Désillusion faciale

mercredimonroe

J’ai commencé par me couper les ongles, jusqu’au rouge de la peau. J’avais les bouts des doigts en feu. Puis je me suis regardée longuement dans la glace, tentant d’attraper une émotion inconnue sur cette face que je connaissais de trop : trop vue, trop de malheurs dans ses sillages. Le ciseau s’attaqua à la frange, coupant net à la racine, puis aux sourcils, les pointes, puis les cils… Aucune douleur, rien. Rien ne changea l’esquisse de ce visage. Je me suis saisi du coupe-ongles alors. J’ai coupé les extrémités.  Une larme était-ce ? Je voulais un torrent, un raz-de-marée capable d’émouvoir ce masque désarticulé. J’arrachai deux, trois, cinq, puis une vingtaine de cils en même temps, la bouche fermée, cousue de l’intérieur par des pierres blanches, taillant dans la chair rose, complice de ma main fatale. Un océan trouble aux bords des paupières, un liquide émotionnel. Un pli là, un froncement, une moue retenue : enfin un mouvement. Trois quatre six… Je déplumais mes yeux ; comme Œdipe se creva un œil, j’agrandissais mon regard, le dénudait de ces lisières inutiles pour mieux entrevoir la Vérité. Mon visage ne voulait plus rien dire. Des perles de sang et des larmes citronnées désarmèrent ma gorge.Un cri sans nom.Un ballet de sons métalliques et de touffes de cheveux.Un goût rouillé dans la bouche.Victoire ! Je m’étais approprié le visage de la démence. 

J’ai commencé par me couper les ongles, jusqu’au rouge de la peau. J’avais les bouts des doigts en feu. Puis je me suis regardée longuement dans la glace, tentant d’attraper une émotion inconnue sur cette face que je connaissais de trop : trop vue, trop de malheurs dans ses sillages.

Le ciseau s’attaqua à la frange, coupant net à la racine, puis aux sourcils, les pointes, puis les cils… Aucune douleur, rien. Rien ne changea l’esquisse de ce visage. Je me suis saisi du coupe-ongles. J’ai coupé les extrémités.  

Etait-ce une larme ? Je voulais un torrent, un raz-de-marée capable d’émouvoir ce masque désarticulé. J’arrachai deux, trois, cinq, puis une vingtaine de cils en même temps, la bouche fermée, cousue de l’intérieur par des pierres blanches, taillant dans la chair rose, complice de ma main fatale. Un océan trouble aux bords des paupières, un liquide émotionnel. Un pli là, un froncement, une moue retenue : enfin un mouvement. 

Trois quatre six… Je déplumais mes yeux ; comme Œdipe se creva un œil, j’agrandissais mon regard, le dénudait de ces lisières inutiles pour mieux entrevoir la Vérité. Mon visage ne voulait plus rien dire. 

Des perles de sang et des larmes citronnées désarmèrent ma gorge.Un cri sans nom.Un ballet de sons métalliques et de touffes de cheveux.Un goût rouillé dans la bouche.Victoire !

Je m’étais approprié le visage de la démence. 

© MercrediMonroe 

  • Le terme salutaire me rassure Joëlle Pétillot ! Merci ! Je souhaite, tout de même, ne pas avoir trop choqué ! Lucidité retrouvée avec un regard neuf... Merci Apolline de Touvent.

    · Il y a presque 12 ans ·
    Heart books by ana pontes 500

    mercredimonroe

  • Une démence éprouvante à lire mais la folie ne touche t-elle pas une certaine lucidité ? Tout repoussera sûrement avec du neuf pour repartir à zéro... Belles lignes tu as ;)

    · Il y a presque 12 ans ·
    Ange

    Apolline

  • Wen, Woody, merci pour vos commentaires ! Sweety, navrée mais merci d'être passée sur ma page :)

    · Il y a presque 12 ans ·
    Heart books by ana pontes 500

    mercredimonroe

  • aie non mais nonnnnn...faut me prévenir...c'est trop pour moi!!aie!pas les yeux tous sauf les yeux...

    · Il y a presque 12 ans ·
    Suicideblonde dita von teese l 1 195

    Sweety

  • tout comme Wen ... dérangeant plus que de coutume ... limite supportable pour moi mais je suis quelqu'un qui se fait anesthésier chez son dentiste ...

    · Il y a presque 12 ans ·
    Img 5684

    woody

  • Ouch... en effet.
    Un "parrainage" de Christine, ça se mérite et c'est le cas.
    Dérangeant comme il faut.

    · Il y a presque 12 ans ·
    Francois merlin   bob sinclar

    wen

  • Christinej, Lyselotte : merci beaucoup, je suis très flattée !
    Mathieu : merci également, et je tiens compte de vos remarques, j'apprécie !

    · Il y a presque 12 ans ·
    Heart books by ana pontes 500

    mercredimonroe

  • Oui, j'aime beaucoup la violence qui monte crescendo ! Bravo, et merci à christine pour le partage.

    Peut-être quelques corrections/ suggestions pour le rythme (vous en faîtes ce que vous voulez)
    "J'ai saisi le coupe-ongles" (en supprimant "alors")
    "Une larme était-ce ?" Tournée comme ça, la question me gêne...

    · Il y a presque 12 ans ·
    Sdc12751

    Mathieu Jaegert

  • Houlala !! magnifique !!

    MAGNIFIQUE !!!

    cdc pour ce hurlement dément...

    merci Christine pour le partage.

    · Il y a presque 12 ans ·
    D9c7802e0eae80da795440eabd05ae17

    lyselotte

  • tres dur tres sombre et tres tres bon texte bravo

    · Il y a presque 12 ans ·
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    christinej

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