.

-          Tu ne me facilites pas la tâche tu sais.  

Elle recula, lui faisant face, raide, presque fâchée :

-          Oh, je sais ce que tu penses, continua-t-elle, c’est pas la peine de me regarder comme ça ! Il y a longtemps que j’aurais dû lui parler, mais voilà, je n’en ai jamais eu le courage… En aurait-elle été plus heureuse ? Ca tu vois, même toi, avec tes grands airs de celui qui sait tout, eh bien, tu n’en as pas la plus petite idée ! T’es là, à brouter, à faire le tour de ton enclos et à me fusiller du regard ! C’est facile pour toi…

Sans un bruit, Charles s’éloigna d’Elisabeth. Vexée, celle-ci hurla :

-          C’est ça, va-t’en ! C’est tellement plus simple ! Lui aussi, tu vois, il me tournait le dos chaque fois que je lui parlais d’elle. Et tu sais ce qu’il a fini par faire, n’est-ce pas ?

A présent, le cheval trottait, comme pressé de se soustraire aux accusations de sa maîtresse.

-          Toi non plus tu ne veux rien entendre ! lui lança-t-elle. C’est avec lui que tu aurais dû rester, vous êtes pareils !

Le visage d’Elisabeth était inondé de larmes. Tant d’années avaient passé et pourtant, la douleur ne s’estompait pas. Elle était là, nichée dans sa poitrine, aussi brûlante qu’auparavant. Pendant tout ce temps, c’est Charles qui l’avait accompagnée, réconfortée, la portant sur son dos lors de leurs échappées salvatrices. Et aujourd’hui, alors qu’il n’aspirait probablement qu’à une fin de vie paisible, voilà qu’elle l’insultait, repoussant, comme à chaque fois, ce moment qu’elle savait inévitable. Sa colère s’évanouit aussi vite qu’elle était apparue.

-          Allez, viens, l’appela-t-elle.

Charles ne bougea pas.

« Tête de mule » sourit-elle en contournant l’enclos. Arrivée à hauteur de l’étalon, elle sortit un sucre de la poche de sa veste :

-          Je te présente mes excuses, Charles.

Elle lui tendit le sucre, paume ouverte, comme une offrande. Majestueux, le cheval accepta la friandise avant d’en réclamer une autre aussitôt après.

-          Non Charles, ce n’est pas bon pour tes dents. Viens, on va plutôt aller se dégourdir les pattes.

Elle ouvrit l’enclos, grimpa sur son dos et ils partirent au pas, se soutenant l’un l’autre comme un vieux couple d’amoureux.

De la fenêtre située au premier étage de sa chambre, Jeanne les observait. Comme à chaque fois que sa mère montait l’étalon, elle ne pouvait s’empêcher de les admirer. Ensemble, ils avaient gagné de nombreux concours, Jeanne avait assisté à quelques-uns puis y avait renoncé, ne réussissant pas à trouver sa place dans cet étrange couple que formait la femme et l’animal. A l’époque, la presse les avait même surnommés  « Le Centaure » tant ils semblaient indissociables.

-          Crève…, murmura la jeune femme entre ses dents, regrettant presque aussitôt ce que ses lèvres venaient de laisser échapper.

Furieuse contre elle-même ; contre sa mère, elle attrapa son portable. Une voix masculine répondit à la deuxième sonnerie :

-          Salut chérie ! Alors, tu…

-          Je rentre, coupa Jeanne.

-          Ah… Ok. J’en conclue que ça ne s’est pas passé comme tu le voulais ?

-          Ca ne se passera pas du tout. Elle part après-demain.

-          Mais je croyais que vous deviez…

-          Oui, eh bien moi aussi, figure-toi ! Mais elle a oublié ! Comme toujours ! Je t’avais dit que ça ne servait à rien !

-          Ok Jeanne, calme-toi s’il te plaît. Qu’est-ce qu’elle t’a dit exactement ?

-          Mais rien ! Elle a confondu les dates, voilà ce qu’elle a dit ! Du flan, oui !

-          Et là, elle est où ? Ca peut peut-être s’arranger, non ?

-          Elle est partie avec Charles, qu’est-ce que tu crois ! Eh non, ça ne s’arrangera pas parce que je rentre.

-          T’es sûre ? Tu ne t’emballes pas un peu trop vite ? Laisse-lui une chance…

-          Tu m’emmerdes Paul ! Prends sa défense pendant que t’y es ! On voit bien que tu ne la connais pas !

-          Reste cette nuit Jeanne. Tu ne vas pas prendre la route dans ton état. Pense au…

-          Ok, ok, je pars demain matin, ça te va ?

-          Sois prudente s’il te plaît.

-          Oui.

-          Je t’aime. Je vous aime.

-          Nous aussi, Paul… A demain.

Jeanne raccrocha. Paul lui manquait. Elle aurait voulu être avec lui, dans ses bras et oublier ses espoirs déçus. Il avait raison, elle n’était pas en état de prendre la route. Elle dînerait ce soir avec sa mère, tâcherait d’éviter tout sujet sensible, et repartirait le lendemain sans lui avoir dit la raison de sa venue. Tant pis, sa vie, dorénavant, se ferait avec Paul.

Alors qu’elle préparait ses affaires pour la nuit, elle fut interrompue par un formidable hennissement. Elle accourut à la fenêtre, inquiète, et vit Charles galoper vers la maison, roulant des yeux affolés, comme fou. D’abord, elle recula, prise de panique. Elle attendit que quelqu’un vienne calmer l’animal mais celui-ci s’était arrêté net devant le bâtiment sans que personne ne vienne s’interposer. Elle osa un regard par la fenêtre. Charles soufflait bruyamment, son corps, luisant de sueur lui donnait une puissance presque immatérielle. Il capta son regard, hennit de nouveau, plaintif.

Jeanne regarda alentour. Personne.

Et tout à coup, la peur déferla sur elle comme un tsunami. Sa mère ! Où était sa mère ? Pourquoi Charles revenait-il, seul, tel un dément ?

Pendant un moment, son corps refusa d’envisager le moindre mouvement. Si elle bougeait, alors, ce serait comme si elle ne pourrait éviter l’impensable. A l’abri derrière les rideaux de sa chambre, peut-être y avait-il encore une chance que tout cela ne fusse qu’un mauvais tour de son imagination.

Un nouvel hennissement, plus soutenu cette fois, l’obligea à reprendre pied dans la réalité. Sans plus réfléchir, elle dévala l’escalier, ouvrit la porte d’entrée, marque un temps d’arrêt devant Charles qui s’impatientait et, retrouvant des gestes qu’elle croyait oubliés, elle sauta sur le dos de l’animal, prit les rênes d’un mouvement assuré et encouragea le cheval à lui faire confiance :

-          On y va mon vieux Charles…

Ils partirent au galop, puis, sans que Jeanne n’ait esquissé le moindre geste, le cheval ralentit sa course comme pour rendre cette chevauchée moins éprouvante à sa cavalière.

Surprise par ce changement soudain, Jeanne sourit, caressa l’encolure de sa monture, tout en le remerciant doucement :

-          On ne peut rien te cacher, n’est-ce pas ?

Puis, l’inquiétude reprit le dessus et l’on n’entendit plus que le bruit des sabots sur le chemin rocailleux.

Ils chevauchèrent ainsi quelques minutes, et n’eusse été l’urgence de la situation, la jeune femme se serait sans doute laisser aller au plaisir charnel de ce corps à corps qu’elle pensait ne jamais pouvoir ressentir.

Jeanne sentit le cheval ralentir et, au loin, elle aperçut une silhouette allongée. Les jambes raides d’appréhension, elle se dirigea vers le corps immobile de sa mère, consciente à présent de ce qu’elle avait toujours eu alors qu’elle était à quelques pas de le perdre…

Accompagnée de la douloureuse plainte de Charles resté à l’écart, elle s’approcha à grands pas lorsqu’elle perçut un mouvement. Sa mère tournait lentement la tête vers elle :

-          Jeanne, ma chérie, enfin…

-          Maman ! s’écria la jeune femme, maman !

Incapable de prononcer la moindre parole, elle éclata en sanglots dans les bras de sa mère.

-          Calme-toi, ma chérie, calme-toi… Ca va, ça va, regarde, juste une jambe cassée.

-          J’ai eu tellement peur… Charles, il…

-          Je lui ai demandé d’aller te chercher. Il a eu peur lui aussi, tu sais. Un sanglier a déboulé juste devant nous, il a rué, je suis tombée. C’est bête n’est-ce pas ? Je crois bien que je vais annuler mon voyage en Argentine. Finalement, ça tombe plutôt bien, non ?

Quelques jours plus tard, les deux femmes, installées côte à côte dans le jardin, observaient l’animal qui, indifférent, semblait avoir oublié l’accident responsable de la jambe plâtrée de sa maîtresse.

-          Pourquoi tu l’as appelé Charles, demanda Jeanne.

La question abrupte déstabilisa sa mère qui resta silencieuse un moment avant de souffler :

-          C’était le prénom de ton père.

Interloquée, la jeune femme partit d’un grand éclat de rire, incontrôlable :

-          Tu as donné le nom de mon père à un cheval ?! hoqueta-elle.

Au loin, vexé, l’animal frappa violemment le sol de son sabot.

-          Je ne sais pas qui, de ton père ou de Charles, en est le plus meurtri…

Calmée, Jeanne reprit, plus sérieuse :

-          C’est quoi l’histoire ? Il est parti et il t’a laissé un cheval en lot de consolation ?

-          Oui. A quelques détails près, c’est aussi banal que ça. Enfin presque.

-          C’est-à-dire ?

-          Ton père ne vivait que pour ses chevaux. C’est d’ailleurs ce qui nous a rapprochés. Je m’entraînais chez lui, et puis, au fur et à mesure, on a fait un peu plus…

Il avait une jument qu’il adorait par-dessus tout. C’est vrai qu’elle était belle mais pas uniquement. J’ai gagné plusieurs championnats avec elle. Et puis un jour, on l’a faite monter, et elle a attendu un petit très vite.

-          Charles…

-          Charles, oui… Ton père désirait cette naissance comme un…., enfin…, il l’attendait impatiemment. Il était sûr que ce serait un champion.

-          Il l’a été…

-          Oui.

-          Et moi là-dedans ?

-          Quelques semaines après son cheval, c’est sa compagne qui est tombée enceinte. Toutefois, la nouvelle n’a pas déclenché chez lui le même enthousiasme que la grossesse de sa jument…

-          Et voilà, il est parti ? Comme ça ?

-          Non, pas comme ça. Il a essayé de s’intéresser à nous, à toi.

-          Visiblement, il n’y est pas arrivé.

-          Il aurait pu. Seulement, peu après ta naissance, la mère de Charles est morte. Il n’a pas supporté. Il s’est éloigné.

-          Et si j’avais été un garçon ?

-          Je crois que cela n’aurait rien changé, tu sais.

-          Et toi ? Tu as pris le poulain, et tu l’as appelé comme ton amant. Maman, c’est un peu tordu, non ?

Sa mère rit, parfaitement à l’aise :

-          Oh, sur le coup, c’était un pied de nez. La conduite de ton père ne valait, somme toute, pas mieux que celle d’un animal… Et puis, avec le temps, j’ai oublié l’homme et j’ai aimé le cheval. Sans lui, Jeanne, je ne sais ce que nous serions devenues, toi et moi.

-          Ca…

-          Et quoique tu en penses, je n’ai jamais aimé les chevaux plus que toi. Simplement, il faut faire des choix. Et Charles – le cheval, pas ton père -  nous a permis de vivre, toutes les deux, pendant de longues années.

-          Et maintenant ?

Elle regarda intensément son enfant avant de répondre :

-          Maintenant, c’est à ton tour de prendre soin de ton petit…

-          Alors comme ça, tu sais, murmura Jeanne.

-          Bah…, répondit celle-ci, j’en ai vu des pouliches, tu sais…

-          Maman ! s’énerva la jeune femme, je ne suis pas un cheval, merde !

-          Je le sais bien ma chérie… Mais tu en as la fougue.

-          On rentre ?

-          Va te reposer. Moi, je vais rester encore un moment.

Une fois à l’intérieur, Jeanne vit sa mère prendre ses béquilles et se diriger d’une démarche malhabile vers Charles. L’animal s’approcha d’elle ; elle murmura à son oreille, le cajola d’une main qui semblait si douce et experte que Jeanne en frissonna de jalousie, mêlé d’une pointe de dégoût.

La reconnaissance que la jeune femme avait pu ressentir pour le cheval quelques jours auparavant s’envola aussitôt pour laisser place à cette bonne vieille rancune qui lui tenait compagnie depuis tant d’années.

-          Crève… maintenant ! murmura-t-elle.

Jeanne attendit longtemps que sa mère revienne. Elle l’attendit si longtemps que ce qui n’était au début qu’un pensée fugitive, s’installa en elle, se développa vite et fort et s’enracina si profondément qu’elle en ressentit une paix immense.

Ce soir-là, même sa mère remarqua que, pour une fois, la colère qui habitait sa fille semblait l’avoir quittée pour faire place à une détermination qu’elle ne lui connaissait pas.

Le lendemain, lorsqu’on découvrit le corps mutilé de Charles, abandonné dans les bois, elle ne porta pas plainte, pas plus qu’elle ne signala la disparition de sa fille.

En quelques mois, cette femme forte et volontaire se tassa, ne sortant de sa maison que pour faire le tour d’un enclos désormais vide.

Pourtant, tous les jours, derrière sa fenêtre, elle guettait, tenant à la main un bout de carton sur lequel on annonçait la naissance d’un enfant dont le prénom, à force d’être caressé, en était devenu illisible.

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