DERNIER TOAST
Maud Garnier
Célibataire endurci, bourreau des cœurs, Amalric butinait les cœurs, les corps et les âmes des dulcinées en mal d'amour. Casanova invétéré, son plus grand plaisir était « la chasse » comme il aimait à le dire. Une fois la proie séduite, il se désintéressait aussitôt de l'élue provisoire et papillonnait de l'une à l'autre. Les perfides serments enflammés, pour arriver à ses fins, se réduisaient à néant, une fois que la conquête avait abdiqué.
Ses terrains de chasse étaient multiples, clubs, piscine, grands magasins, tous les lieux ou la gente féminine prédominait à profusion, l'excitaient. Comme sur un catalogue, il choisissait sa future proie.
La petite brune est pas mal, la blonde plantureuse est plutôt mieux, la rousse appétissante
Tout à ses pensées il faisait son choix.
Plutôt bien de sa personne, son physique ne laissait pas indifférent. La salle de sport était un bon investissement, il était musclé, mais sans excès, brun ténébreux aux yeux clairs et ventre plat il se délectait d'attirer les regards.
Son approche était bien rodée. Il savait bien que les femmes étaient lasses d'êtres harcelées dans la rue ou les transports par des Roméo de pacotille. Aussi, lorsqu'il avait jeté son dévolu sur une femme, il détournait le regard, tout en surveillant du coin de l'œil, il se plaçait dans le dos de celle-ci, alors qu'elle reculait, il se plaçait de sorte qu'elle le heurte de son caddy, ou lui marche sur le pied. Quand cela ne fonctionnait pas, il se plaçait devant elle se retournait brusquement en provoquant un heurt entre eux. Il se mettait alors à geindre, voir boiter, sur-jouait, et les femmes étaient toujours confuses.
— Désolées, vraiment excusez-moi
Il comptait sur la fibre maternelle, le côté infirmière, en jouant la victime, et non le prédateur, il avait toutes ses chances. Les femmes proposaient de l'aide tout naturellement, d'autant qu'il était séduisant. Après l'échange de numéro de téléphone, la suite s'enchainait, elle se devait bien au moins, d'offrir une consommation dans un bar pendant qu'il se remettait, puis plus tard un restaurant.
Il se montrait charmant, pas du tout entreprenant il fallait « ferrer » la femme, gagner sa confiance, jusqu'à ce que sa conquête craque littéralement pour lui.
Une fois son but atteint, il prétextait une absence professionnelle à l'étranger et changeait la carte Sim de son téléphone. Après de multiples appels sans réponse, les femmes se résignaient, se disant qu'elles avaient été abusées, certaines sombraient dans le désespoir, d'autres étaient très en colère.
Un jour où il s'exerçait à son jeu favori, il se fit heurter de plein fouet, par une superbe brune. Celle-ci se figea puis mima la douleur, pris à son propre jeu, Amalric reste bouche bée. Lors de l'inversion des rôles c'est lui qui se vit proposer un verre pour qu'elle puisse se remettre. Il pensait que tout son talent renverserait la situation comme à son habitude.
Il n'en fut rien. Aliénor menait la danse, il dut en convenir. Ce jeu était si excitant qu'il se surprit à penser à elle à tout instant.
— suis-je en train de tomber amoureux ? mais non voyons
Il devait pourtant en convenir, dieu comme il désirait cette femme, mais celle-ci se refusait tout en ne cessant d'exciter sa convoitise.
Quand elle prétexta un voyage professionnel à l'étranger il s'affola, Aliénor le quittait. Sans nouvelle pendant 15 jours, il se morfondait lorsqu'il reçut un SMS.
— Rendez-vous surprise à 21 h 00 à cette adresse. Inutile de répondre.
Suivait une signature
— La reine Aliénor attend son chevalier
Amalric était fou de joie, enfin ! L'attente avait été longue. La torpeur qui l'avait gagné s'envola. Il prit soin de son apparence : chemise blanche, pull turquoise sur les épaules, jean gris, une touche de parfum boisé au santal. Le miroir le rassura, la couleur turquoise du pull faisait ressortir ses yeux clairs. Il était parfait !
Il chargea l'adresse sur son GPS, fort étonné de quitter la ville, il parcouru la route un peu inquiet et plein de rêves en tête.
Il était arrivé ! Une allée et au fond un sombre manoir. Après s'être garé, il ne vit âme qui vive. Sur la porte quelques mots :
— Suis les pétales de roses
Un sourire éclaira son visage. Apparemment Aliénor avait envie de jouer.
Il suivi donc le chemin des pétales jusqu'à une superbe et vaste salle de bain. Un bain chaud était coulé et des bougies entouraient la baignoire. Un simple panneau
— Entre dans l'eau et savoure
Il se dévêtit en hâte, se glissa avec délice dans le bain chaud. Aliénor allait elle le rejoindre dans cette vaste baignoire ? il poussa un soupir, se détendit, ferma les yeux en reposant sa tête sur le rebord de la baignoire muni d'un petit coussin.
Soudain, il sentit une présence. Aliénor était là, sublime dans une robe fourreau noire près du corps et fendue.
Alors qu'il allait parler et se lever, elle posa un doigt sur ses lèves et une main sur son épaule lui intimant de rester dans le bain. Elle était si belle, magnifique, il ne demandait qu'à se laisser guider.
Alors qu'il souriait, elle glissa sa main dans l'eau du bain où son désir était à son paroxysme, elle commença un lent va et vient avec sa main. Il était au paradis ! elle approcha la bouche de son oreille, la mordilla il était aux anges et ne comprit pas tout de suite les mots qu'elle prononça
— Te souviens de Natacha, de Blandine, de Victorine, de Yasmina, de Tao, de Virginie, de Valérie, de Karine ?
Amalric avait ouvert les yeux, ahuri, pendant que le va et viens de la main d'Aliénor se faisait plus violente, effaré, il regardait entrer dans la salle de bain toutes ses anciennes conquêtes au fur et à mesure des prénoms égrainés par Aliénor. Une terreur commençait à envahir ses traits.
— Te souviens-tu comment tu les as traitées ? Te souviens-tu de Natacha ?
Redemanda Aliénor
— Lorsque que tu l'as quittée elle s'est jetée contre un mur en voiture, c'était ma sœur. Tu es une ordure meurtrière qui se moque du mal que tu sèmes derrière toi. Nous devons t'empêcher de nuire encore et encore
La main d'Aliénor se crispait dans la baignoire. Amalric affolé tentait à la fois de la faire lâcher prise et surveillait en même temps toutes les femmes réunies dans la salle de bain. Alors toutes se rapprochèrent à chaque prénom qu'Aliénor prononçait, l'une d'elles venait se placer vers sa tête qu'elle plongeait de force dans le bain, et Aliénor serrait, serrait toujours. Entre chacune elles lui laissaient reprendre son souffle.
— Tu as de la chance que toutes ne soient pas là
Ricana Aliénor.
— Tu ne mérites pas de vivre après le décès de ma merveilleuse sœur. Tu n'es qu'un prédateur.
Alors, chacune se passant un couteau, toutes plongèrent leur lame dans le corps d'Amalric, dans une orgie de sang, une frénésie de vengeance.
Aliénor lâcha la chair flasque, qu'elle tenait en main, pris le couteau la dernière et trancha la virilité d'Amalric, bourreau des cœurs, des corps et des âmes des femmes, sacrifié sur l'autel de leur sanguinaire vendetta.
Elles avaient vidé la baignoire et l'eau rougie de sang. Puis à l'aide d'un drap elles portèrent le corps d'Amalric jusqu'à une fosse précédemment creusée sur le terrain du manoir qu'elles avaient louées pour le weekend pour « une réunion entre amies ».
Elles firent enfin honneur au repas livré par un traiteur et les « glams killeuses », portèrent un dernier toast !
— A notre santé, à la vengeance, au girl power, mort aux Casanova de pacotille ! ce n'est que le début, il reste beaucoup de terrain en besoin d'engrais sur le domaine…
La vengeance si bien menée, j'aime ! Un toast sincère à vous, Maud !
· Il y a environ 7 ans ·astrov
Coucou Astrov merci de me lire à bientôt ici ou sur Short Édition :-))
· Il y a environ 7 ans ·Maud Garnier
J'adore! J'adore! J'adore! J'aime d'ailleurs écrire ce genre d'histoire! Vindicative je suis sans doute! Heureuse que l'arrogance et la prise de pouvoir de ce genre d'hommes reçoivent enfin une condamnation à la hauteur!
· Il y a environ 7 ans ·Dis-moi, Maud, une prémonition? Ton texte est tout en fait en phase avec les événements actuels! Une baignoire ne suffira pas, il va falloir des piscines!
Félicitations à toi!
Le texte est tellement bien mené!
Claire Doré
Encore une nouvelle refusée écrite pour un concours thème "femmes fatales" ! Écrite avant la juste liberation de la parole des femmes actuellement. Bisous
· Il y a environ 7 ans ·Maud Garnier
Excellent! Quand tu tues tes personnages, tu ne fais pas dans la dentelle ! ;-) belle vengeance en tout cas!
· Il y a plus de 7 ans ·missfree
Merci de me lire, c'est vrai que je tue beaucoup de personnages en ce moment :-)
· Il y a plus de 7 ans ·Maud Garnier
Récit mené d'une main de maître si j'ose dire... Disons le clairement, je suis pour la castration des prédateurs ! Plus sérieusement, votre plume est superbe...
· Il y a plus de 7 ans ·Julien Darowski
Haha je me lâche parfois merci Julien ;-)
· Il y a plus de 7 ans ·Maud Garnier
· Il y a plus de 7 ans ·Vraiment excellent ! Un beau retournement de situation. On est de tout coeur avec le filles. Et une très belle écriture. Tous mes votes (Oh merde ! On n'est pas chez Short :))
François Duvernois
Ah oui pas chez Short ;-) merci pour ces votes virtuels ici il t'a les coups de coeur :-))
· Il y a plus de 7 ans ·Maud Garnier
Merci François pour le coup de coeur :-) ♡
· Il y a plus de 7 ans ·Maud Garnier
Me suis toujours méfié des réunions Tupperware :) Certaines s'y rendent la mort dans lames !
· Il y a plus de 7 ans ·flolacanau
Haha quel bon commentaire ! Merci Flo :-)
· Il y a plus de 7 ans ·Maud Garnier
https://youtu.be/LwqOdUSIZxY
· Il y a plus de 7 ans ·enzogrimaldi7
oups ;-) que de douceur,,,bravo Maud ;-) yama kasi are back ,
· Il y a plus de 7 ans ·Patrick Gonzalez
Yes dans l'esprit des ZaCaMaSyAd ;-)))
· Il y a plus de 7 ans ·Maud Garnier
Bien ficelé ! Très bien écrit ! Terriblement efficace !
· Il y a plus de 7 ans ·Caroline Ravier
Merci Caro ! Nouvelle refusée dans le concours thème femme fatale car pas d'élément fantastique ! Alors que la revue ciblait ce créneaux :-)
· Il y a plus de 7 ans ·Maud Garnier