Côté ombre

Susanne Derève

J'ai fait  les cent pas sur le parvis
côté ombre
 
À même le pavé
la gitane a suivi les lignes de ma main
mais elles étaient brouillées
 
De l'autre côté des pierres
Notre-Dame de la Mer
écrasée de soleil, déserte,
s'endormait
 
Dans le silence
d'un plein après-midi d'été
 
Non, tu ne viendras plus
mais j'attendrai  le soir
 
J'attendrai les chanteurs,
le timbre des guitares                                                        
le son rauque et cassé de ces mélopées lentes  
qui disent le départ
et le prix de l'errance
 
- la gitane dénoue les pans d'un fichu vert
un enfant fait la manche -
 
Demain j'irai revoir la mer
la mer et les étangs
la robe claire des chevaux
et l'éclat de corail des flamants
comme des perles ébouriffées
qu'aurait éparpillées le vent
sur l'eau
 
J'irai dire un adieu à Arles la romaine                                     
Fouler aux pieds les Alyscamps   
Comme Toulet au bord des tombes
Eprouver le poids du passé
Avant que le jour ne s'effondre 
 
Et  oublier                                 
  • J'ai fait les cent pas sur le parvis
    côté ombre,
    et tu n'es pas venue.

    J'ai pourtant attendu longtemps.
    Peut-être je n'aurais pas dû
    acheter des fleurs ce matin.

    Elles courbent déjà la tête ,
    et désespèrent de te voir,
    à mesure

    que le soleil
    grignote un peu plus de la place .
    Mais je suis resté ,

    assis sur un banc, désoeuvré,
    et du square me parviennent les cris des enfants.
    Je me suis occupé à compter les pavés.

    Il y en avait beaucoup sur la place
    autour des maigres platanes
    que l'on y avait plantés.

    Beaucoup, mais pas tant,
    que ces minutes qui n'en finissent pas .
    Elles s'étirent en un long soupir.

    L'après-midi s'est prolongé,
    c'était l'été et la lumière s'est attardée
    jusqu'à la fermeture des boutiques.

    Non, tu ne viendras plus.
    Je le sais maintenant ,
    et les fleurs sont fanées.

    Mais je reviendrai demain.
    Il y aura des musiciens
    qui accompagneront mes pensées.

    Celles qui disent les exils volontaires,
    l'incertitude de l'errance ,
    et les lueurs de l'espoir.

    Demain, quand tu seras là
    je te tiendrai pas le bras,
    et nous irons revoir la mer

    La robe claire des chevaux ,
    et ton regard aura l'éclat
    de la nuit , où le jour commence à poindre...

    Nous éviterons les paroles inutiles ,
    que le vent aurait éparpillées ;
    tu te contenteras d'être là.

    Et ce sera la joie ,
    quand tu reviendras
    .. mettre un terme à l'incertitude...


    R

    · Il y a plus de 6 ans ·
    Tulip  avr  21  03

    rechab







    • Tu étais là, sur le parvis
      côté ombre
      et je t’ai reconnu même avant de te voir

      Tu attendais sur le vieux banc de pierre
      avec cet air d’éternel enfant
      - celui sans doute qui m’avait fait revenir
      sur mes pas une dernière fois
      en te cherchant-

      - Notre Dame de la mer -
      Qu’attendais-tu, indifférent
      a ce qui t’entourait
      au timbre des guitares
      aux gamins qui mendiaient à même le pavé

      Il m’a semblé qu’une gitane en robe noire
      lisait les lignes de ta main
      T’a-t-elle parlé de moi ?

      Je sais que j’ai couru vers toi que j’ai crié
      que tu m’as serrée dans tes bras

      et je suis si légère, t’en souviens-tu,
      que tu m’as fait tourner, tourner sans fin
      jusqu’au vertige

      Si haut qu’au-delà du fronton de l’église
      j’ai vu le soleil basculer ricocher
      dans tes yeux

      La place en est soudain devenue trop étroite …

      Il me fallait le ciel entier côté lumière,
      Il me fallait la mer au-delà de ces digues
      qui ferment l’horizon sous le pas des chevaux,
      au-delà des étangs, au-delà des roseaux

      lequel entrainait l’autre, le sais-tu ?
      Il me semble que tu m’as portée jusqu’à la mer
      en chuchotant à mon oreille des mots
      que le vent étouffait

      Ou bien était-ce le vent lui-même qui murmurait
      Qu’importe je te retrouvais

      · Il y a plus de 6 ans ·
      Photo

      Susanne Derève

    • magnifique !!!
      - je vois la scène... allez ! je t'emporte........... ( c'est vrai que tu es légère ! ).-
      je m'en doutais
      ..

      · Il y a plus de 6 ans ·
      Tulip  avr  21  03

      rechab

    • : )

      · Il y a plus de 6 ans ·
      Photo

      Susanne Derève

  • "Notre-Dame de la mer"... Tout cela est bien écrit. On s'y croirait tandis que nous sommes en plein hiver...

    · Il y a plus de 6 ans ·
    The fisherman 295007 640 (1)

    frederik

  • Embruns. Des couleurs et...des algues ..c'est la gitane dans la main qui est l'oubli....Toulet...pense à Lorca....

    · Il y a presque 7 ans ·
    Dsc00086

    mada

    • oui mais pour Lorca j'avais fait celui ci j'adore le Romancero Gitan http://welovewords.com/documents/soller-caballero

      · Il y a presque 7 ans ·
      Photo

      Susanne Derève

    • Oui, "Le romancero gitan" est une merveille, n'est-ce pas.... :-)

      · Il y a plus de 6 ans ·
      The fisherman 295007 640 (1)

      frederik

    • ah contente de te revoir ça faisait longtemps que tu n'étais pas passé donne un peu de tes nouvelles : )

      · Il y a plus de 6 ans ·
      Photo

      Susanne Derève


  • C'est la faute des pierres .
    Elles ont attendu si longtemps,
    alignées au bord des allées,
    que même les inscriptions,
    se sont effacées
    assistant, immobiles, à la fusion des jours:

    peut-être n'avaient-elles
    plus rien à dire et ont suivi
    le chemin des montagnes altières,
    un souvenir des Alpes lointaines .
    Ses rochers se sont écartés
    pour laisser passer le mistral .

    Le vent est toujours là, où tu l'a laissé,
    les flamants roses sont comme des fleurs
    posées sur les étangs,
    mais on ne sait pas si ce sont les mêmes,
    ou d'autres générations venues
    sur les étangs de Camargue .

    Tu trouves toujours aux Saintes-Maries,
    une gitane prête à te dire ton destin,
    dans les lignes de la main .
    Mais tu ne sais pas la reconnaître.
    Et d'ailleurs, si tu lui confiais ta paume ,
    elle trouverait ces lignes effacées.

    Et ce seraient comme ces pierres,
    qui ont attendu si longtemps,
    qu'elle ont fini par s'éroder,
    se dissoudre :
    dans le liquide du temps,
    et le poids du passé .

    -
    RC

    · Il y a presque 7 ans ·
    Tulip  avr  21  03

    rechab

    • merci, c'est joli des flamants comme des fleurs ..ou des perles .. et tu as toujours un texte d'avance...sur moi

      · Il y a presque 7 ans ·
      Photo

      Susanne Derève

    • mais non... puisque je l'ai écrit après - et d'après le tien ...

      · Il y a presque 7 ans ·
      Tulip  avr  21  03

      rechab

    • comment t'arrives à écrire si vite ?

      · Il y a presque 7 ans ·
      Photo

      Susanne Derève

    • tout dépend de l'inspiration ( en fait, je veux dire, du souffle qui le provoque)... ma réponse a été faire e,n même pas dix minutes... d'autres fois la maturation est bcp plus lente, ça dépend..

      · Il y a presque 7 ans ·
      Tulip  avr  21  03

      rechab

  • Que d'émotions à te lire... c'est magnifique et j'adore la descrption de tes flamants ♡

    · Il y a presque 7 ans ·
    12804620 457105317821526 4543995067844604319 n chantal

    Maud Garnier

    • c'est vrai que c'était risqué .. merci à toi :)

      · Il y a presque 7 ans ·
      Photo

      Susanne Derève

  • oui.. cette ville m'est chère...

    je vous offre un petit coucher de soleil

    http://www.youscribe.com/catalogue/documents/litterature/poesie/concerto-des-cites-2675133

    · Il y a presque 7 ans ·
    Autoportrait(small carr%c3%a9)

    Gabriel Meunier

    • merci ! Arles, de très beaux souvenirs

      · Il y a presque 7 ans ·
      Photo

      Susanne Derève

  • Très beau poème !
    "...et l'éclat de corail des flamants
    comme des perles ébouriffées..."

    · Il y a presque 7 ans ·
    Louve blanche

    Louve

    • merci ...pas facile à décrire , vous me rassurez :)

      · Il y a presque 7 ans ·
      Photo

      Susanne Derève

    • C'est magnifique ! Une émotion en le lisant mais je n'ai pas su mettre les mots pour la décrire.

      · Il y a presque 7 ans ·
      Louve blanche

      Louve

    • merci, on n'est jamais sur de ce qu'on a écrit :)

      · Il y a presque 7 ans ·
      Photo

      Susanne Derève

  • La ville s'endormait et Susanne Dereve en a dit le nom.

    · Il y a presque 7 ans ·
    Photo 1 orig

    Alain Balussou

    • Doublement merci à vous : pour ce joli commentaire et parce que c'est vous qui m'avez fait découvrir Toulet , que j'adore.

      · Il y a presque 7 ans ·
      Photo

      Susanne Derève

  • Somptueux...

    · Il y a presque 7 ans ·
    Profil

    Julien Darowski

Signaler ce texte