Donne-moi tes fesses

Frédéric Cogno

La rosée nous supplie d'agripper l'herbe tendre,

Viens par là, oui c'est mieux, toune-toi plus saline,

A ce jeu de coquin te laisseras-tu prendre,

Plus chienne que la nuit à souiller tes prâlines?

 

Déhanchement des flots sur la rade peau-brune,

Cascades  de parfums, de crinières barbares,

J'aime ce dos cribblé de frissons-nénuphars

Où l'attente se tord hérissée de lagunes.

Donne-moi tes fesses!

 

Gargouille au bec si noir, sors-moi ta langue rose,

Tu ne me fais pas peur, tu n'as plus de raison

D'effrayer l'assiègeant planteur de croix moroses

Puisque je suis venu te trousser la mousson.

Ô ma jolie fugueuse, épépinée du soir,

Tes deux seins ballottés, tourlourous de la treille,

Allaitent les violettes au gazon des abeilles,

Caressent des épis pour faire du téton noir.

Donne-moi tes fesses!

 

Pour presser ardemment ces jolis pomélos

Qui ont pris le soleil par ce ponton fleuri,

Debouts, dressés, serrés, comme de fiers jumeaux,

Les mordre à pleines dents te donnera du fruit.

Donne moi tes fesses!

 

Pour passer une main comme on fait sous la roche,

Puis le nez respirant des chicorées-mouillettes,

Effeuiller des lichens aux babines ouvertes

Et sentir si la source à petits claps approche...

Donne- moi tes fesses!

Trappeur de fleurs pochées dans les creux d'eaux mutines,

Odeur, t'ai-je flairée en passant sous tes cuisses?...

Toi qui palpite là à gorge de poussine,

As-tu fait de ton nid des échardes d'iris?...

Donne-moi tes fesses!

Jeu de langue acclamé traversant les roseaux,

Ô sueur de Camargue, arpège tes chevaux!

Que ma bouche s'unisse  aux douves des taureaux

Dans un long clapotis sur la plage au galop!...

Donne-moi tes fesses!

 

Sur ma lancée je veux en levrette impatiente,

Fendre le melon frais, au couteau, ma succube,

Et limer la pulpe, caresser mes jujubes,

Avant le bilboquet dans ta brousse béante.

 

Je t'inculpe d'un vice au scalp éclaboussant,

Ô secousses en crue, écume à la rescousse!

Cadence accoutumée à la mousse qui glousse,

La mitraille t'insulte et se fout des pédants!...

Donne-moi tes fesses!

Tu aimes t'embrocher au front de la Licorne,

Ô criée des senteurs en proie à des vandales,

Bombarde à qui l'on met des foudres du Cap Horn,

Le gong d'Acapulco se languit d'avoir mal.

Donne-moi tes fesses!

 

Allez, hue, que ça sonne! Ô gourdin du démiurge!

Ma queue tient des marées remontant en ma gorge,

Sur ta selle d'amour, alerte au jus de bortsch!

Ton salaud t'arrose de spasmes centrifuges!...

 

 

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